Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Les comptables publics peuvent-ils dans le cadre de leur contrôle se faire juges de la légalité des actes administratifs à l’origine de la créance qu’ils doivent payer ?

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NON : si le contrôle que les comptables publics doivent exercer en matière de dépenses publiques peut les conduire à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l’origine de la créance et s’il leur appartient alors d’en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n’ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité.

Dans un arrêt en date du 16 février 2022, le Conseil d’Etat rappelle que le contrôle que les comptables doivent exercer en matière de dépenses en vertu, d’une part, de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, d’autre part, des articles 19, 20, 38 et 50 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, peut les conduire à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l’origine de la créance et s’il leur appartient alors d’en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n’ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité.

SOURCE : Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 16/02/2022, 439427

 

JURISPRUDENCE :

CE, section, 5 février 1971, ministre de l'économie et des finances c/ m. balme, n° 71173, p. 105 ;

« Si les comptables publics doivent en application des articles 12 et 13 du décret du 29-12-1962 contrôler la validité des créances et si, à ce titre, ils doivent exercer leur contrôle sur la production des justifications, ils n’ont pas le pouvoir de se faire juges de la légalité des décisions administratives. »

CE, Section, 8 février 2012, Ministre du budget, n° 342825, p. 37.

« Il résulte des dispositions de l'article 60 de la loi n° 63-156 de finances du 23 février 1963 et du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique que, pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications. A ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée. Pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l'ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d'une part, complètes et précises, d'autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l'objet de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée. Si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l'origine de la créance et s'il leur appartient alors d'en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n'ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité. Lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu'à ce que l'ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires. Cas dans lequel l'ordonnateur produit, comme justificatifs, des bons de commande dont les dates étaient postérieures à celles des factures correspondantes. En reprochant au comptable de ne pas avoir suspendu le paiement des sommes litigieuses pour ce seul motif, le juge des comptes a en réalité exigé du comptable qu'il exerce un contrôle de légalité sur les pièces justificatives fournies par l'ordonnateur alors que celles-ci ne présentaient, à elles seules et quelle que soit en tout état de cause leur validité juridique, ni incohérence au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable ni incohérence au regard de la nature et de l'objet de la dépense engagée. »

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