Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Le recrutement par un rectorat d’un AESH chargée d’accompagner  un enfant handicapé pour la période d’un mois restant à courir jusqu’aux vacances peut-elle être qualifiée de « formalité impossible » ?

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NON : dans une ordonnance en date du 04 juin 2021, le juge du référés liberté du Tribunal administratif de Nantes a jugé, qu’alors que l’enfant atteint d’un trouble du syndrome d’Angelman, en âge d’être scolarisé, tire d’importants bienfaits de cette scolarisation, dont la durée de deux jours par semaine a été fixée au regard de son handicap et dont il ne peut plus bénéficier depuis le début du troisième trimestre, ses parents sont fondés à soutenir que l’absence de mise à disposition effective d’un accompagnant scolaire à ses côtés porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à l’éducation, la circonstance invoquée par le recteur de l’académie de Nantes que la fin de l’année scolaire serait proche, alors au demeurant qu’elle prend fin dans plus de quatre semaines, étant sans incidence.

Pour mémoire, la formalité impossible est une « une impossibilité matérielle dans laquelle se trouve l'administration malgré ses diligences » de réunir la commission (CE, 12 octobre 1956, Baillet). Ainsi, l'absence de renouvellement d'un organisme paritaire ne saurait justifier sa non consultation. Il appartient à la collectivité territoriale ou à l'établissement public « de prendre les dispositions nécessaires pour procéder, dans un délai normal, au renouvellement » de cet organisme (CE, 11 mars 1991, n° 84094).

Aux termes de l’article L.521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

L’égal accès à l’instruction est garanti par le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, auquel se réfère celui de la Constitution de 1958.

Ce droit, confirmé par l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est, en outre, rappelé à l’article L.111-1 du code de l’éducation, qui énonce que « le droit à l’éducation est garanti à chacun » et, s’agissant des enfants  présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant, à l’article L.112-1 du même code, selon lequel le service public de l’éducation leur assure une formation scolaire adaptée. L’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction est mise en œuvre par les dispositions de l’article L.131-1 de ce code, aux termes desquelles : « L'instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de trois ans et jusqu'à l'âge de seize ans ».

La privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’un handicap, de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L.521-2 du code de justice administrative, pouvant justifier l’intervention du juge des référés sur le fondement de cet article, sous réserve qu’une urgence particulière rende nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures.

En outre, le caractère grave et manifestement illégal d’une telle atteinte s’apprécie en tenant compte, d’une part de l’âge de l’enfant, d’autre part des diligences accomplies par l’autorité administrative compétente, au regard des moyens dont elle dispose.

L’enfant …, âgé de sept ans, atteint d’un trouble du syndrome d’Angelman s’est vu accorder, le 25 août 2020, par la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de Maine-et-Loire l’intervention d’une aide humaine individuelle aux élèves handicapés pour la période du 1er août 2020 au 31 juillet 2021 afin de l’accompagner dans l’accès aux activités d’apprentissage et de la vie sociale et relationnelle durant tout son temps de scolarisation, incluant les temps de repas et périscolaires.

Ses parents, demandent au juge des référés d’enjoindre, sur le fondement de l’article L.521-2 du code de justice administrative, au recteur de l’académie de Nantes de mettre effectivement en place cet accompagnement scolaire par un auxiliaire de vie scolaire, interrompu depuis qu’a été placé en congés de maladie, le 26 avril 2021, l’accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) présent auprès de l’enfant, qui n’est plus, de ce fait, scolarisé.

En premier lieu, il ressort des écritures en défense de l’administration qui fait valoir, sans aucunement l’établir, que pallier l’absence, imprévisible, de l’AESH chargée d’accompagner l’enfant Maxime pour la période d’un mois restant à courir jusqu’aux vacances d’été constitue une « formalité impossible » du fait de l’absence de personnel disponible dans le secteur où l’enfant est scolarisé et de son incapacité à effectuer de nouveaux recrutements hors poste vacant, et pour cette durée d’un mois, que le recteur de l’académie de Nantes, qui n’a répondu aux sollicitations que Mme X et M. Y lui ont adressées dès la fin du mois d’avril 2021 que le 20 mai suivant, ne peut être regardé comme ayant effectué les diligences visant à permettre de continuer à assurer l’accompagnement qu’il doit mettre en œuvre.

Dans ces conditions, et alors que l’enfant Maxime, en âge d’être scolarisé, tire d’importants bienfaits de cette scolarisation, dont la durée de deux jours par semaine a été fixée au regard de son handicap et dont il ne peut plus bénéficier depuis le début du troisième trimestre, Mme X et M. Y sont fondés à soutenir que l’absence de mise à disposition effective d’un accompagnant scolaire à ses côtés porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à l’éducation, la circonstance invoquée par le recteur de l’académie de Nantes que la fin de l’année scolaire serait proche, alors au demeurant qu’elle prend fin dans plus de quatre semaines, étant sans incidence.

En second lieu, l’enfant Maxime étant, comme dit, déscolarisé, la condition d’urgence impliquant qu’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale soit prise dans un très bref délai doit être regardée comme satisfaite.

Il y a lieu, en conséquence de ce qui précède, d’enjoindre au recteur de l’académie de Nantes de placer auprès de l’enfant, dans les conditions fixées par la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de Maine-et-Loire, un accompagnant d’élèves en situation de handicap, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 800 euros (huit cents euros) au titre des frais exposés par Mme X et M. Y et non compris dans  les dépens.

SOURCE : ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes, 04 juin 2021, n° 2106010

 

 

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