Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Un médecin expert agrée peut-il être traduit pour manquement déontologique par le fonctionnaire expertisé devant la chambre disciplinaire de l’ordre ?

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NON : dans un arrêt en date du 02 octobre 2017, le Conseil d’Etat a rappelé  qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique : « les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages - femmes chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit ».

Mais l’arrêt précite ajoute que les dispositions de l'article L. 4124-2 du code de la santé publique : sont sans incidence sur le droit de toute personne qui s'estimerait victime d'un manquement déontologique commis par un de ces praticiens de saisir la juridiction compétente afin d'obtenir réparation du préjudice dont il serait responsable, ou de mettre en mouvement l'action publique si les faits commis par ce médecin sont susceptibles de recevoir une qualification pénale.

 

POUR MEMOIRE :

L’article 11 du décret n° 2022-350 du 11 mars 2022 relatif aux conseils médicaux dans la fonction publique territoriale dispose que : « Lorsque les conclusions du ou des médecins sont contestées soit par l'intéressé, soit par l'administration, le conseil médical compétent est saisi dans un délai de deux mois à compter du moment où elles sont portées à leur connaissance. »

Ces dispositions ne peuvent, par suite, être regardées comme portant une atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction et comme méconnaissant, par suite, les dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

En organisant, dans les conditions rappelées au point qui précède, les conditions dans lesquelles s'exerce la poursuite, devant les juridictions disciplinaires, des praticiens qu'elles concernent, ces dispositions ne peuvent, en tout état de cause, être regardées comme méconnaissant les dispositions de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui reconnaissent à la société « le droit de demander des comptes à tout agent public de son administration ».

S'agissant des praticiens chargés d'un service public en leur qualité d'agents publics, le principe d'égalité n'impose pas que les conditions de mise en œuvre des poursuites disciplinaires à l'égard d'agents publics soient identiques à celles applicables aux autres praticiens.

S'agissant des praticiens n'ayant pas la qualité d'agent public mais qui doivent être regardés, pour certains de leurs actes, comme chargés d'un service public en raison de l'intérêt général qui s'attache à leur mission et des prérogatives qui lui sont associées, les dispositions attaquées, en prévoyant que seules les autorités publiques ou ordinales peuvent mettre en cause leur responsabilité disciplinaire, poursuivent un objectif d'intérêt général de garantir l'indépendance de ces médecins, chirurgiens-dentistes ou sages - femmes dans l'accomplissement de ces missions de service public.

Par suite, la différence de traitement introduite par le premier alinéa de l'article L.4124-2 du code de la santé publique, entre les médecins « chargés d'un service public » et les autres médecins, ne méconnaît pas les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant la justice garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789.

 

SOURCE : Conseil d'État, 4ème - 5ème chambres réunies, 02/10/2017, 409543, Inédit au recueil Lebon

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