Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Un recours administratif gracieux ou hiérarchique peut-il tout de même être formé en dehors des délais de recours contentieux ?

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OUI : contrairement aux idées reçues, un recours administratif peut être formé sans aucune condition de délai, pour inviter l’administration à reconsidérer sa position, mais dans ce cas il ne proroge pas les délais permettant de former ultérieurement un recours contentieux contre la décision tacite ou expresse née du recours préalable.

L'article L.410-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose : « Pour l'application du présent titre, on entend par :
Recours administratif : la réclamation adressée à l'administration en vue de régler un différend né d'une décision administrative ;
Recours gracieux : le recours administratif adressé à l'administration qui a pris la décision contestée ;
3° Recours hiérarchique : le recours administratif adressé à l'autorité à laquelle est subordonnée celle qui a pris la décision contestée ;
4° Recours administratif préalable obligatoire : le recours administratif auquel est subordonné l'exercice d'un recours contentieux à l'encontre d'une décision administrative. »
 

Article L.411-2 du code des relations entre le public et l'administration présice que : « Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai.
Lorsque dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux, prorogé par l'exercice de ces recours administratifs, ne recommence à courir à l'égard de la décision initiale que lorsqu'ils ont été l'un et l'autre rejetés. »

Pour qu’il proroge le délai de recours contentieux, le recours administratif préalable doit satisfaire à trois conditions :

1ère condition : le recours administratif préalable ne proroge le délai de recours contentieux que s’il a lui-même été formé dans le délai de recours contentieux.

En effet, contrairement aux idées reçues, un recours administratif peut toujours être formé sans aucune condition de délai, pour inviter par exemple l’administration à reconsidérer sa position, mais dans ce cas il ne proroge pas les délais permettant de former ensuite un recours contentieux contre la décision tacite ou expresse devant une juridiction administrative.

Ainsi, pour que le recours contentieux soit recevable, il faut absolument que le recours administratif gracieux, hiérarchique ou de tutelle ait lui-même été formé avant l’expiration du délai de recours contentieux. (Voir en ce sens Conseil d’Etat, 13 avril 1881, Bansais, Rec. p. 431, conclusions Le Vavasseur de Précourt).

S’agissant d’un recours administratif facultatif : 

La date de recours à prendre en compte pour apprécier sa recevabilité est :

- En cas d’envoi par lettre recommandée avec accusé de réception, la date à prendre en compte si le recours est la date de réception du recours administratif par l’administration.

Pour le recours gracieux : CE 15 mars 1961 Baillot ;

Pour le recours hiérarchique : CE 11 mars 1983 Vanderschalden.

- En cas d’envoi par messagerie électronique, par son arrêt du 13 mai 2018, la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé qu’un recours gracieux électronique proroge le délai de recours contentieux contre la décision initiale dès lors qu’il est démontré que la collectivité concernée à bien reçu le recours gracieux en cause et ce, alors même qu’elle n’aurait pas adressé d’accusé de réception à l’intéressé (CAA Lyon, 13 mai 2018, requête n°17LY03092).

- En cas d’envoi par télécopie,  c’est l’émetteur qui doit fournir cette preuve, le destinataire supposé ne disposant, pour sa part, d'aucun moyen de preuve contraire. En se bornant à produire le rapport d'émission de télécopie, le préfet n'apporte pas la preuve de la réception de la télécopie par la commune au plus tard le 3 mai 2006. Il ne prouve donc pas qu’il a introduit son recours gracieux dans le délai de recours contentieux (CAA Marseille 20/11/2009, n° 07MA03460).

S’agissant d’un recours administratif obligatoire (RAPO) : 

La date de recours à prendre en compte pour apprécier sa recevabilité est : 

A l’inverse de ce qui prévaut pour les recours juridictionnels, le respect du délai des recours préalables obligatoire s’apprécie non à la date de réception mais à la date d’envoi, le cachet de la poste faisant foi.

Conseil d'Etat, 7ème et 2ème sous-sections réunies, du 27 juillet 2005, 271916, publié au recueil Lebon (Virginie X)

Le respect du délai prévu à l'article R.2422-1 du code du travail pour former un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail ayant statué sur une demande d'autorisation de licencier un salarié protégé s'apprécie à la date à laquelle le pli contenant le recours hiérarchique est présenté par les services postaux au ministre chargé du travail. Les dispositions de l'article 16 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 sont sans incidence sur l'application des règles relatives à la recevabilité des recours contentieux et ne sauraient, par suite, régir les conditions dans lesquelles s'exerce le recours hiérarchique prévu à l'article R. 2422-1 du code du travail.

