OUI : dans un arrêt en date du 13 octobre 2017, le juge des référés du Conseil d’Etat rappelle que lorsqu'un requérant fonde son action sur la procédure particulière instituée par l'article L.521-2 du même code, il lui revient de justifier de circonstances caractérisant une situation d'urgence impliquant qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale soit prise à très bref délai. (48 heures).
En l’espèce, le fonctionnaire qui se borne à demander que soient rétablies les conditions de travail qui étaient les siennes en 2014 et que soit organisé à son bénéfice un concours interne d'ingénieur de recherche, ne justifie pas d'une situation d'urgence au sens de l'article L.521-2 du code de justice administrative. (Référé liberté)
Il est loisible à l'agent public qui estime être victime de harcèlement moral d'introduire une action indemnitaire à l'encontre de la personne publique qui l'emploie ou de demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation des décisions administratives dont il soutient qu'elles sont entachées d'illégalité, ainsi, le cas échéant, que leur suspension dans les conditions fixées par l'article L.521-1 du code de justice administrative (référé suspension) si l'exécution de ces décisions porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation.
Pour former une requête en référé liberté, il faut absolument que le fonctionnaire soit victime d’une situation de harcèlement justifiant que le juge des référés fasse usage de pouvoirs qu'il tient de l'article L.521-2 du code de justice administrative pour faire cesser à bref délai (48 heures) une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Voir en ce sens :
Conseil d'État, , 26/07/2016, 401699, Inédit au recueil Lebon (ville de Toulouse )
Le juge administratif des référés est très exigeant sur la condition d’urgence du référé liberté qui est beaucoup plus stricte que celle exigée pour un référé suspension.
De plus, le juge du référé liberté n’a pas la compétence pour prononcer l'annulation d'une décision administrative.
Voir en ce sens :
Conseil d'Etat, Ordonnance du juge des référés, du 24 janvier 2001, 229501, publié au recueil Lebon (Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis)
Aux termes de l'article L.521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».
En vertu de l'article L.522-3 du même code, le juge des référés peut rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire ni audience publique, lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondé.
Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Le droit de ne pas être soumis à un harcèlement moral constitue pour un agent une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L.521-2 du code de justice administrative. (référé liberté).
Voir en ce sens :
Conseil d'État, Juge des référés, 19/06/2014, 381061 (Commune du Castellet)
« Le droit de ne pas être soumis à un harcèlement moral constitue pour un fonctionnaire une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L.521-2 du code de justice administrative. »
En l’espèce, à partir de l'année 2004 les conditions de travail d’un agent de maîtrise « se sont dégradées ; que, notamment, il a été mis à l'écart de son équipe, et s'est vu privé de ses responsabilités d'encadrement et de l'utilisation des moyens affectés aux services techniques, sans que son aptitude professionnelle ait été mise en cause par la commune ou qu'une procédure disciplinaire ait été engagée à son encontre ; que la situation d'isolement et de désœuvrement dans laquelle a été placé M. A...a engendré chez lui un état dépressif et des perturbations dans sa vie personnelle ; qu'il a décidé de porter plainte en 2010 contre le maire du Castellet ; que, par un jugement rendu postérieurement à l'ordonnance attaquée, le tribunal de grande instance de Toulon a condamné le maire du Castellet pour harcèlement moral à l'encontre de M. A...et d'un autre agent de la commune, à un an de prison avec sursis, 3 ans d'interdiction d'activité de maire, 15 000 euros d'amende et à verser 40 000 euros à M. A...au titre du préjudice moral pour la période courant de janvier 2004 au 31 décembre 2010 ; que, les faits se poursuivant, M. A... a déposé une autre plainte ; qu'en dernier lieu, le maire du Castellet avait fait murer la fenêtre du bureau de M.A..., puis fait enlever les parpaings l'obstruant à la suite de la saisine par M. A... du juge des référés du tribunal administratif de Toulon le 19 mai 2014 ; qu'à la différence des autres agents techniques de la commune, il ne dispose ni des clés pour accéder aux véhicules de service, ni de celles du local à outils ; qu'au regard de ces circonstances particulières et de la gravité des conséquences en résultant pour M.A..., c'est à bon droit que le juge des référés de première instance a estimé, sans méconnaître le principe de la présomption d'innocence ni renverser la charge de la preuve, qu'il était porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale et que la condition particulière d'urgence requise par les dispositions de l'article L.521-2 du code de justice administrative, qui était remplie, lui permettait de faire usage des pouvoirs qu'il tient de ces dispositions.»
Conseil d'État, Juge des référés, 02/10/2015, 393766, Inédit au recueil Lebon
« Le maintien d'un agent public pendant une période de trois ans dans un emploi sans véritable contenu puis, pendant une année supplémentaire, en dépit de demandes répétées de nouvelle affectation de sa part, dans une situation dans laquelle plus aucune mission effective ne lui est confiée, suivi de propositions de postes ne correspondant ni à ses qualifications, ni à ses compétences, formulées dans le cadre d'un processus de transfert de services vers un EPCI ne concernant pas la direction dans laquelle cet agent est affecté caractérise, de la part de l'autorité municipale, des agissements constitutifs de harcèlement moral et une atteinte grave à la liberté fondamentale que constitue le droit, pour tout agent public, de ne pas y être soumis. »
En l’espèce, que M.B..., assistant ingénieur au sein du laboratoire de physique des interactions ioniques et moléculaires de l'université d'Aix-Marseille, soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral depuis 2014.
Il invoque, à ce titre, une dégradation de ses conditions de travail et une interruption de son évolution de carrière, marquées notamment par des refus répétés de son employeur de reconnaître la réalité de ses mérites professionnels, son absence d'avancement, la perte de données contenues dans son matériel informatique ainsi que de ses notations annuelles sur la période 2004-2009, le refus de sa hiérarchie de satisfaire des commandes de matériels qui lui étaient nécessaires et le retrait des responsabilités qui étaient les siennes au sein du laboratoire.
Il souligne que le comportement de son administration a provoqué une importante dégradation de son état de santé en 2015.
Il est loisible à l'agent public qui estime être victime de harcèlement moral d'introduire une action indemnitaire à l'encontre de la personne publique qui l'emploie ou de demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation des décisions administratives dont il soutient qu'elles sont entachées d'illégalité, ainsi, le cas échéant, que leur suspension dans les conditions fixées par l'article L.521-1 du code de justice administrative si l'exécution de ces décisions porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à sa situation.
Toutefois, lorsqu'un requérant fonde son action sur la procédure particulière instituée par l'article L.521-2 du même code, il lui revient de justifier de circonstances caractérisant une situation d'urgence impliquant qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale soit prise à très bref délai.
M.B..., qui se borne à demander que soient rétablies les conditions de travail qui étaient les siennes en 2014 et que soit organisé à son bénéfice un concours interne d'ingénieur de recherche, ne justifie pas d'une situation d'urgence au sens de l'article L.521-2 du code de justice administrative.
Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de M. B...ne peut être accueilli.
Sa requête doit, en conséquence, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L.522-3 de ce code.
SOURCE : Conseil d'État, , 13/10/2017, 414811, Inédit au recueil Lebon (Université d'Aix-Marseille)