PAS SIMPLE : c'est un véritable exercice d'équilibrisme juridique car l'administration « ne peut toutefois prendre que les mesures imposées par l'urgence et proportionnées aux nécessités de l'ordre public.» Dans une ordonnnace en date du 22 octobre 2010, le juge du référé liberté du tribunal adminsitratif de Melun a jugé qu' « en réquisitionnant la quasi-totalité du personnel de la raffinerie Total de Grandpuits en vue, non seulement d'alimenter en carburants les véhicules prioritaires, mais également de fournir en produits pétroliers de toute nature l'ensemble des clients de la raffinerie, dans le but de permettre aux entreprises du département de poursuivre leurs activités, et alors, au surplus, que le représentant du préfet a déclaré à l 'audience que des stations-service du département étaient déjà réservées au profit des véhicules d'urgence et de secours, l'arrêté a eu pour effet d'instaurer un service normal au sein de l'établissement et non le service minimum que requièrent les seules nécessités de l'ordre et de la sécurité publics.»
Article actualisé le 14 octobre 2022
Voir en ce sens Tribunal administratif de MELUN, Ordonnance de référé liberté, 22 octobre 2010, Confédération Générale du Travail -Confédération de syndicats et autres, n° 1007329/6.
Dans certaines circonstances, le gouvernement peut empêcher ou restreindre un mouvement de grève dans les services publics en utilisant le droit à réquisition des civils prévu dans le cadre de l'organisation générale de Défense.
En effet, l'article L.2215-1 4° du code général des collectivités territoriales dispose qu' : « En cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien ou service.(...) »
Dans certaines circonstances, le gouvernement peut empêcher ou restreindre un mouvement de grève dans les services publics en utilisant le droit à réquisition des civils prévu dans le cadre de l'organisation générale de Défense.
En effet, l'article L.2215-1 4° du code général des collectivités territoriales dispose qu' : « En cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées. »
Le refus d'obéir à un ordre de réquisition constitue une infraction pénale.
1) Dans quelles circonstances et sous quelles formes le Préfet peut-il réquisitionner ?
Dans certaines circonstances, le gouvernement peut empêcher ou restreindre un mouvement de grève dans les services publics en utilisant le droit à réquisition des civils prévu dans le cadre de l'organisation générale de Défense.
Cette possibilité a été prorogée au-delà du temps de guerre sans limitation de durée par l'article 14 de la loi du 11 juillet 1938, par l' article 2 loi n° 50-244 du 28 fév. 1950 et par l'article 45 de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959.
La réquisition doit être motivée par le fait que la grève risque de porter une atteinte grave, soit à la continuité du service public, soit à la satisfaction des besoins de la population.
Voir en ce sens Conseil d'Etat, 24 février 1961, Sieur Isnardon, Recueil Lebon, page 150 : « (...) Considérant que si les grèves déclenchées par le personnel de la Régie autonome des transports de la ville de Marseille à partir du 15 juillet 1956 se sont manifestées par des interruptions de service d'une durée variable sur différentes lignes du réseau, il ne ressort pas des pièces du dossier que les perturbations qui en sont résultées, sur ce trafic aient eu pour effet de porter soit à la continuité du service des transports, soit à la satisfaction des besoins de la population une atteinte suffisamment grave pour justifier légalement la réquisition du personnel de cette régie; que, dès lors, le sieur Isnardon est fondé à soutenir que le Gouvernement n'a pu légalement prendre, dans le cadre des pouvoirs qu'il tenait du titre II de la loi du 11 juillet 1938 dont les dispositions ont été maintenues en vigueur par celle du 28 février 1950, le décret du 3 octobre 1956 permettant la réquisition de l'ensemble du personnel dont s'agit;(...) »
La réquisition des personnels grévistes ne peut être décidée que par décret en conseil des ministres ou par arrêté du représentant de l'Etat dans le département.
Voir l'article L.2215-1 4° du code général des collectivités territoriales qui dispose qu' : « (...) 4° En cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées.(...) »
2) Quelles sont les limites au pouvoir de réquisition du Préfet ?
Cependant, le préfet ne peut prendre que les mesures imposées par l'urgence et proportionnées aux nécessités de l'ordre public.
Ainsi, un arrêté préfectoral prescrivant une mesure générale de réquisition conduisant à instaurer un service complet et non un service minimum est entaché d'une illégalité manifeste portant une atteinte grave au droit de grève.
