1. Fonctionnaire territorial en congés de maladie plein traitement, dois-je conserver l'intégralité de mes primes ?
Bonjour,
Le problème des retenues sur le régime indemnitaire versé aux agents publics en cas d'absence a provoqué depuis ces dernières années beaucoup de polémiques et relativement peu de contentieux.
En effet, on peut diviser le régime indemnitaire en deux parties :
- les indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions (Primes informatique, indemnité de régisseurs, IHTS indemnités d'astreinte, travaux salissants, prime de panier, etc...) qui doivent être supprimées ou proratisées en cas d'absence (TA DIJON, 26 mars 1996 Mme Roger).
- les indemnités liées au grade indépendantes de l'exercice de fonctions qui pouvaient être maintenues en cas d'absence, mais qui de toute façon ne pouvaient pas être supprimées en l'absence de précisions dans la délibération instaurant le régime indemnitaire (TA MONTPELLIER, 7 avril 1993, Sieur MOURRIER).
Il suffisait de prendre le numéro « spécial primes de la Gazette des communes » pour avoir une idée de cette classification.
De toute façon, les primes liées à des fonctions exercées étaient tout de même maintenues lorsque l'agent était en accident de service ou en congé de maternité en « application » de la circulaire 76-459 du 6 octobre 1976 applicable aux personnels communaux de l'époque.
Le Conseil d'Etat a par la suite dû se prononcer sur la nature de la prime pour savoir si elle était ou pas liée à des fonctions exercée.
Cette jurisprudence qui avait qualifié l'IFTS de prime liée à des fonctions exercées a été abandonnée en 2003 et un arrêt de principe du 10 janvier 2003, Ministre de l'Intérieur/M. Laureau, requête n° 221334, précise qu'à défaut de disposition législative ou réglementaire, incluse dans les textes sur les primes ou maladies prévoyant expressément le maintien des régimes indemnitaires en cas d'éloignement temporaire du service, ceux-ci ne peuvent être maintenus.
Si on suit à la lettre cette jurisprudence, il vous faudrait donc rechercher désormais si une disposition prévoit le maintien et en l'absence d'une telle disposition, il faut suspendre !!!
Vous trouverez d'ailleurs ci-après dans deux arrêts très récents du Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 11 septembre 2006, OPHLM d'Aubervilliers , requête n° 252517, inédit au Recueil Lebon à propos d'IFTS, d'IAT, de PSR et de PT : « qu'il ne résulte pas des dispositions précitées, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que les primes instituées par le conseil d'administration et dont il appartient au directeur de l'office de fixer le taux applicable à chaque agent, pouvaient être versées aux agents de l'office indépendamment de l'exercice effectif de leurs fonctions(...) et Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 12 juillet 2006, Préfet de police de Paris, requête n° 274628, Inédit au Recueil Lebon à propos de l'indemnité d'administration et de technicité (IAT) et de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaire (IFTS) : « Considérant qu'en application des délibérations du Conseil de Paris, le préfet de police pouvait légalement décider, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires contraires, de réduire le montant de l'indemnité d'administration et de technicité et de l'indemnité forfaitaire de travaux supplémentaires à due proportion du nombre de jours d'absence des agents concernés pour cause de congé de maladie ou de congé pris pour soigner un enfant malade ;(...) »
Je vous joins néanmoins une petite étude sur la question du paiement des primes et indemnités en cas d'éloignement temporaire du service.
En cas d'éloignement temporaire du service, la question du paiement des régimes indemnitaires (à l'exception pratiquement de la NBI où les textes réglementaires ont prévu les modalités à suivre) n'est pas véritablement tranchée.
1. La réglementation
Elle est très succincte et se limite aux lois des 13 juillet 1983 et 26 janvier 1984
- article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement, ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire.
- article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : le fonctionnaire, pendant la durée du congé de maladie à demi-traitement, conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence.
La circulaire 76-459 du ministère de l'Intérieur du 6 octobre 1976, a institué des règles d'abattement en fonction d'une part, du motif d'éloignement du service et d'autre part, de la durée de l'absence.
Par contre, une réponse ministérielle n° 1074 à une question parlementaire du 1er août 1988 (JOAN du 24 octobre 1988) avait eu le mérite de répertorier et de classer les différentes primes ou indemnités en fonction de leur nature d'attribution :
- au titre du grade;
- au titre des sujétions professionnelles;
- au titre de l'exercice des fonctions.
En l'absence de dispositions précises sur le sujet, c'est la jurisprudence administrative qui a été amenée à cerner et à définir les critères de maintien ou de suppression des primes et indemnités en cas d'éloignement temporaire du service. Sur ce sujet, celle-ci est en pleine évolution.
