Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Quelle est la répartition des compétences entre les juridictions administratives et judiciaires en matière de reste à charge d’aide sociale à l’hébergement en EHPAD ?

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EN BREF : dans un arrêt en date du 12 mai 2022, le Conseil d’Etat considère que si le juge administratif est compétent pour fixer le montant de la participation laissée à la charge du bénéficiaire de l’aide sociale à l’hébergement en EHPAD et/ou de ses obligés alimentaires, il revient au juge judiciaire d’assigner à ces derniers le montant de leur contribution.

L’action prévue par l’article L. 132-7 du code de l’action sociale et des familles (CASF), exercée par le représentant de l’Etat ou le président du conseil départemental, au besoin à titre conservatoire, aux lieu et place du créancier en cas de carence de celui-ci vis-à-vis des personnes tenues à l’obligation alimentaire à son égard sur le fondement des articles 205 et suivants du code civil, emprunte tous ses caractères à l’action alimentaire.

Sauf si le demandeur prouve son état de besoin et établit qu’il n’est pas resté inactif ou qu’il a été dans l’impossibilité d’agir, il résulte de l’article 208 du code civil que le juge civil n’impose, le cas échéant, le versement d’une pension par le créancier d’aliments que pour la période postérieure à la demande en justice.

Il résulte, d’une part, de l’article L. 132-6 du CASF, d’autre part, de l’article L. 132-7 du même code et de l’article 208 du code civil, et des articles L. 134-1 et L. 134-3 du CASF que le juge administratif, à qui il appartient de déterminer dans quelle mesure les frais d’hébergement dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont pris en charge par les collectivités publiques au titre de l’aide sociale, est compétent pour fixer, au préalable, le montant de la participation aux dépenses laissée à la charge du bénéficiaire de l'aide sociale et, le cas échéant, de ses débiteurs alimentaires.

En revanche, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'assigner à chacune des personnes tenues à l'obligation alimentaire le montant et la date d'exigibilité de leur participation à ces dépenses ou, le cas échéant, de décharger le débiteur de tout ou partie de la dette alimentaire lorsque le créancier a manqué gravement à ses obligations envers celui-ci.

Dans le cas où cette autorité a, par une décision devenue définitive, statué avant que le juge administratif ne se prononce sur le montant de la participation des obligés alimentaires, ce dernier est lié par la décision de l’autorité judiciaire.

S’agissant de la période antérieure à la date à laquelle la décision de l’autorité judiciaire contraint les obligés alimentaires à verser une participation, il revient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de s’assurer qu’il ne résulte pas manifestement des circonstances de fait existant à la date à laquelle il statue que la contribution postulée par le département n’a pas été ou ne sera pas versée spontanément par les obligés alimentaire.

Le juge administratif peut ainsi se fonder sur la circonstance que, par un jugement passé en force de chose jugée, le juge aux affaires familiales a fixé le montant de l’obligation alimentaire à une somme mensuelle suffisant à couvrir les besoins de la personne hébergée en EHPAD et répartie entre les obligés alimentaires à compter de leur assignation, au titre des éléments de fait dont il lui appartenait de tenir compte, pour la période antérieure à l’assignation, comme d’ailleurs des autres éléments pouvant résulter de ce jugement et des autres circonstances de fait pouvant résulter de l’instruction à la date de sa propre décision.

Il résulte des articles L. 132-3 et R. 231-6 du CASF que les personnes âgées hébergées en établissement et prises en charge au titre de l’aide sociale doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources et que la somme ainsi laissée à leur disposition ne peut être inférieure à 1 % du montant annuel des prestations minimales de vieillesse.

Ces dispositions doivent être interprétées comme devant permettre à ces personnes de subvenir aux dépenses qui sont mises à leur charge par la loi et sont exclusives de tout choix de gestion.

Il suit de là que la contribution de 90 % prévue à l’article L. 132-3 du CASF doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée de ces dépenses.

A ce titre, la participation au financement des mesures exercées par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire prévue par l’article L. 471-5 du CASF et déterminée en fonction des ressources de l’intéressé selon les modalités définies aux articles R. 471-5 et suivants du CASF doit être regardée comme une dépense mise à la charge du bénéficiaire de la mesure par la loi et exclusive de tout choix de gestion.

SOURCE : Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 12/05/2022, 454403

JURISPRUDENCE :

CE, 22 décembre 1967, Mechoulan, n° 71357, p. 524 ;

CE, 27 juillet 1999, Mme Karstens et Mme Mouyssac, n° 196872, T. pp. 633-636 ;

CE, 15 juin 2004, Casteig, n° 251727, p. 253 ;

CE, 19 octobre 2017, Mme Deneux et Mme Gest, n° 402111, T. pp. 465-512-750 ;

CE, Assemblée, 13 décembre 2007, Département de la Charente-Maritime, n° 286891, p. 472.

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