Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

La règle de la décision préalable à un recours indemnitaire de plein contentieux s’applique-t-elle à une personne morale de droit privé qui n’est pas chargée d'une mission de service public ?

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NON : dans un avis en date du 27 avril 2021 (Communauté de communes du Centre Corse c/ Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL)), le Conseil d’Etat précise qu’ en l'absence de disposition déterminant les effets du silence gardé par une telle personne privée sur une demande qui lui a été adressée, les conclusions, relatives à une créance née de travaux publics, dirigées contre une telle personne privée ne sauraient être rejetées comme irrecevables faute de la décision préalable prévue par l'article R.421-1 du code de justice administrative.

Il résulte de la modification apportée à l'article R.421-1 du code de justice administrative (CJA) par le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 (dit JADE) que, depuis l'entrée en vigueur de ce décret le 1er janvier 2017, l'exigence résultant de cet article, tenant à la nécessité, pour saisir le juge administratif, de former recours dans les deux mois contre une décision préalable, est en principe applicable aux recours relatifs à une créance en matière de travaux publics.

Toutefois, si l'article R.421-1 n'exclut pas qu'il s'applique à des décisions prises par des personnes privées, dès lors que ces décisions revêtent un caractère administratif, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle générale de procédure ne détermine les effets du silence gardé sur une demande par une personne morale de droit privé qui n'est pas chargée d'une mission de service public administratif (SPA).

Dans ces conditions, en l'absence de disposition déterminant les effets du silence gardé par une telle personne privée sur une demande qui lui a été adressée, les conclusions, relatives à une créance née de travaux publics, dirigées contre une telle personne privée ne sauraient être rejetées comme irrecevables faute de la décision préalable prévue par l'article R.421-1 du code de justice administrative.

Il en résulte que le délai de recours prévu à l'article R.421-1 du code de justice administrative (CJA) n'est pas applicable à un recours, relatif à une créance née de travaux publics, dirigé contre une personne morale de droit privé qui n'est pas chargée d'une mission de service public administratif (SPA)

Par suite, il ne peut être opposé à l'auteur d'un tel recours aucun délai au-delà duquel il ne pourrait, devant la juridiction de première instance, régulariser sa requête au regard de l'article R. 411-1 du code de justice administrative (CJA) ou formuler des conclusions présentant le caractère d'une demande nouvelle car reposant sur une cause juridique distincte de celle invoquée dans sa requête.

SOURCE : Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 27/04/2021, 448467, Publié au recueil Lebon (Communauté de communes du Centre Corse c/ Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL)).

 

JURISPRUDENCE :

Sur les effets du silence gardé par une administration même en l'absence de texte, CE, 23 octobre 2017, M.,, n° 411260, T. pp. 432-696 :

« Aux termes de l'article 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d' autonomie de la Polynésie française, l'Etat reste compétent en Polynésie française en matière de procédure administrative contentieuse. L'article 7 de cette même loi organique prévoit que les dispositions relatives à la procédure administrative contentieuse sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière. En revanche, aucune disposition de l'article 14 ne réservant à l'Etat une compétence générale pour édicter les règles de procédure et de forme applicables aux actes administratifs, la Polynésie française est seule compétente pour définir les règles de procédure administrative non contentieuse dans les matières relevant de sa compétence. Les dispositions du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) qui définissent désormais les conséquences attachées au silence gardé par l'administration sur une demande, et notamment celles des articles L.231-1 et D. 231-2 de ce code, ne sont ainsi pas applicables aux matières relevant de la compétence de la Polynésie française. Alors même que l'Etat demeure compétent, y compris dans les domaines de compétence de la Polynésie française, pour assurer un accès au juge lorsque les dispositions réglementant une procédure administrative n'ont pas déterminé les conséquences à tirer du silence gardé par l'administration, afin de garantir le droit à un recours juridictionnel effectif, l'article R. 421-2 du code de justice administrative (CJA), dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1145 du 15 septembre 2015 applicable au litige, se borne à prévoir que : Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Or, la Polynésie française n'a pas, dans les matières relevant de sa compétence, déterminé les conséquences attachées au silence de l'administration saisie d'une demande. Il découle des exigences attachées au respect du droit constitutionnel au recours une règle générale de procédure selon laquelle, en l'absence de texte réglant les effets du silence gardé pendant plus de deux mois par l'administration sur une demande, un tel silence vaut décision de rejet susceptible de recours. »

En cas de recours contre une décision administrative, CE, 28 octobre 2009,,, n° 299252, T. pp. 885-909 :

« L'article R. 421-5 du code de justice administrative prévoit que les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. Cependant, la formation d'un recours juridictionnel tendant à l'annulation d'une décision administrative établit que l'auteur du recours a eu connaissance de cette décision au plus tard à la date à laquelle il a formé le recours. Dans ce cas, les moyens qui ne sont pas d'ordre public soulevés plus de deux mois après la date de saisine du tribunal et ressortissant d'une cause juridique différente de celle dont relevaient les moyens invoqués dans ce délai ont le caractère d'une prétention nouvelle tardivement présentée et, par suite, irrecevable. »

CE, Section, 20 février 1953, Société Intercopie, n° 9772, p. 88

« Considérant que la société Intercopie, dans sa requête sommaire et son mémoire ampliatif, s’est bornée à invoquer la prétendue irrégularité de la composition de la Commission nationale ; que si elle a contesté, dans son mémoire en réplique, la légalité de l’application qui lui a été faite des prescriptions de l’arrêté du 2 avril 1948, ces prétentions, fondées sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle ; que le mémoire en réplique dont s’agit a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 3 décembre 1951, c’est-à-dire après l’expiration du délai de recours contre la décision attaquée, laquelle a été notifiée à la société requérante le 26 juin 1950 ; que, dès lors, la demande nouvelle contenue dans ce mémoire a été présentée tardivement et n’est, par suite, pas recevable ;… (Rejet). »

CE, 10 octobre 1990, Ministre chargé des postes et télécommunications c/ Grandone, n° 97692, T. p. 915-916-944 :

« Requérant soutenant devant le tribunal administratif que la décision attaquée était intervenue sur une procédure irrégulière. Ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, avait été présenté plus de deux mois après l'expiration du délai de recours contentieux qui courait, en l'espèce, au plus tard à compter de la date de la saisine du tribunal, alors qu'aucun moyen de légalité externe n'avait été invoqué dans ce délai. Le moyen avait ainsi le caractère d'une prétention nouvelle tardivement présentée et était, par suite, irrecevable ».

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