OUI : dans un arrêt en date du 28 mars 2022, le Conseil d’Etat considère qu’eu égard à la portée de ce manquement au règlement de la consultation, ce vice ne permet pas la poursuite de l’exécution du contrat et justifie la résiliation de celui-ci. En effet l’imprimé « DC1 » produit par le candidat dont l’essentiel des champs n’est pas rempli, y compris l’attestation sur l’honneur selon laquelle le candidat ne relève d’aucun cas d’exclusion obligatoire, aucun des autres documents produits dans le dossier de candidature ne permettait, par ailleurs, de s’assurer qu’elle ne faisait l’objet d’aucune exclusion.
Il appartient au juge du contrat, saisi par un tiers d’un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat, de vérifier si, dans les circonstances de l’espèce, le vice entachant la validité du contrat permet, eu égard à son importance et à ses conséquences, la poursuite de l’exécution de celui-ci.
En l’espèce, la société Tropezina Beach Development a produit une lettre de candidature suivant le formulaire dit « DC1 » qui n'était que partiellement renseignée et n'était pas signée, alors que le règlement de la consultation établi par la commune de Ramatuelle exigeait des candidats la production d'un imprimé « DC1 » dûment complété et signé.
La cour administrative d'appel de Marseille a estimé que cette irrégularité affectant la candidature aurait dû conduire l'autorité concédante à l'écarter, faute d'avoir invité la société candidate à la régulariser.
Elle en a déduit que le vice consistant à avoir retenu l'offre d'une société dont la candidature était irrégulière ne permettait pas la poursuite de l'exécution du contrat et justifiait sa résiliation, dès lors qu'il avait, en tout état de cause, entraîné l'attribution du contrat à un candidat dont l'offre aurait dû être écartée.
En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de vérifier si, dans les circonstances de l'espèce, le vice entachant la validité du contrat résultant de l'irrégularité de la candidature permettait, eu égard à son importance et à ses conséquences, la poursuite de l'exécution du contrat, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit.
SOURCE : Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 28/03/2022, 454341
JURISPRUDENCE :
CE, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994, p. 70 :
« Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative (CJA), tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours de conclusions indemnitaires ainsi que d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du CJA, à la suspension de l'exécution du contrat. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. »
CE, 22 mai 2019, Société Corsica Ferries, n° 426763, T. p. 822 :
« Le règlement de la consultation prévu par une autorité concédante pour la passation d'un contrat de concession est obligatoire dans toutes ses mentions. L'autorité concédante ne peut, dès lors, attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres. Une candidature doit être regardée comme incomplète, au sens de l'article 23 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016, quand bien même elle contiendrait les pièces et informations dont la production est obligatoire en application des articles 19, 20 et 21 du décret, dès lors qu'elle ne respecte pas les exigences fixées par le règlement de la consultation relatives au mode de transmission de ces documents, sous réserve que ces exigences ne soient pas manifestement inutiles. Pour rejeter la demande de la société requérante, le juge des référés a estimé que l'obligation imposée aux candidats par le règlement de la consultation de déposer une version sur support numérique des dossiers de candidature n'était pas une formalité inutile, en raison notamment de ce qu'elle avait pour objet de permettre l'analyse des candidatures déposées dans des délais contraints. Les candidats à l'attribution d'un contrat de concession doivent respecter les exigences imposées par le règlement de la consultation et ne peuvent être exonérés de cette obligation que dans l'hypothèse où l'une de ces exigences serait manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que le juge des référés a estimé que l'absence de version sous format dématérialisé du dossier de candidature de la société avait pour effet de rendre cette candidature incomplète au sens de l'article 23 du décret du 1er février 2016, alors même qu'une version sous format papier comportant les pièces et informations demandées avait été également déposée. »
Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 10/05/2006, 286644, Publié au recueil Lebon :
« Le formulaire DC4 intitulé lettre de candidature et habilitation du mandataire par ses co-traitants et le formulaire DC5 intitulé déclaration du candidat reprennent, sans y ajouter, les renseignements qui peuvent être exigés des candidats en application des dispositions de l'article 45 du code des marchés publics et de l'arrêté du 26 février 2004 pris pour son application. Ces formulaires, qui se bornent à déterminer les modalités de présentation de ces renseignements, sont aisément accessibles, sans frais particuliers, sur le site internet du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans ces conditions, l'acheteur public ne méconnaît pas le principe d'égal accès à la commande publique en exigeant des candidats, dès lors que les caractéristiques du marché le justifient, qu'ils utilisent, à peine d'irrecevabilité, ces formulaires pour présenter leur candidature. »