Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

L’administration peut-elle mettre fin plus de 4 mois après sa signature à sa décision d’attribution de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral ?

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OUI : si elle estime, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les éléments révélés par l'instance, et ainsi nouvellement portés à sa connaissance, permettent de regarder les agissements de harcèlement allégués comme n'étant pas établis.

Si le caractère d'acte créateur de droits de la décision accordant la protection prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 fait obstacle à ce que l'administration puisse légalement retirer, plus de quatre mois après sa signature, une telle décision, hormis dans l'hypothèse où celle-ci aurait été obtenue par fraude, l'autorité administrative peut mettre fin à cette protection pour l'avenir si elle constate à la lumière d'éléments nouvellement portés à sa connaissance que les conditions de la protection fonctionnelle n'étaient pas réunies ou ne le sont plus, notamment si ces éléments permettent de révéler l'existence d'une faute personnelle ou que les faits allégués à l'appui de la demande de protection ne sont pas établis.

Dans le cas où la demande de protection fonctionnelle a été présentée à raison de faits de harcèlement, la seule intervention d'une décision juridictionnelle non définitive ne retenant pas la qualification de harcèlement ne suffit pas, par elle-même, à justifier qu'il soit mis fin à la protection fonctionnelle.

Cependant l'administration peut réexaminer sa position et mettre fin à la protection si elle estime, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les éléments révélés par l'instance, et ainsi nouvellement portés à sa connaissance, permettent de regarder les agissements de harcèlement allégués comme n'étant pas établis.

SOURCE : Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 01/10/2018, 412897

JURISPRUDENCE :

Conseil d'État, Section du Contentieux, 14/03/2008, 283943, Publié au recueil Lebon

« (…) Les dispositions de l'article 24 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée portant statut général des militaires, dans leur version applicable à l'espèce, font obligation à l'Etat, sous réserve de l'exception d'une faute personnelle, de prendre en charge la défense du militaire poursuivi pour des faits survenus à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Ces dispositions font obstacle à ce que l'autorité administrative assortisse la décision accordant le bénéfice de la protection, laquelle est créatrice de droits, d'une condition suspensive ou résolutoire. Dans le cas où l'autorité administrative a accordé la protection, elle peut y mettre fin pour l'avenir si elle constate postérieurement, sous le contrôle du juge, l'existence d'une faute personnelle. En revanche, le caractère d'acte créateur de droits de la décision accordant la protection de l'Etat fait obstacle à ce qu'elle puisse légalement retirer, plus de quatre mois après sa signature, une telle décision, hormis dans l'hypothèse où celle-ci aurait été obtenue par fraude. (…) »

Réponse du ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales à la question écrite n° 09484 posée par Monsieur le Sénateur Jean Louis Masson (Moselle - NI), publiée dans le JO Sénat du 30/05/2019 - page 2859 :« La protection fonctionnelle accordée à un fonctionnaire constitue une décision créatrice de droits et ne peut donc, sauf si elle a été obtenue par fraude, être légalement retirée plus de quatre mois après sa signature, même si l'existence d'une faute personnelle est alors révélée (Conseil d'État, 14 mars 2008). En revanche, la décision d'octroi de la protection fonctionnelle peut être abrogée si l'autorité territoriale constate postérieurement à sa décision, sous le contrôle du juge, l'existence d'une faute personnelle (Conseil d'État, 14 mars 2008) ou si les faits allégués à l'appui de la demande de protection ne sont pas établis (Conseil d'État, 1er octobre 2018). »

CAA de PARIS, 6ème chambre, 09/10/2019, 18PA03254, Inédit au recueil Lebon

« (…) Dans le cas où la demande de protection fonctionnelle a été présentée à raison de faits de harcèlement, la seule intervention d'une décision juridictionnelle non définitive ne retenant pas la qualification de harcèlement ne suffit pas, par elle-même, à justifier qu'il soit mis fin à la protection fonctionnelle. Cependant l'administration peut réexaminer sa position et mettre fin à la protection si elle estime, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les éléments révélés par l'instance, et ainsi nouvellement portés à sa connaissance, permettent de regarder les agissements de harcèlement allégués comme n'étant pas établis. (…) »

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