Voir en ce sens Conseil d'Etat, 1ère et 2ème sous-sections réunies, du 9 décembre 2003, 262186, publié au recueil Lebon: « Si le préfet, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient du 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, peut légalement requérir les agents en grève d'un établissement de santé dans le but d'assurer le maintien d'un effectif suffisant pour garantir la sécurité des patients et la continuité des soins, il ne peut toutefois prendre que les mesures imposées par l'urgence et proportionnées aux nécessités de l'ordre public, au nombre desquelles figurent les impératifs de santé publique. Préfet ayant entendu en l'espèce requérir l'ensemble des sages-femmes en vue de permettre la poursuite d'une activité complète du service « dans les conditions existantes avant le déclenchement du mouvement de grève ». En prescrivant une telle mesure générale, sans envisager le redéploiement d'activités vers d'autres établissements de santé ou le fonctionnement réduit du service, et sans rechercher si les besoins essentiels de la population ne pouvaient être autrement satisfaits compte tenu des capacités sanitaires du département, le préfet a pris une décision entachée d'une illégalité manifeste qui porte une atteinte grave à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève. »
3) Le Préfet ne peut prendre que des mesures imposées par l'urgence et proportionnées aux nécessités de l'ordre public.
« La circonstance que la décision de requérir des agents en grève porte sur une période écoulée à la date à laquelle le juge statue ne rend pas sans objet la demande tendant à sa suspension dès lors que celle-ci est présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Le droit de grève présente le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Si le préfet, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient du 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, peut légalement requérir les agents en grève d'un établissement de santé dans le but d'assurer le maintien d'un effectif suffisant pour garantir la sécurité des patients et la continuité des soins, il ne peut toutefois prendre que les mesures imposées par l'urgence et proportionnées aux nécessités de l'ordre public, au nombre desquelles figurent les impératifs de santé publique. Préfet ayant entendu en l'espèce requérir l'ensemble des sages-femmes en vue de permettre la poursuite d'une activité complète du service « dans les conditions existantes avant le déclenchement du mouvement de grève. En prescrivant une telle mesure générale, sans envisager le redéploiement d'activités vers d'autres établissements de santé ou le fonctionnement réduit du service, et sans rechercher si les besoins essentiels de la population ne pouvaient être autrement satisfaits compte tenu des capacités sanitaires du département, le préfet a pris une décision entachée d'une illégalité manifeste qui porte une atteinte grave à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève. La réquisition nominative d'agents en grève a directement pour effet de faire obstacle à l'exercice de ce droit en les contraignant à reprendre immédiatement leur activité professionnelle. Elle crée ainsi une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. »
4) La réquisition ne doit pas avoir pour effet d'instaurer un service normal mais seulement un service minimum.
Voir en ce sens Tribunal administratif de MELUN, Ordonnance de référé liberté, 22 octobre 2010, Confédération Générale du Travail -Confédération de syndicats et autres, n° 1007329/6.
« Considérant que le droit de grève présente le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que si le préfet, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient du 4° de l 'article L.2215-1 du code général des collectivités territoriales, peut légalement requérir les personnels en grève d'une entreprise pétrolière dans le but d'assurer l'approvisionnement en carburant des véhicules des services d'urgence et de secours du département ainsi que de prévenir les troubles à l'ordre et à la sécurité publics que générerait une pénurie prolongée, il ne peut toutefois prendre que les mesures imposées par l'urgence et proportionnées aux nécessités de l'ordre public ; qu' en réquisitionnant la quasi-totalité du personnel de la raffinerie Total de Grandpuits en vue, non seulement d'alimenter en carburants les véhicules prioritaires, mais également de fournir en produits pétroliers de toute nature l'ensemble des clients de la raffinerie, dans le but de permettre aux entreprises du département de poursuivre leurs activités, et alors, au surplus, que le représentant du préfet a déclaré à l 'audience que des stations-service du département étaient déjà réservées au profit des véhicules d'urgence et de secours, l'arrêté a eu pour effet d'instaurer un service normal au sein de l 'établissement et non le service minimum que requièrent les seules nécessités de l'ordre et de la sécurité publics ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté en litige a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève et que son exécution doit pour ce motif, être suspendue ; que la présente décision ne fait pas obstacle à ce que le Préfet puisse, la cas échéant, décider, si le conflit se prolonge, de faire usage des pouvoirs qu'il tient du 4° de L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales dans les limites précédemment énoncées ; »
5) Que risque le salarié qui refuse de se soumettre à la réquisition ?
Le refus de se soumettre à un ordre de réquisition constitue un délit puni de six mois d'emprisonnement et de 10 000 euros d'amende.
SOURCE : loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour le temps de guerre.
