Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Un président de juridiction administrative qui a déposé plainte pour outrage à magistrat contre un requérant à raison de son comportement à l’audience peut-il juger l’affaire ?

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NON : dans un arrêt en date du 21 mars 2023, le Conseil d’Etat  considère que dès lors que le président de la formation de jugement a immédiatement après la fin de l’audience porté plainte contre le requérant  à raison de son comportement à l’audience, l’arrêt qu’il attaque, qui a été rendu postérieurement à ce dépôt de plainte, après qu’il eut été délibéré sur le litige par une formation de jugement présidée par le même magistrat administratif, est entaché d’irrégularité.

Les articles R. 731-1 et R. 731-2  du code de justice administrative (CJA) attribuent au président de la formation de jugement la police de l’audience, en vue que soient garanties la sérénité et la dignité des débats, qui contribuent au caractère équitable du procès.

Lorsqu’une partie – ou d’ailleurs toute autre personne présente à l’audience – perturbe le déroulement des débats, il appartient au président de la formation de jugement, au titre des pouvoirs que lui confère ainsi le code de justice administrative, d’ordonner qu’elle mette fin immédiatement à ses agissements, sous peine d’être expulsée de la salle d’audience.

La circonstance que le président d’une formation de jugement fasse, en présence de tels agissements, usage de ses pouvoirs de police conformément aux articles R. 731-1 et R. 731-2, n’est pas, en elle-même, de nature à affecter la régularité de la décision juridictionnelle rendue à l’issue de cette audience.

Par ailleurs, lorsque les agissements de cette partie – ou de toute autre personne – lors de l’audience sont également susceptibles d’être regardés comme relevant d’une qualification pénale, telle celle d’outrage à magistrat prévue par l’article 434-24 du code pénal, il convient a) que le président de la formation de jugement en informe le chef de la juridiction, de façon à ce qu’il puisse signaler, s’il y a lieu, ces agissements au procureur de la République.

Tout magistrat de cette formation de jugement qui s’estimerait victime de tels agissements peut également porter directement plainte contre l’auteur des faits ou exercer les droits que le code de procédure pénale (CPP), à ses articles 1er et 2, accordent à la victime d’une infraction pénale, en ce qui concerne l’engagement de l’action publique et de l’action civile.

Toutefois, dans un tel cas, dès lors que la personne dont les agissements sont mis en cause est partie à une affaire sur laquelle ce magistrat est appelé à délibérer, afin de ne pas créer dans le chef de cette partie un doute sur son impartialité à juger son affaire, il appartient au président de la formation de jugement de rayer l’affaire du rôle de l’audience, de façon à ce qu’elle puisse être examinée à une autre audience, devant une formation de jugement à laquelle le magistrat ne participe pas.

Un requérant n’est pas fondé à soutenir que l’arrêt qu’il attaque, rejetant son appel, est entaché d’irrégularité, en ce que le président de la formation de jugement qui l’a rendu a exercé à son encontre, lors de l’audience où son affaire a été appelée et, d’ailleurs, après que l’affaire ait été mise en délibéré, et alors que M. Guillard perturbait les débats et avait une attitude qui n’était ni digne ni respectueuse de la justice, de ses magistrats et de ses greffiers, les prérogatives que lui attribue le code de justice administrative au titre de la police de l’audience

En revanche, celui-ci est fondé à soutenir que, dès lors que le président de la même formation de jugement a immédiatement après la fin de l’audience porté plainte contre lui à raison de son comportement à l’audience, l’arrêt qu’il attaque, qui a été rendu postérieurement à ce dépôt de plainte, après qu’il eut été délibéré sur le litige par une formation de jugement présidée par le même magistrat administratif, est entaché d’irrégularité.

SOURCE : Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 21/03/2023, 456347

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