Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

L’état mental d’un fonctionnaire peut-il lui permettre d’échapper à une sanction disciplinaire ?

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NON : dans un arrêt en date du 17 février 2023, le Conseil d’Etat rappelle qu’il ne suffit pas pour un fonctionnaire ayant commis une faute d’invoquer des troubles mentaux pour échapper à une sanction disciplinaire. Si l’existence d’une pathologie peut amener le juge à considérer la sanction comme disproportionnée (voir en ce sens CE, 15 octobre 2020, M. Brunel, n° 438488, inédit ),  elle n’exclut pas pour autant la sanction (voir CE, Section, 15 octobre 1971, Dame Buscail, n° 75258, p. 613).

En l’espèce, fonctionnaire territorial ayant adressé à de très nombreuses reprises, tant à l’oral qu’à l’écrit, des propos extrêmement déplacés, agressifs et dégradants, dont plusieurs ayant un caractère sexuel et comportant des menaces physiques, à l’une de ses collègues, à l’une de ses supérieures hiérarchiques et à une élue de la région, lesquelles ont porté plainte pour harcèlement moral.

Intéressé ayant adressé à sa collègue, alors même qu’il était dépourvu de tout pouvoir hiérarchique à son égard, un grand nombre de courriers électroniques contenant des ordres comminatoires, par lesquels il a perturbé le bon fonctionnement du service.

Si l’intéressé soutient que son état de santé mentale le rendait irresponsable de ses actes, à l’instar de ce qui avait déjà été constaté à l’occasion d’une précédente procédure de révocation engagée par la collectivité, lors de laquelle un rapport d’expertise psychiatrique avait conclu à son irresponsabilité au moment des faits qui lui étaient alors reprochés, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des documents fournis par l’intéressé, que son état de santé mentale, pour la période durant laquelle les faits reprochés ont été commis, faisait obstacle à ce qu’une sanction soit prononcée en raison des manquements en cause.

Dans ces conditions, eu égard à la gravité des faits reprochés, lesquels sont au demeurant survenus alors que la collectivité lui avait donné la possibilité de reprendre une activité professionnelle au sein de la fonction publique territoriale en décidant de ne pas mettre en œuvre une première sanction de révocation, et compte tenu de ce que l’état de santé mentale de l’intéressé n’était pas de nature à altérer son discernement au moments des faits en cause, l’autorité disciplinaire n’a pas, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer la révocation de l’intéressé.

SOURCE : Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 17/02/2023, 450852

JURISPRUDENCE :

CE, Section, 15 octobre 1971, Dame Buscail, n° 75258, p. 613 :

« le fait qu'un fonctionnaire se trouverait, lors de l 'ouverture et au cours de procédure disciplinaires engagées à son encontre, dans un état mental qui avait pu lui ouvrir droit a un congé de maladie, n'impose pas a l'administration l 'obligation de faire procéder à l'examen médical de l 'intéressé dans les conditions prévues à l'article 23 du décret du 14 février 1959 avant d'engager ou de poursuivre ces procédures disciplinaires.

Dans les circonstances de l'affaire, l’état mental de l'intéressée n'était pas de nature à faire obstacle a ce qu'elle fut regardée comme responsable de ses actes ni à ce que, par suite, une sanction disciplinaire peut être légalement prise contre elle. »

CE, 11 mai 1979, Doupouy, n° 2499, T. pp. 611-772-781-785. Cf. sol. contr.

CE, 2 juillet 1980, Centre hospitalier de Saint-Quentin c/ Pruvot, n° 14018, p. 297.

Comp, annulant un décret révoquant un fonctionnaire au motif que la sanction était disproportionnée compte tenu de son état de santé, de nature à altérer son discernement, CE, 15 octobre 2020, M. Brunel, n° 438488, inédit : « Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision d'admission en soins psychiatriques du 8 décembre 2018 et du rapport d'expertise établi le 18 septembre 2019 par un médecin psychiatre à l'attention de la commission de réforme ministérielle saisie afin de déterminer l'imputabilité au service de l'accident survenu le 6 décembre 2018, que l'état de détresse psychologique de M. A... avait justifié, après son passage à l'acte suicidaire, une hospitalisation sous contrainte en hôpital psychiatrique et la prescription continue d'arrêts de travail du 12 décembre 2018 au 3 septembre 2019. Selon le rapport d'expertise, M. A... serait atteint de troubles psychopathologiques sévères et de gravité confirmée, entraînant une altération importante du fonctionnement social et professionnel et ne permettant pas une reprise immédiate des fonctions. Dans ces conditions, compte tenu de l'état de santé de M. A..., de nature à altérer son discernement, l'autorité disciplinaire, qui disposait d'un éventail de sanctions de nature et de portée différentes, a, en faisant le choix de la révocation qui met définitivement fin à la qualité de fonctionnaire, prononcé à l'encontre de M. A... une sanction hors de proportion avec les fautes commises. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque. »

André ICARD
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