Aujourd’hui, que vous soyez fonctionnaire ou simple particulier, j’ai décidé de vous indiquer comment gagner de l’argent honnêtement en le réclamant à l’administration qui reconnaissons-le, a parfois quelques disfonctionnements ou lourdeurs à se reprocher.
Beaucoup de gens ne le savent peut-être pas, mais avant de saisir le tribunal administratif d’un recours en indemnisation dit de « plein contentieux », le requérant devra, sauf en matière de travaux publics et sous peine d’irrecevabilité de sa requête, d’abord faire une demande préalable en indemnisation auprès de l’administration pour « lier le contentieux ».
Cette demande prendra la forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception (vous garderez précieusement l’avis de dépôt du recommandé, à ne pas confondre avec l’accusé de réception, car c’est lui qui déclenche le délai de deux mois de rejet tacite).
Ce petit talon de La Poste, remis lors du dépôt de votre lette au bureau de Poste, vous sera réclamé par votre avocat et par le Tribunal administratif en cas de recours contentieux.
Ce n’est qu’en l’absence de réponse de l’administration pendant deux mois (rejet tacite) ou en cas de réponse négative (décision expresse) que vous pourrez saisir le juge administratif avec le concours obligatoire d’un avocat.
Il convient de noter que le délai de recours de deux mois pour saisir le juge ne commencera à courir qu’à partir du lendemain de la réception d’une décision expresse de rejet (deux mois à compter de l’envoi de votre demande préalable).
En cas de silence, l’administré pourra saisir le juge administratif à partir des deux mois de silence (une décision tacite de rejet est née) dans le délai maximum de quatre années décomptées à parti du 1er janvier suivant l’année ou il a fait sa demande préalable. (Loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics).
Comme je vous l'ai dit, le requérant ne peut donc pas saisir directement le tribunal administratif d'un recours indemnitaire. Il doit au préalablement adresser une demande à l'administration lui faisant part de ses prétentions. C'est la décision expresse ou implicite préalable à la phase contentieuse de l'administration qui devra faire l'objet du recours contentieux en indemnisation.
Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 16 mars 1979, 06177, mentionné aux tables du recueil Lebon (Commune de Mireval)
« Une institutrice ayant demandé au maire de lui attribuer une maison destinée au logement des instituteurs et alors vacante. Le maire ayant rejeté cette demande et n'ayant mis à la disposition de l'intéressée aucun autre logement convenable, celle-ci avait droit à l'indemnité représentative et était fondée à demander au tribunal administratif de condamner la commune à la lui verser. Si l'intéressée a en outre demandé au tribunal administratif, en invoquant la faute qu'aurait commise le maire en lui refusant un logement scolaire disponible, de condamner la commune à lui verser des dommages-intérêts, elle ne justifiait d'aucune décision administrative préalable rejetant une telle demande. Conclusions sur ce point irrecevables. »
Conseil d'Etat, 4 / 1 SSR, du 11 février 1983, 43412, mentionné aux tables du recueil Lebon (Syndicat autonome des enseignants de médecines et autres) mais toutefois par exception dans certaines matières, le tribunal administratif peut être saisi directement (travaux publics, contentieux électoral et également lorsque le juge administratif est saisi après une instance devant un tribunal de l'ordre judiciaire).
(Voir conclusions du Commissaire du Gouvernement Kahn sous l'arrêt Conseil d'état, 23 mars 1956, Dame veuve GINESTET, A.J.D.A 1956-164)
Le Professeur René CHAPUS définit la notion de cause juridique dans la responsabilité extra contractuelle comme :
« Statut juridique sous la protection duquel la victime entend se placer pour engager la responsabilité de la puissance publique et obtenir réparation du préjudice souffert »
René CHAPUS, mélanges Stassinopoulos, 1974, page 77.
Causes juridiques en plein contentieux : la responsabilité de l'administration peut être :
Ce sont les causes juridiques opposables en plein contentieux qui lient le contentieux et si vous souhaitez en changer ou si vous avez laissé passer le délai de recours de deux mois, il faut faire une nouvelle demande préalable fondée sur une autre cause juridique.
Le défaut de décision préalable n'a pas un caractère d'ordre public et n'a donc pas à être soulevé d'office par le juge administratif.
Si en matière de contentieux de l'excès de pouvoir, l'ordre de discussion des irrecevabilités importe peu, il en va différemment dans le contentieux de pleine juridiction en ce qui concerne le défaut de décision préalable.
En matière de plein contentieux, dans son « Mémoire en défense », l’administration qui constate une absence de demande préalable en indemnisation, doit impérativement soulever « in limine litis » à « titre principal » l'irrecevabilité pour défaut de décision préalable avant toute discussion sur le fond, et discuter ensuite sur le fond mais à « titre subsidiaire ».
Faute de le faire, si l’administration défenderesse au recours en indemnisation commence à discuter le bien-fondé de la demande en concluant à son rejet à titre principal et si ce même défendeur oppose ensuite à titre subsidiaire le défaut de décision préalable, le Conseil d'Etat a considéré dans un arrêt d'Assemblée du 23 avril 1965, Dame veuve Ducroux, Rec. p. 231, que « ses conclusions doivent être regardées comme constituant une décision de rejet susceptible de lier le contentieux devant la juridiction administrative »
Monsieur le Président du Tribunal administratif de (adresse)
OBJET : Recours n°........ formé par ……………………….
V/REF : Votre communication du ……………….
N/REF. : ……………..
Vous m'avez invité à présenter mes observations sur le recours formé par et tendant à obtenir la condamnation de l'État au paiement d'une somme de ……….euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de (indication du fait générateur :
par exemple, illégalité d'une décision administrative).
Ce recours appelle de ma part les observations suivantes :
Sur la recevabilité, à titre principal.
Le requérant n'établit pas qu'il a saisi mon administration d'une demande d'indemnité, préalablement à la saisine de votre tribunal.
En l'absence d'une décision administrative préalable nécessaire pour lier le contentieux (Conseil d’Etat, 11février 1983, Syndicat autonome des enseignants de médecine et autre, Rec. p. 814), la requête directement adressée à votre tribunal est irrecevable et doit être rejetée.
Sur le fond, à titre subsidiaire (le cas échéant).
Pour ces motifs et tous autres à produire, déduire ou suppléer, je conclus au rejet du recours formé par comme étant irrecevable et subsidiairement mal fondé.
Dans un arrêt en date du 30 juillet 2003, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de rappeler qu’un requérant peut se borner à demander à l'administration réparation d'un préjudice qu'il estime avoir subi pour ne chiffrer ses prétentions que devant le juge administratif.
Par suite, en jugeant que les décisions de rejet opposées aux demandes de réparation adressées par une personne n'avaient pas le caractère de décisions préalables liant le contentieux dès lors qu'elles n'étaient pas chiffrées, une cour administrative d'appel commet une erreur de droit.
Dans son arrêt en date du 4 décembre 2013, le Conseil d'Etat rappelle qu'aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration.
En revanche, une telle fin de non-recevoir peut être opposée lorsque, à la date à laquelle le juge statue, le requérant s'est borné à l'informer qu'il avait saisi l'administration d'une demande mais qu'aucune décision de l'administration, ni explicite ni implicite, n'était encore née.
Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 04/12/2013, 354386
Les cinq cas dérogatoires lesquels le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet.
1° Lorsque la demande ne tend pas à l'adoption d'une décision présentant le caractère d'une décision individuelle ;
2° Lorsque la demande ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ;
3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ;
4° Dans les cas, précisés par décret en Conseil d'Etat, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l'ordre public ;
5° Dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.
Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations modifiée.