Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Le fonctionnaire qui refuse de communiquer avec certains collègues et ses responsables hiérarchiques peut-il être sanctionné ?

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OUI : dans un arrêt en date du 17 mars 2021, la Cour administrative d’appel de Paris a estimé que ces faits, qui caractérisent un manquement à ses obligations de respect de sa hiérarchie et de ses collègues de travail, étaient de nature à justifier le prononcé, à son encontre, de la sanction du blâme, deuxième sanction du premier groupe.

M. B..., adjoint technique principal de 2ème classe, spécialité maintenance des bâtiments, affecté à la section locale d'architecture des 5ème et 13ème arrondissements de la direction du patrimoine et de l'architecture de la Ville de Paris depuis le 22 septembre 2014, s'est vu infliger la sanction disciplinaire du blâme par un arrêté du maire de Paris du 29 juin 2017. Par un jugement n° 1713897/2-1 du 25 juin 2019, dont il relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Il ressort des pièces du dossier et notamment des rapports des 30 mai et 22 décembre 2016, que dès le mois de juillet 2015, M. B... a cessé de communiquer avec certains de ses collègues et de ses responsables hiérarchiques, a refusé de se soumettre aux directives des agents de maîtrise, de leur remettre ses feuilles de travail à l'issue de ses interventions et de travailler en équipe.

Si, contrairement à ce que fait valoir la Ville de Paris, les griefs tirés d'un comportement mutique et du non-respect des règles d'hygiène, au motif que M. B... avait déplacé dans le couloir son placard, après s'être emporté contre des agents qui laissaient la porte du vestiaire délibérément ouverte, ne peuvent être regardés, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme traduisant de sa part une volonté de s'affranchir des obligations s'imposant à lui, il ressort du dossier que M. B... a refusé de travailler en binôme et de déposer ses fiches horaires aux agents de maîtrise et qu'il quittait le service par l'issue de secours, sans prévenir de son départ, ce qui obligeait le personnel de maîtrise à faire plusieurs fois le tour des locaux pour vérifier qu'il était parti et que les issues étaient bien fermées.

Il suit de là que le grief tiré de son insubordination hiérarchique est matériellement établi. Il en va de même du grief tiré de son comportement inapproprié envers la gardienne de l'école sise 64 rue Dunois, qui a signalé son comportement à son supérieur hiérarchique.

En se bornant à soutenir que les faits dont il lui est fait grief résultent de " simples affirmations " qui ne sont corroborées par aucun courriel ni témoignage, M. B..., qui n'a d'ailleurs produit aucune pièce à l'appui de ses allégations, ne peut être regardé comme critiquant efficacement la matérialité des faits qui lui sont reprochés.

La circonstance, par ailleurs, que sa hiérarchie ne l'ait pas mis en demeure de modifier son comportement n'est pas davantage de nature à contredire la réalité de ces faits, alors d'une part, que M. B... ne conteste pas avoir été reçu en entretien en 2015 et 2016, entretiens au cours desquels il lui a été demandé de modifier son comportement, et d'autre part que ses compte-rendus d'entretiens professionnels des années 2015 et 2016 lui fixaient pour objectifs de " changer d'attitude au risque que son travail soit remis en cause ".

M. B... ne peut davantage se prévaloir des appréciations positives de sa hiérarchie sur la qualité de son travail d'électricien, lesquelles ne se rapportent pas à son comportement et à sa volonté de s'intégrer dans son environnement professionnel.

D'autre part, M. B... soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas de nature à justifier une sanction disciplinaire.

Si M. B... fait valoir qu'il est victime de harcèlement moral et qu'il a porté plainte, à deux reprises, les 5 août 2017 et 15 mai 2018, il ne soumet à la Cour, pas plus qu'il ne l'avait fait devant le tribunal, aucun élément de fait susceptible de faire présumer un harcèlement moral.

Il ressort, au contraire, d'une part, du compte-rendu de l'entretien individuel mené le 6 août 2015, qu'il a indiqué avoir adopté un comportement mutique " au vu du manque de respect qu'il lui avait été porté " en ce qui concerne une demande de congés, et d'autre part, du rapport du 30 mai 2016 que " M. B... a souvent mal perçu certains propos qui lui auraient été adressés ou certaines conversations auxquelles il ne prenait pas part directement et que son extrême susceptibilité l'a conduit à se fermer à toute discussion ", ce que l'intéressé ne conteste pas sérieusement.

Si le requérant se prévaut d'un état de souffrance, il ne produit aucun certificat médical en attestant, alors que le médecin du service de médecine préventive, qu'il a consulté le 18 janvier 2016 à la demande de sa hiérarchie, n'a conclu à aucun aménagement de poste.

Il suit de là que les conditions dans lesquelles M. B... a ressenti la nature de ses relations avec sa hiérarchie et ses collègues ne suffisent pas à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Au surplus, et ainsi que l'a relevé le tribunal, il ressort des fiches d'entretien professionnel annuel des années 2015 et 2016 et de l'entretien individuel du 6 août 2015, que ses collègues et sa hiérarchie ont tenté à plusieurs reprises de communiquer avec lui en dépit de son attitude et qu'un accompagnement social lui a été proposé en février et juin 2016, qu'il a refusé.

Par ailleurs, et contrairement à ce que semble soutenir M. B..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été sanctionné au motif qu'il était fragile mais seulement au motif qu'il avait manqué à plusieurs reprises à ses obligations professionnelles.

Il suit de là, contrairement à ce que fait valoir M. B..., et nonobstant les motifs qu'il invoque pour tenter d'expliquer son comportement, que ces faits, qui caractérisent un manquement à ses obligations de respect de sa hiérarchie et de ses collègues de travail, étaient de nature à justifier le prononcé, à son encontre, de la sanction du blâme, deuxième sanction du premier groupe.

SOURCE : CAA de PARIS, 2ème chambre, 17/03/2021, 19PA02762, Inédit au recueil Lebon - Légifrance (legifrance.gouv.fr)

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