NON : dans un arrêt en date du 27 septembre 2021, le Conseil d’Etat considère que sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.
Constitue un accident de service, pour l'application de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci..
Pour juger que le ministre de la défense n'avait pu légalement refuser de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de Mme A..., qui avait justifié des arrêts de travail entre le 11 février et le 30 septembre 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a relevé d'une part qu'au cours de l'entretien professionnel qui avait eu lieu le 10 février 2015, la qualité de ses relations avec ses collègues avait été évoquée défavorablement, qu'il lui avait été reproché d'avoir tenu des propos à caractère xénophobe et demandé en conséquence de « ne plus émettre d'observations sur des sujets sociétaux " et d'" observer la neutralité qui s'impose à chacun dans le cadre professionnel », d'autre part que si sa chef de service indique dans son rapport du 21 mai 2015 être restée calme au cours de cet entretien et avoir conservé un ton mesuré, Mme A... a alors quitté précipitamment cet entretien, qu'elle a produit le lendemain un arrêt de travail de son médecin traitant confirmant l'avoir reçue « en état de choc avec une anxiété généralisée majeure réactionnelle » et qu'un avis d'un expert psychiatre établi au mois de juillet suivant faisait état d'un « tableau anxio-dépressif ayant fait suite au contenu d'un entretien d'évaluation professionnelle à l'origine d'une blessure narcissique. »
En déduisant de ces seules constatations que l'entretien d'évaluation de Mme A... était constitutif d'un accident de service, sans relever aucun élément de nature à établir que par son comportement ou par ses propos la cheffe de service qui avait conduit cet entretien aurait excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, la cour administrative d'appel de Nantes a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
SOURCE : Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 27/09/2021, 440983
JURISPRUDENCE :
Pour l'application de la réglementation relative à l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires des fonctions publiques territoriale et hospitalière, CE, 6 février 2019, Mme Planage, n° 415975, T. pp. 798-870 :
« Constitue un accident de service, pour l'application de la réglementation relative à l'allocation temporaire d'invalidité (ATI), un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Fonctionnaire d'une mairie entretenant des relations conflictuelles avec le maire. Expertise indiquant que l'intéressé souffrait d'un syndrome dépressif en lien avec ses conditions de travail avant que ne survienne une altercation avec le maire. La circonstance que l'intéressé a été placé en congé de maladie pour accident de service, avec effet à compter de cette altercation, est sans incidence sur la qualification de cet événements au regard des dispositions relatives à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité. En retenant que l'invalidité permanente de l'intéressé, due à son état dépressif, ne résultait pas d'un accident de service, un tribunal administratif ne commet pas d'erreur de qualification juridique des faits. »
Pour l'appréciation d'un harcèlement moral, CE, 29 juin 2020, M. Ledoux, n° 423996, p. 237 :
« Si la protection fonctionnelle résultant d'un principe général du droit n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il résulte du principe d'impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de tels actes ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l'autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné., Il résulte de l'ensemble des dispositions qui gouvernent les relations entre les agences régionales de santé (ARS) et les établissements de santé, notamment de celles de l'article L. 6143-7-1 du code de la santé publique qui donnent compétence au directeur général de l'ARS pour mettre en œuvre la protection fonctionnelle au bénéfice des personnels de direction des établissements de santé de son ressort, que lorsque le directeur d'un établissement public de santé, à qui il appartient en principe de se prononcer sur les demande de protection fonctionnelle émanant des agents de son établissement, se trouve, pour le motif indiqué au point précédent, en situation de ne pouvoir se prononcer sur une demande sans méconnaître les exigences qui découlent du principe d'impartialité, il lui appartient de transmettre la demande au directeur général de l'ARS dont relève son établissement, pour que ce dernier y statue. »