Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Est-il nécessaire d’attendre une décision de rejet expresse ou tacite de la CAF au recours administratif préalable obligatoire en contestation d’un indu de RSA pour saisir le juge administratif ?

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NON : dans un arrêt en date du 16 juin 2021, le Conseil d’Etat considère que dès lors que le recours administratif préalable obligatoire (RAPO) a été adressé à l'administration préalablement au dépôt de la demande contentieuse, la circonstance que cette dernière demande ait été présentée de façon prématurée, avant que l'autorité administrative ait statué sur le recours administratif, ne permet pas au juge administratif de la rejeter comme irrecevable si à la date à laquelle il statue, est intervenue une décision, expresse ou implicite (silence de l’administration gardé pendant deux mois), se prononçant sur le recours administratif.

L'institution d'un recours administratif, préalable obligatoire (RAPO) à la saisine du juge, vise à laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration.

Pour autant, dès lors que le recours administratif, préalable obligatoire (RAPO) a été adressé à l'administration préalablement au dépôt de la demande contentieuse, la circonstance que cette dernière demande ait été présentée de façon prématurée, avant que l'autorité administrative ait statué sur le recours administratif, ne permet pas au juge administratif de la rejeter comme irrecevable si à la date à laquelle il statue, est intervenue une décision, expresse ou implicite, se prononçant sur le recours administratif.

Après un contrôle de la situation de Mme B...-D..., la caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes a décidé, le 13 juillet 2017, de récupérer un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 12 099,14 euros pour la période du 1er avril 2013 au 13 juillet 2017, en raison de son omission de déclarer certaines des ressources de son foyer.

Par une décision du 12 septembre 2017, le département des Alpes-Maritimes a prononcé à l'encontre de Mme B...-D... une amende administrative d'un montant de 400 euros au motif de ces omissions déclaratives et a émis le 11 octobre 2017 un avis de somme à payer valant titre exécutoire en vue de son recouvrement.

Mme B...-D... a contesté devant le tribunal administratif de Nice la décision de la caisse d'allocations familiales du 13 juillet 2017 relative à l'indu de revenu de solidarité active, celle du président du conseil départemental du 12 septembre 2017 relative à l'amende administrative ainsi que le titre exécutoire émis le 11 octobre 2017.

Par un jugement du 20 février 2020, contre lequel Mme B...-D... se pourvoit en cassation, le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions de celle-ci dirigées contre la décision de récupération de l'indu de revenu de solidarité active au motif qu'elle n'avait pas exercé un recours administratif préalable et a rejeté comme infondé le surplus de ses conclusions.

Le tribunal administratif, après avoir relevé que le recours administratif préalable, exigé par l'article L.262-47 du code de l'action sociale et des familles, avait été exercé par Mme B...-D... de telle sorte qu'il avait été reçu par le département des Alpes-Maritimes le jour de l'enregistrement de sa demande contentieuse au greffe du tribunal, a rejeté cette dernière demande comme irrecevable au motif qu'elle avait été déposée sans que l'autorité administrative ait pu arrêter définitivement sa position.

En statuant ainsi, alors qu'à la date à laquelle il statuait le caractère prématuré de la demande contentieuse avait été couvert par le rejet du recours administratif, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Mme B...-D... est, par suite, fondée à demander pour ce motif l'annulation du jugement qu'elle attaque, en tant qu'il statue sur ces conclusions relatives à la récupération de l'indu de revenu de solidarité active.

SOURCE : Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 16/06/2021, 440064

 

JURISPRUDENCE :

S’agissant de la réclamation d'assiette, CE, Section, 4 janvier 1974, Sieur X., n° 87418, p. 3 ;

S’agissant de la saisine de la CADA, CE, 12 février 1988,,, n° 62332, T. pp. 798-944 :

« M. H. a demandé le 29 novembre 1983 au maire de Villefranche-sur-Mer communication de l'arrêté municipal réglementant le stationnement sur la place du marché où lui avait été dressé procès-verbal pour stationnement gênant matérialisé. Le maire a par lettre du 15 décembre 1983 refusé de satisfaire cette demande. M. H. a saisi le 3 février 1984 la commission d'accès aux documents administratifs et le 20 février le tribunal administratif sans attendre l'avis de cette commission. Mais cet avis ainsi que la décision confirmative du maire sont intervenus avant que le jugement ne soit prononcé. Cette demande était donc recevable au regard des dispositions de l'article 7 de la loi du 17 juillet 1978. »

Dans le cas particulier où la requête prématurée a été complétée par des conclusions qui auraient pu faire l'objet d'un recours distinct et recevable, CE, 4 novembre 2015, M. et Mme,, n° 384241, T. pp. 554-791 :

« En vertu de l'article L.262-47 du code de l'action sociale et des familles (CASF), une réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active (RSA) ne peut, à peine d'irrecevabilité, faire l'objet d'un recours contentieux sans qu'ait été préalablement exercé un recours administratif auprès du président du conseil général.as d'un requérant ayant introduit ce recours administratif après l'introduction d'une requête juridictionnelle et formé des conclusions nouvelles, présentées en cours d'instance, dirigées contre la décision du président du conseil général rendue sur son recours administratif. Le juge administratif ne peut rejeter pour irrecevabilité ces conclusions nouvelles dès lors que ce recours administratif a été exercé dans le délai requis par l'article R.262-88 du CASF et que ces conclusions nouvelles sont elles-mêmes présentées dans le délai de recours contentieux. »

S’agissant de l'obligation de faire naître une décision administrative préalable lorsque la demande tendant au versement d'une somme d'argent (art. R.421-1 du CJA), CE, Section, avis, 27 mars 2019, Consorts,, n° 426472, p. 95 :

« Il résulte de l'article R. 421-1 du code de justice administrative (CJA), dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 (dit JADE), qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du CJA n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision. »

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