OUI : dans un arrêt en date du 13 novembre 2020, le Conseil d’Etat a rappelé que si le montant de l'indemnité demandée dans un recours en annulation pour excès de pouvoir ou à objet pécuniaire susceptible d’appel n'excède pas celui déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 du code de justice administrative (CJA), soit 10 000 euros hors article L.761-1 du CJA, et donc insusceptible d’appel (rendu en dernier ressort) ; la demande indemnitaire est cependant connexe avec le litige susceptible d'appel. Cependant, quel que soit les montants demandés, il peut être intéressant de joindre des conclusions indemnitaires à un recours en annulation pour excès de pouvoir (REP) ne serait-ce que pour gagner du temps.
Comme vous le savez, il est possible de joindre à un recours en annulation pour excès de pouvoir d’un acte, des conclusions indemnitaires qui excèdent bien sûr les sommes à récupérer normalement du fait de l’annulation de l’acte (traitement, prime …) et qui présentent donc le caractère d’indemnités demandées en réparation des préjudices (moral, financier, de carrière…).
S’agissant des traitement et primes des agents, il existe une 3ème catégorie de recours mixte, que je qualifie de « recours en excès de pouvoir à objet pécuniaire » et qui a l'avantage de ne pas nécessiter la présence d'un avocat comme en matière de plein contentieux.
Mais dans ce type de recours, il n’est pas possible de demander une indemnisation complémentaire pour un éventuel préjudice financier et/ou moral au risque de le faire basculer dans le recours de plein contentieux (avocat obligatoire sauf dispense).
Dans un arrêt en date du 8 mars 1912, (dit arrêt « Lafage »), le Conseil d’Etat eu l’occasion de préciser à propos de la requête d’un médecin principal des troupes coloniale qui contestait la décision de l’administration qui le privait d’une indemnité pour frais de représentation à laquelle il estimait avoir droit, que celui-ci pouvait exercer un recours en excès de pouvoir en lieu et place d’un recours de plein contentieux.
Bien sûr, pour que la partie indemnitaire du recours en annulation soit recevable, il faut absolument avoir présenté une demande préalable en indemnisation par LRAR.
Si vous faites partie des 10 000 visiteurs/jour qui me suivent sur ce site, vous savez également qu’il est possible de régulariser l’absence de demande préalable en cours d’instance suivant certaines conditions.
Sinon : lisez ceci
Si vous ne l’avez pas fait, le tribunal rejettera la partie indemnitaire du recours après avoir soulevé un moyen d’irrecevabilité d’ordre public mais votre recours en annulation se poursuivra. (Pas de panique, il vous suffira d’initier ultérieurement un recours indemnitaire, le recours irrecevable ayant suspendu le délai de prescription quadriennale de la loi du 31 décembre 1968).
Si le montant de l'indemnité demandée n'excède pas celui déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 du code de justice administrative (CJA), soit 10 000 euros hors article L.761-1 du CJA, la demande indemnitaire est cependant connexe avec le litige susceptible d'appel.
Dès lors, en application de l'article R. 811-1 du CJA, le jugement contesté est, dans son ensemble, susceptible d'appel, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que le département ne l'a contesté qu'en tant qu'il statuait sur les conclusions indemnitaires.
En l’espèce, un tribunal administratif a statué sur la demande d'un requérant tendant, d'une part, à l'annulation de la décision d'un département et, d'autre part, à la condamnation de ce département à une indemnité de 7 000 euros.
Le jugement, en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du département, porte sur un litige susceptible d'appel.
Si le montant de l'indemnité demandée n'excède pas celui déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 du code de justice administrative (CJA), la demande indemnitaire est cependant connexe avec le litige susceptible d'appel.
Dès lors, en application de l'article R. 811-1 du CJA, le jugement contesté est, dans son ensemble, susceptible d'appel, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que le département ne l'a contesté qu'en tant qu'il statuait sur les conclusions indemnitaires.
SOURCE : Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13/11/2020, 429326
JRISPRUDENCE :
CE, 29 décembre 2004, Mme,, n° 272318, inédit au Recueil :
« En application du dernier alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative selon lequel peuvent faire l'objet d'un appel les décisions portant sur des actions indemnitaires inférieures à 8 000 euros en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, il en va de même des conclusions formées par l'intéressée à l'encontre du même jugement du 3 juin 2004 en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire, dès lors que celle-ci, n'étant pas chiffrée en première instance, ne saurait être regardée comme portant sur une somme supérieure à ce seuil de 8 000 euros ; »
CE, 22 juillet 2015, M.,, n° 374274, inédit au Recueil :
« Considérant que, par son jugement du 29 novembre 2011, le tribunal administratif de Montpellier a statué sur une demande de M. B...tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault du 14 avril 2011 suspendant son permis de conduire et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 2 000 euros en réparation des préjudices résultant de cette décision ; qu'il existe un lien de connexité entre les conclusions tendant à l'annulation de la décision préfectorale et les conclusions indemnitaires ; que, dès lors, en application des dispositions citées ci-dessus du troisième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le jugement est, dans son ensemble, susceptible d'appel ; que c'est par suite à tort que la cour administrative d'appel de Marseille a renvoyé au Conseil d'Etat les conclusions présentées devant elle par M.B..., dirigées contre le jugement en tant qu'il rejette sa demande d'indemnité ; que ces conclusions présentent le caractère d'un appel relevant de la cour administrative d'appel de Marseille, à laquelle il y a lieu d'en attribuer le jugement ; »
S'agissant de la connexité entre un recours en exécution et un recours indemnitaire, CE, 31 mars 2014, M.,, n° 363627, T. pp. 584-588 :
« Les conclusions d'une demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant du retard de l'administration à exécuter un jugement sont connexes avec celles, présentées dans la même demande, tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à cette exécution.... ,,Le tribunal administratif statuant sur les conclusions à fin d'injonction en premier ressort, les conclusions indemnitaires ne sont, en application de la combinaison des dispositions qui figuraient au 7° de l'article R. 222-13 et au troisième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative dans sa rédaction antérieure au décret n° 2013-730 du 13 août 2013, pas de celles sur lesquelles le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort, alors même que le montant demandé serait inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 du code. »
S'agissant de la connexité entre recours pécuniaire et indemnitaire, CE, 10 mai 2019, M.,, n° 423836, inédite au Recueil :
« Les conclusions d'un fonctionnaire tendant seulement au versement de traitements et indemnités impayés, sans que soit mise en cause la responsabilité de la personne publique qui l'emploie, ne constituent pas une action indemnitaire au sens du 8° de l'article R. 811-1 cité au point 1. Les conclusions de M.B..., qui tendent à ce que la commune soit " condamnée " à lui verser cette somme de 1 770,70 euros, visent seulement au règlement de sommes impayées au titre des congés acquis et ne revêtent pas un caractère indemnitaire. Dès lors, elles ne soulèvent pas un litige dans lequel le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Par ailleurs, eu égard à leur connexité avec celles-ci, les conclusions qui tendent à la réparation du préjudice moral et du préjudice financier né de la perte de droit à allocations peuvent aussi, en application de l'avant-dernier alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative cité au point 1, faire l'objet d'un appel. »
Pour mémoire : « Il y a connexité lorsque plusieurs demandes non identiques sont unies par des liens suffisamment étroits pour justifier qu'elles soient traitées ensemble. » (Source fiche d’orientation DALLOZ-septembre 2021)
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