Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

L’administration doit-elle informer le requérant de l’exécution des mesures d’injonction ordonnées par le juge des référés liberté ?

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NON : le juge des référés, ainsi saisi sur le fondement de l’article L. 521-4, ne saurait être tenu de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d’instruction et d’enjoindre à l’administration de produire des éléments relatifs à l’exécution des mesures initialement ordonnées en référé au seul motif que l’administration n’aurait pas répondu aux demandes d’information du requérant sur l’exécution de ces mesures.

Il n’appartient pas davantage au juge des référés, lorsqu'il a prononcé des injonctions à l'égard de l'administration, de mettre à la charge de cette dernière une obligation d'information du requérant quant à l’exécution de ces injonctions.

Lorsqu’une personne demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-4 du code de justice administrative (CJA), d’assurer par de nouvelles injonctions et une astreinte l’exécution de mesures ordonnées par le juge des référés et demeurées sans effet, il appartient à cette personne de soumettre au juge des référés tout élément de nature à établir l’absence d’exécution, totale ou partielle, des mesures précédemment ordonnées et à l’administration, si la demande lui est communiquée en défense et si elle entend contester le défaut d’exécution, de produire tout élément en sens contraire, avant que le juge des référés se prononce au vu de cette instruction.

SOURCE : Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 15/11/2022, 466827

JURISPRUDENCE :

S’agissant des pouvoirs du juge des référés statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du CJA, CE, 28 juillet 2017, Section française de l'observatoire international des prisons, n° 410677, p. 285 :

« Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis à vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Lorsque la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence. »

CE, 19 octobre 2020, Garde des sceaux, ministre de la justice c/ Section française de l’Observatoire international des prisons, n°s 439372 439444, p. 351 :

« Les limitations de l'office du juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA), découlent des dispositions législatives qui ont créé cette voie de recours et sont justifiées par les conditions particulières dans lesquelles ce juge doit statuer en urgence. En outre, s'il n'appartient qu'au législateur de tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) du 30 janvier 2020, J.M.B. et autres contre France (9671/15) s'agissant de l'absence de voie de recours préventive pour mettre fin aux conditions indignes de détention résultant de carences structurelles, il découle des obligations qui pèsent sur l'administration, tenant à la prise de mesures propres à protéger la vie des détenus ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant, qu'en parallèle de la procédure prévue à l'article L. 521-2 du CJA, qui permet d'ores et déjà de remédier aux atteintes les plus graves aux libertés fondamentales des personnes détenues, le juge de l'excès de pouvoir peut, lorsqu'il est saisi à cet effet, enjoindre à l'administration pénitentiaire de remédier à des atteintes structurelles aux droits fondamentaux des prisonniers en lui fixant, le cas échéant, des obligations de moyens ou de résultats. Il lui appartient alors de statuer dans des délais adaptés aux circonstances de l'espèce. Enfin, les requérants peuvent obtenir l'exécution des décisions prises par le juge administratif dans les conditions définies par le livre IX du CJA, et en particulier par les articles L. 911-4 et L. 911-5. Arrêt du 8 juillet 2020, n° 20-81.739 de la Cour de cassation précisant qu'il incombe au juge de la détention provisoire de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d'empêcher la continuation de la violation de l'article 3 de la Convention en ordonnant, le cas échéant, la mise en liberté de l'intéressé. Décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020 du Conseil constitutionnel déclarant le second alinéa de l'article 144-1 du code de procédure pénale (CPP), relatif aux conditions et modalités de libération immédiate de la personne placée en détention provisoire, contraire à la Constitution, dès lors qu'il ne prévoit aucun recours devant le juge judiciaire permettant au justiciable d'obtenir qu'il soit mis fin aux atteintes à sa dignité résultant des conditions de sa détention provisoire, et ayant reporté au 1er mars 2021 l'abrogation de ces dispositions. Il appartient au législateur de tirer les conséquences de cette déclaration d'inconstitutionnalité. Il en résulte qu'un juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du CJA ne méconnaît pas, par le seul exercice de son office, les exigences découlant de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (convention EDH) au motif qu'il refuserait de prendre des mesures excédant celles que lui permettent les règles définissant son office. Eu égard aux conditions générales de détention dans un centre pénitentiaire, notamment dans les cellules, l'absence d'abris dans certaines cours de promenade permettant de se protéger du soleil et des intempéries est de nature à caractériser une violation de l'article 3 de la convention EDH. Cas d'un centre pénitentiaire dont la densité carcérale est de 107 %. Au sein du centre de détention fermé, les cellules de 9 m² et celles de 11 m² peuvent être occupées par deux personnes tandis qu'au sein de la maison d'arrêt, certaines cellules de 11 m² sont occupées par trois personnes, avec la pose de deux ou trois matelas au sol. Les conditions de détention dans les cellules pour lesquelles un espace individuel d'au moins 3 m² au moins est garanti aux personnes détenues ne peuvent pas être regardées comme contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention EDH pour ce seul motif. Lorsqu'une cellule est occupée par plus d'une personne, l'absence de séparation des sanitaires par une cloison ou par des rideaux permettant de protéger suffisamment l'intimité est de nature tant à porter atteinte à la vie privée des détenus, dans une mesure excédant les restrictions inhérentes à la détention, qu'à les exposer à un traitement inhumain ou dégradant, portant une atteinte grave à deux libertés fondamentales. Cas où une telle séparation n'est pas systématiquement assurée par l'administration, laquelle se contente de distribuer des rideaux aux détenus. Il y a lieu de prononcer une injonction tendant à ce que l'administration assure, dans l'ensemble des cellules, la séparation de l'espace sanitaire du reste de l'espace. »

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