Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Précisions sur la qualité de sous-traitant dans un marché public: caractérisation d’une relation de sous-traitance et distinction avec le contrat de fourniture.

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Mon amie Frédérique Di Placido, passionnée de droit des marchés publics, vient de me communiquer cet article qu'elle a rédigé sur l'actualité de la sous-traitance dans les marchés publics.

Compte tenu de la grande qualité et de la finesse de son analyse, je m'empresse, avec son autorisation de mettre en ligne son article.

Le Code de la commande publique indique dans son article L.2193-4, que l’opérateur économique, c’est-à-dire le candidat aux marchés publics, peut recourir à la sous-traitance lors de la passation du marché et tout au long de son exécution.

Ce principe connait une condition qui est celle de la déclaration du sous-traitant à l’acheteur et l’obtention de l’acceptation du sous-traitant et l’agrément des conditions de paiement par l’acheteur.

A noter également que seuls les marchés de travaux, de services ou les marchés industriels peuvent être partiellement sous-traités.

Sous le régime de l’ancien code des marchés publics abrogé en 2016, la sous-traitance n’était possible que pour les marchés de travaux et de services.

L'article L. 2193-1 du code de la commande publique s’applique « aux marchés de travaux, aux marchés de services et aux marchés de fournitures comportant des services ou des travaux de pose ou d’installation. Il permet ainsi le recours à la sous-traitance pour tous les marchés publics y compris certains marchés de fournitures » 

Ainsi les marchés de fournitures ne peuvent donner lieu à sous-traitance, sauf ceux nécessitant des travaux de pose ou d’installation ou comportant des prestations de services (article L2193- 1 du Code de la Commande publique).

Un contrat de fournitures pourra relever du régime de la sous-traitance s’il porte sur un produit spécialement conçu pour répondre aux spécifications du marché (CAA Nantes, 7 oct. 2011, n° 10NT02052), et d’autant plus si l’entreprise concernée intervient directement sur le chantier (CAA Nancy, 12 juin 2014, n° 13NC01087, Sté Spurgin-Léonhart).

C’est en ce sens, qu’a jugé récemment la CAA de Douai (CAA de Douai, 26 janv. 2021, n° 19DA00948, Cne Awoingt).

Dans cet arrêt, la CAA de Douai apporte quelques précisions sur la caractérisation de la qualité de sous-traitant dans les marchés publics.

Par un avis d’Appel public à la concurrence publié en 2016, la Commune d’Awoingt a lancé une consultation en vue de la passation, selon une procédure adaptée, de marchés publics de travaux en vue de la passation de la construction d’une halle couverte.

Au terme de la procédure de sélection des offres à laquelle ont participé notamment la société Les Compagnons du Bois et la société Nord Bois Habitat en vue de l'attribution du lot n° 2, le pouvoir adjudicateur a informé la société Les Compagnons du Bois du classement de son offre en seconde position et de l'attribution du marché à la société Nord Bois Habitat.

La société Les Compagnons du Bois a donc contesté la validité du marché devant le tribunal administratif de Lille au motif que l’offre était irrégulière du fait de l’absence de déclaration d’un sous-traitant. Le tribunal administratif lui a donné raison.

La commune d'Awoingt relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille la condamnant à verser la somme de 13 438,23 euros à la société Les Compagnons du Bois.

La question était de savoir si le prestataire était un fournisseur ou un sous-traitant.

La CAA rappelle en premier lieu la faculté pour un tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé de former un recours de plein contentieux devant le juge pour contester la validité du contrat. Le juge rappelle également l’encadrement des moyens invocables par le candidat évincé qui ne peut se prévaloir que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé.

La CAA précise ensuite le régime applicable à la sous-traitance dans les marchés publics, La Cour administrative d’appel rappelle tout d’abord l’obligation de déclarer les sous-traitants (article 5 de la loi du 31 décembre 1975) et l’interdiction de sous-traiter l’entièreté du marché public.

« l’entrepreneur principal doit, lors de la soumission, indiquer au maître de l’ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu’il envisage de sous-traiter ainsi que les sous-traitants auxquels il envisage de faire appel »

La CAA rappelle que les contrats de fournitures peuvent relever du régime de la sous-traitance s’ils portent sur un produit spécialement conçu pour répondre aux spécifications du marché ou si l’entreprise concernée intervient directement sur le chantier. Or, en l'espèce, l’entreprise avait livré des ossatures et charpentes en bois qu'elle avait « fabriquées aux mesures de longueur, épaisseur et largeur demandées ». 

Cette analyse est d’autant plus cohérente que l’entreprise en question n’était intervenue dans l’arrêt rendu par la CAA de Douai, sur le chantier qu’au seul de fournisseur des ossatures et de charpentes en bois, à l’exclusion de tout travaux de pose de matériel ; que cette dernière a fourni des pièces répondant à des caractéristiques précises, mais ne présentant pas de spécifications techniques particulières ; et qu’en conséquence ladite société n’avait pas la qualité de sous-traitant.

Le juge adopte une appréciation restrictive de la qualité de sous-traitant et conforte l’application classiquement retenue par la jurisprudence administrative qu’il s’agit bien du degré de spécificité des prestations réalisées par l’entreprise se présentant comme sous-traitante, qui différencie le contrat de sous-traitance du simple contrat de fourniture conclu par le titulaire du marché principal. Ainsi, la fourniture d’équipements de production courante ou d’équipements

« standards » ne faisant pas l’objet d’adaptations spécifiques au marché concerné ne constitue pas un contrat de sous-traitance mais un simple contrat de fourniture.

SOURCE : CAA de Douai, 26 janv. 2021, 1ère chambre, 26 janvier 2021, 19DA00948, inédit au recueil Lebon

 

JURISPRUDENCE : 

CAA Nantes, 7 oct. 2011, n° 10NT02052 Société Atlan VDI : « Un contrat de fournitures pourra relever du régime de la sous-traitance s’il porte sur un produit spécialement conçu pour répondre aux spécifications du marché. »

CAA Nancy, 12 juin 2014, n° 13NC01087, Sté Spurgin-Léonhart.

« et d’autant plus si l’entreprise concernée intervient directement sur le chantier ».

Article rédigé par Madame Frédérique Di Placido le 05 novembre 2021.

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