- maintien intégral;
- suppression totale;
- maintien dans les mêmes proportions que le salaire.
2. Les critères retenus par le juge administratif
a) Les indemnités et primes à caractère forfaitaire
- Le juge administratif, dans sa construction jurisprudentielle (à défaut de législation précise), considère que les primes et indemnités peuvent être intégrées au traitement dès lors qu'elles ont un caractère forfaitaire et général.
Ex: indemnité des administrateurs, etc. (CE du 14 juin 1995 - Commune de Septème-les-Vallons).
- Il s'agit aussi des régimes indemnitaires qui sont considérés indivisibles des sujétions découlant tant du statut que de la qualification professionnelle des fonctionnaires (CE 26 mai 1995, ministre des Affaires Sociales et de la Solidarité, M. Meyer).
- Il peut exister également certains régimes indemnitaires définis avec une partie fixe et une partie variable (par la délibération de l'assemblée délibérante qui aura souhaité pouvoir moduler l'attribution avec certains critères: absentéisme, notation, manière de servir, résultats.. .).
Dans ce cas, la partie fixe sera versée obligatoirement de manière forfaitaire indépendamment de l'exercice effectif des fonctions (CE 10 octobre 1994 M. Zaffiro).
Dans les trois typologies de situations ainsi décrites, le traitement et les primes forment un amalgame indivisible et sont maintenues en cas, par exemple, de congé maladie, de longue maladie ou de longue durée.
- C'est le cas aussi des primes qui sont soumises à retenues pour pension: elles sont partie intégrante au salaire (TA de Pau du 05 juin 1997 - M. Bacles).
Puisqu'elles forment un « amalgame indivisible» (selon les conclusions du commissaire du gouvernement dans l'arrêt de la commune de Septème-les-Vallons), elles suivront naturellement le sort du salaire en cas, par exemple, de travail à temps partiel ou de congé maladie à demi-traitement.
b) Les primes et indemnités liées à l'effectivité du service fait
A contrario des indemnités à caractère forfaitaire, elles sont versées en contrepartie de faits quantifiables et sont liées à l'effectivité du service fait: IHTS, indemnités d'astreinte, travaux salissants, prime de panier, etc.
Les indemnités et primes de ce type ne sont pas payées lorsque les missions auxquelles elles ouvrent droit ne sont pas réalisées, exercées ou accomplies.
Ce sera le cas même lors d'absence pour congé annuel ou maladie.
La jurisprudence sur cette question est rare parce que les contentieux sur le sujet ne sont pas fréquents. Les cas d'espèce ne sont pas nombreux et l'approche du sujet reste difficile : quelques décisions juridictionnelles d'illustration :
- TA de Pau du 5 juin 1997 - M. Bacles - Prime de sujétions spéciales de l'administration pénitentiaire, soumise à retenue pour pension. Cette pension présente le caractère d'un supplément de traitement et non d'une indemnité liée à l'exercice des fonctions. Cette prime est liée au versement du traitement et reste maintenue en congé de longue maladie.
- CE 14 juin 1995 - Commune de Septèmes-les-Vallons - L'indemnité spéciale mensuelle de fonction des agents de police municipale n'a pas un caractère forfaitaire. Elle doit être suspendue pendant les périodes où les agents attributaires n'assurent pas l'exercice effectif de leurs fonctions : suppression en congé de maladie.
- CE 4 février 1994 - Ville de Tours - Eviction illégale d'un agent de la police municipale annulée par jugement. L'agent irrégulièrement évincé n'a pas droit à la prime de risque allouée aux gardiens de police municipale qui a pour objet de compenser les risques et sujétions et qui reste liée à l'exercice effectif de telles fonctions.
- CE 26 mai 1995 - Ministre des Affaires Sociales et de la Solidarité - L'indemnité spéciale allouée aux médecins inspecteurs de la santé pour tenir compte des sujétions professionnelles qui leur incombent et de leur qualification professionnelle, résulte de manière indivisible des sujétions découlant de leur statut. Maintien de la prime en congé de longue maladie.
Les textes étant silencieux sur cette question et la jurisprudence peu fréquente, il convient, par souci de prudence, de préciser les modalités que la collectivité souhaite appliquer en l'espèce, dans les conditions d'attribution de la délibération.
Cette méthode a pour effet de fixer juridiquement les conditions de versement des primes en cas d'éloignement temporaire du service (congés annuels, maladie, maternité, accident du travail, CLM, CLD, etc.).