TITRE II : EMPLOI DES PERSONNES ET DES RESSOURCES
(...) « Art. 14.- A la mobilisation, ou dans les cas prévus à l'article 1 de la présente loi, les Français et ressortissants français du sexe masculin, âgés de plus de dix-huit ans, même soumis aux obligations militaires définies par la loi de recrutement et par l'article 11 de la présente loi, sous réserve qu'ils ne soient pas utilisés par les ministres intéressés, peuvent être requis dans les conditions fixées par la loi du 3 juillet 1877, modifiée par la loi du 21 janvier 1935 (sous réserve des dispositions prévues à l'article 27 de la présente loi), par la loi du 31 mars 1928 et par la présente loi. L'appel sous les drapeaux fait cesser la réquisition.
La réquisition est temporaire ou permanente.
Les requis sont utilisés suivant leur profession et leurs facultés, ou, s'il y a lieu, suivant leurs aptitudes, en commençant par les plus jeunes et en tenant compte de la situation de famille soit isolément, soit dans les administrations et services publics, soit dans les établissements et services fonctionnant dans l'intérêt de la nation.
Les requis non soumis aux obligations militaires définies par la loi de recrutement ne peuvent, dans aucun cas, être affectés aux corps spéciaux.
L'article 40 de la loi du 13 juillet 1927 est abrogé dans celles de ses dispositions qui sont contraires aux présentes.
Peut être également soumis à réquisition, chaque individu conservant sa fonction ou son emploi, l'ensemble du personnel faisant partie d'un service ou d'une entreprise considérés comme indispensables pour assurer les besoins du pays.
Les personnes titulaires d'une pension de retraite ayant appartenu à un titre quelconque aux administrations de l'Etat, des départements ou des communes, ainsi qu'aux services publics, concédés ou non, sont maintenues à la disposition de l'administration ou du service dont elles faisaient partie pendant une période de cinq ans à compter de la date de leur admission à la retraite, sous réserve de remplir les conditions d'aptitude physique et intellectuelle nécessaires. Les sanctions prévues au cinquième alinéa de l'article 31 ci-après leur sont applicables. (...) »
(Publié au JO du 13 juillet 1938)
JURISPRUDENCE :
« Pouvoirs de réquisition conférés au préfet par le 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT).
Le préfet peut légalement, sur ce fondement, requérir des salariés en grève d'une entreprise privée dont l'activité présente une importance particulière pour le maintien de l'activité économique, la satisfaction des besoins essentiels de la population ou le fonctionnement des services publics, lorsque les perturbations résultant de la grève créent une menace pour l'ordre public.
Il ne peut toutefois prendre que les mesures nécessaires, imposées par l'urgence et proportionnées aux nécessités de l'ordre public.
Le préfet, après avoir indiqué les motifs de la réquisition, sa durée, les prestations requises, les effectifs requis ainsi que leur répartition, a laissé à l'exploitant de l'établissement le soin d'en gérer l'activité dans ces conditions.
Cette circonstance ne constitue pas une illégalité manifeste au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. »
Conseil d'État, Juge des référés, 27/10/2010, 343966, Publié au recueil Lebon
« La circonstance que la décision de requérir des agents en grève porte sur une période écoulée à la date à laquelle le juge statue ne rend pas sans objet la demande tendant à sa suspension dès lors que celle-ci est présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
Le droit de grève présente le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Si le préfet, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient du 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, peut légalement requérir les agents en grève d'un établissement de santé dans le but d'assurer le maintien d'un effectif suffisant pour garantir la sécurité des patients et la continuité des soins, il ne peut toutefois prendre que les mesures imposées par l'urgence et proportionnées aux nécessités de l'ordre public, au nombre desquelles figurent les impératifs de santé publique.
Préfet ayant entendu en l'espèce requérir l'ensemble des sage-femmes en vue de permettre la poursuite d'une activité complète du service « dans les conditions existantes avant le déclenchement du mouvement de grève ».
En prescrivant une telle mesure générale, sans envisager le redéploiement d'activités vers d'autres établissements de santé ou le fonctionnement réduit du service, et sans rechercher si les besoins essentiels de la population ne pouvaient être autrement satisfaits compte tenu des capacités sanitaires du département, le préfet a pris une décision entachée d'une illégalité manifeste qui porte une atteinte grave à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève.
La réquisition nominative d'agents en grève a directement pour effet de faire obstacle à l'exercice de ce droit en les contraignant à reprendre immédiatement leur activité professionnelle. Elle crée ainsi une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. »
Par une ordonnance n° 2204100 du 13 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a jugé que ces mesures, limitées à un nombre restreint d’agents et de courte durée, ne portent pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève.
Tribunal administratif de Rouen, juge des référés, 13 octobre 2022, n° 2204100
Par une ordonnance du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté le référé liberté déposé par la fédération nationale des industries chimiques CGT et le syndicat CGT de la raffinerie des Flandres contre les arrêtés préfectoraux de réquisition de salariés du dépôt Total de Dunkerque.
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