Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Que peut faire une cour administrative d'appel après avoir annulé un jugement du tribunal administratif pour irrégularité  ?

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EN BREF : lorsqu’une cour administrative d’appel annule un jugement de tribunal administratif en raison d’un vice de forme ou de procédure (pour irrégularité par opposition au mal fondé), elle a la possibilité d’évoquer, c’est-à-dire de statuer directement sur le litige, tel que présenté devant le tribunal administratif ou de renvoyer les parties devant le Tribunal administratif qui a rendu le jugement annulé.

Dans son glossaire mis en ligne sur son site internet, le Conseil d’Etat définit l’évocation comme étant « le pouvoir du juge d’appel de statuer directement sur le litige, tel que présenté devant le tribunal administratif, lorsqu’il annule le jugement du tribunal administratif en raison d’un vice de forme ou de procédure. » (Voir également ma chronique « Quels sont les 25 principaux moyens de légalité à soulever en appel pour contester la régularité externe d'un jugement de tribunal administratif ? »  

Voir par exemple :

Conseil d'Etat, 6 / 2 SSR, du 29 décembre 1997, 150333, mentionné aux tables du recueil Lebon

« (…) Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;(…) »

Cependant, après avoir annulé un jugement pour irrégularité, le juge d’appel n’est pas tenu d’évoquer et peut renvoyer l’affaire devant les premiers juges.

Lorsque la cour administrative d’appel choisit, plutôt que d’évoquer, de renvoyer les parties devant le Tribunal administratif, ce dernier se trouve alors saisi des seuls conclusions, moyens et exceptions que les parties lui avaient présentés avant l’intervention de ce jugement ou qu’elles ont produits lors du renvoi après y avoir été invitées par le Tribunal.

C.A.A. Lyon – 6ème chambre – N°10LY02717 – Ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative – 22 mars 2012

Conseil d'Etat, 9 / 10 SSR, du 10 octobre 2001, 199333, mentionné aux tables du recueil Lebon

Mais le juge d’appel est libre d’évoquer dès lors que l’une des parties ne s’est pas bornée à discuter la régularité du jugement, mais a argumenté sur le fond de l’affaire, peu importe que l’une d’entre elles se soit déclarée opposée à l’évocation.

2 – Les contraintes de l’évocation par une cour administrative d’appel :

La Cour ne peut évoquer que de conclusions déjà présentées en première instance, une demande nouvelle étant irrecevable.

Voir : Conseil d'Etat, 4 / 1 SSR, du 14 mars 1980, 13780, publié au recueil Lebon

« (…) Irrecevabilité de conclusions par lesquelles une caisse primaire d'assurance maladie demande pour la première fois en appel le remboursement de prestations fournies avant la date du jugement de première instance. (…)»

Exceptions :

  • Si le demandeur n’a pas été mis en mesure, par suite d’un vice de procédure, de présenter ses conclusions :

Voir : Conseil d'Etat, 6 / 2 SSR, du 29 décembre 1997, 150333, mentionné aux tables du recueil Lebon

« (…) Le ministre du budget, n'ayant pas été mis à même devant le tribunal administratif d'opposer la prescription quadriennale, ses conclusions en ce sens, présentées devant le Conseil d'Etat statuant par la voie de l'évocation, sont recevables. (…) »

  • Si le demandeur n’a pas été mis en mesure de compléter sa demande :

Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 30/12/2009, 311599

« (…) Si des conclusions tendant à une condamnation pécuniaire doivent en principe être chiffrées devant les juges de première instance sous peine d'irrecevabilité et ne peuvent par suite l'être pour la première fois devant le juge d'appel, il en va différemment lorsque, cette irrecevabilité étant régularisable devant le juge de première instance, celui-ci a, en l'absence de toute fin de non-recevoir opposée sur ce point par le défendeur, omis d'inviter le demandeur à préciser le montant de la condamnation qu'il sollicitait. Le juge d'appel, qui doit alors inviter le requérant à chiffrer ses conclusions, ne peut en tout état de cause les rejeter comme nouvelles en appel. (…) »

3 – Que veut-on dire par demande (s) nouvelle (s) en appel ?

Une demande peut être regardée comme nouvelle en appel, soit par son objet, soit par sa cause juridique distincte de celle (s) soulevée (s) devant les premiers juges :

Conseil d'Etat, 4 SS, du 11 mai 1987, 42179, inédit au recueil Lebon

« (…) Considérant que dans sa demande enregistrée devant le tribunal administratif de Paris M. X... a demandé le versement de son traitement et des avantages sociaux afférents au mois d'octobre 1978 et à la première quinzaine du mois de novembre 1978 ; que si, en appel, M. X... demande également la réparation du préjudice résultant d'une faute de l'Université qui ne l'aurait pas informé de ses obligations de service, ces prétentions fondées sur une cause juridique distincte constituent une demande nouvelle ; que cette demande présentée pour la première fois devant le Conseil d'Etat, n'est pas recevable ;(…) »

4- Sur quels éléments va s’appuyer le juge d’appel pour statuer ?

Le juge d’appel qui évoque reprend l’affaire dans l’état ou elle se trouvait lors de la clôture de l’instruction devant le tribunal administratif dont les effets sont abolis.

L’instruction doit être regardée dans la limite de l’évocation comme poursuivie en appel.

Le juge d’appel tenant compte de tous les mémoires produits en première instance et en appel, statue sur les conclusions évoquées et répond aux moyens invoqués comme le ferait un juge du premier degré.

SOURCE : Pratique du contentieux de la Fonction publique, Joël Berthoud · Editions du Panthéon, 13 mars 2015 - 672 pages (pages 334 à 339). – Excellent ouvrage clair et pratique et « Annulation d’un jugement du tribunal administratif pour irrégularité et conclusions non reprises en appel irrecevables » (Association lyonnaise de droit administratif – ALYODA)

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