TRES IMPORTANT: Cette solution de préciser dans la délibération ce qui devra être pratiqué par la collectivité est confirmée maintenant par le Conseil d'État à l'occasion d'un revirement récent de jurisprudence.
Par un arrêt du 10 janvier 2003, Ministre de l'Intérieur/M. Laureau, requête n° 221334, le Conseil d'État déclare qu'à défaut de disposition législative ou réglementaire, incluse dans les textes sur les primes ou maladies prévoyant expressément le maintien des régimes indemnitaires en cas d'éloignement temporaire du service, ceux-ci ne peuvent être maintenus.
« Considérant que ni les dispositions de l'article 4 de la loi du 28 septembre 1948, ni l'article 1er du décret du 29 mai 1958 portant attribution d'une indemnité spéciale aux personnels de police, dont résulte la création de l'indemnité de sujétions spéciales des personnels des services actifs de la police, ni aucun autre texte législatif ou réglementaire n'ont prévu l'intégration de cette indemnité dans la rémunération versée aux fonctionnaires de police placés en congé de longue maladie ou de longue durée ; qu'en particulier, cette indemnité, attachée à l'exercice des fonctions, n'est pas au nombre de celles dont le maintien est prévu par l'article 37 du décret susvisé du 14 mars 1986 ; que M. X... ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de diverses circulaires ministérielles dépourvues de caractère réglementaire.(...) »
Par un arrêt du Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 11 septembre 2006, OPHLM d'Aubervilliers , requête n° 252517, inédit au Recueil Lebon à propos de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS), de l'indemnité horaire pour travaux supplémentaires (IHTS), de la prime de rendement et de service (PSR) et de la prime de travaux (PT) : « L'office public d'habitations à loyer modéré (OPHLM) d'Aubervilliers a institué au profit de ses agents une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, une indemnité horaire pour travaux supplémentaires, une prime de rendement et de service et une prime de travaux ; que, par une délibération de son conseil d'administration en date du 25 septembre 1997, l'office a entendu moduler les règles d'attribution de ces indemnités en fonction de critères relatifs à l'absentéisme, la négligence ou l'insuffisance professionnelle ; que par son article 3, cette délibération assimilait à de l'absentéisme toute absence pour maladie en dehors de certaines situations limitativement précisées et, par son article 5, prévoyait que tout agent auquel aurait été attribuée une note inférieure à 12 ne pourrait plus bénéficier du régime indemnitaire jusqu'à sa prochaine notation.
Par un jugement en date du 12 février 1998, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande du syndicat CGT de l'OPHLM d'Aubervilliers tendant à l'annulation de la délibération du 25 septembre 1997.
Saisie en appel par ce syndicat, la cour administrative d'appel de Paris a annulé par un arrêt du 2 octobre 2002 ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de l'article 3 de la délibération attaquée et rejeté le surplus de sa requête.
L'OPHLM D'AUBERVILLIERS se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a annulé l'article 3 et le Conseil d'Etat indique : « Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 6 septembre 1991 : ( ) le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. ( ) / L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. ; qu'il ne résulte pas des dispositions précitées, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que les primes instituées par le conseil d'administration et dont il appartient au directeur de l'office de fixer le taux applicable à chaque agent, pouvaient être versées aux agents de l'office indépendamment de l'exercice effectif de leurs fonctions ; que, dès lors, en jugeant que le conseil d'administration ne pouvait, par la délibération attaquée, suspendre le versement des primes qu'il avait instaurées par sa délibération du 20 février 1992 aux agents absents pour des raisons de maladie, au motif qu'elles constituaient un élément de la rémunération qui n'était pas lié à l'exercice des fonctions, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que l'OPHLM d'Aubervilliers est fondé, pour ce motif, à en demander l'annulation en tant qu'il a annulé l'article 3 de sa délibération en date du 25 septembre 1997 ;(...) »
Par un arrêt Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 12 juillet 2006, Préfet de police de Paris, requête n° 274628, Inédit au Recueil Lebon à propos de l'indemnité d'administration et de technicité (IAT) et de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaire (IFTS) : « Considérant qu'en application des délibérations du Conseil de Paris, le préfet de police pouvait légalement décider, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires contraires, de réduire le montant de l'indemnité d'administration et de technicité et de l'indemnité forfaitaire de travaux supplémentaires à due proportion du nombre de jours d'absence des agents concernés pour cause de congé de maladie ou de congé pris pour soigner un enfant malade ;(...)
Ce dernier arrêt de 2006 illustre bien que l'assouplissement en matière de proratisation de régime indemnitaire n'est plus de mise aujourd'hui.
Avec mes salutations très distinguées.
Le 13 décembre 2007
Avocat