Conseil d'État, 4ème et 1ère chambres réunies, 30/01/2019, 410603

« Les dispositions de l'article 16 de la loi du 12 avril 2000, qui prévoient que toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi postal, le cachet de la poste faisant foi, sont sans incidence sur l'application des règles relatives à la recevabilité des recours contentieux. Elles ne sauraient régir les conditions de délai dans lesquelles l'exercice d'un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, a pour effet de conserver le délai de recours contentieux. »

Conseil d'Etat, 3ème et 8ème sous-sections réunies, du 21 mars 2003, 240511, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Aux termes de l'article 16 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration (...) ou produire un document auprès d'une autorité administrative peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi postal, le cachet de la poste faisant foi, ou d'un procédé télématique ou informatique homologué permettant de certifier la date d'envoi ». Ces dispositions s'appliquent seulement aux demandes adressées à des « autorités administratives » au sens de ladite loi et ne régissent donc pas les recours contentieux formés devant des juridictions, fussent-elles administratives. »

Conseil d'Etat, 3 / 8 SSR, du 26 octobre 2001, 233290, mentionné aux tables du recueil Lebon

A défaut, le recours contentieux est irrecevable du fait de l’expiration du délai de recours contentieux (Voir en ce sens Conseil d’Etat 11 novembre 1898, Labro, Rec. p. 692 ; Conseil d’Etat 15 décembre 1922, Michel, Rec. p. 1286 ; Conseil d’Etat, Section, 5 juin 1953, Dame veuve Meignen, Rec. P. 692 ; Conseil d’Etat 30 novembre 1994, Syndicat national du patronat moderne et indépendant de la Réunion, requêtes n° 101659 et 101660).

2ème condition : il faut que la décision implicite ou explicite prise suite au recours administratif préalable ait été déféré au juge administratif avant l’expiration du nouveau délai de recours prorogé.

Il faut que la décision implicite résultant du silence gardé par l’administration ou explicite prise à la suite du recours administratif, ait été elle-même déféré au juge de l’excès de pouvoir avant l’expiration du délai de recours contentieux prorogé par l’exercice du recours administratif préalable.(nouveau délai de deux mois).

Il faut noter qu’en matière de plein contentieux et à défaut de réponse expresse de l’administration, le recours contentieux est possible à partir de deux mois et jusqu’à la limite de la prescription quadriennale. (Quatre années décomptées à partir du 1er janvier de l’année suivant celle du fait générateur de la créance).

3ème condition : il faut dans l’immense majorité des cas qu’un seul recours administratif préalable ait été formé contre la décision, sauf rares exceptions.

Il faut qu’un seul recours administratif préalable ait été formé (Voir en ce sens Conseil d’État, Section, 27 janvier 1950, Demoiselle Ducrot, Rec. p. 65) sauf lorsqu’un texte institue une procédure préalable de recours où il semblerait que celle-ci ne fasse pas obstacle à ce que le requérant qui n’a pas obtenu satisfaction puisse ensuite saisir le ministre d’un recours hiérarchique dans les conditions du droit commun. (Voir en ce sens Conseil d’Etat, Section, 19 novembre 1971, Ministre de la santé publique et de la sécurité sociale c/ Demoiselle Bruguière, Rec. p. 691, conclusions Rougevin-Baville ; Conseil d’Etat, Section,23 juin 1972, Syndicat des métaux C.F.D.T. - C.F.T.C. des Vosges et autres et S.A. Perrin-Electronique, Rec. p. 473, conclusions Bernard ; Conseil d’Etat, Section, 1er février 1980, Ministre du Travail c/ Société Peintures Corona, Rec. p. 59 ; Conseil d’Etat, 3 juin 1988, Ministre des affaires sociales c/ Crédit Lyonnais, requête n° 84401).

Il est à noter que le recours hiérarchique devant le ministre existe même sans texte (Voir en ce sens Conseil d’Etat, 31 juillet 1903, Picard et autres, Rec. p. 585, conclusions Romieu) et que le pouvoir hiérarchique du ministre constitue un principe général du droit (Voir en ce sens Conseil d’Etat, Section, 30 juin 1960, Quéralt, Rec. p. 413)

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