Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Quelles sont les règles de prescriptions opposables en cas de demande de remboursement d’un indu de rémunération à un agent public ?

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EN BREF : le délai de prescription d'un indu de rémunération d'un agent public est en règle générale de deux ans. Le délai de prescription d'un indu de rémunération peut être porté à cinq ans lorsque l’agent public a omis d’informer l'administration de la modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, ou a transmis des informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. Le délai de prescription d'un indu de rémunération ne court pas si l’agent public transmet de fausses informations lui permettant d’obtenir un avantage financier indu. Le comptable public dispose dans tous les cas d’un délai de quatre années à partir de la date de l’envoi du titre de perception exécutoire au redevable pour en assurer le recouvrement forcé.

I - Les différents délais de prescriptions dits d’« assiette »

11 - Le délai de prescription d'un indu de rémunération est en règle générale de deux ans.

L’article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 11 a porté à deux ans, à compter du 30 décembre 2011, le délai de prescription des créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents.

Les créances de l’Etat sur les agents publics sont donc répétées dans un délai de deux ans, que les paiements indus résultent d’une erreur de liquidation ou d’une décision créatrice de droits ;

- ce délai part à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné ;

- les indus de rémunération se caractérisant, le plus souvent, par le fait qu’ils se répètent pendant plusieurs mois, chaque paiement erroné constitue un nouveau point de départ de la prescription d’assiette (délai glissant).

La date à retenir pour apprécier le point de départ du délai de prescription est, non pas la date d’effet du changement dans la situation à l’origine de l’indu, mais la date du paiement erroné.

Exemple :

Créance indue sur la rémunération de janvier 2018

Date du paiement erroné → 30/06/18 (30/M/N) (rappel erroné)

Point de départ du délai → 1/07/18 (01/M+1/N)

Fin du délai de prescription → 31/06/20

Date de prescription = extinction de la créance à compter du 01/07/20

Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 31/03/2017, 405797, Publié au recueil Lebon

« Il résulte de l'article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Dans les deux hypothèses mentionnées au deuxième alinéa de l'article 37-1 (paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale), la somme peut être répétée dans le délai de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil (C. Civ.). Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. a) En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. b) Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration. »

12 - Le délai de prescription d'un indu de rémunération peut être porté à cinq ans lorsque l’agent public a omis d’informer l'administration de la modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, ou a transmis des informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale.

CAA de BORDEAUX, 6ème chambre (formation à 3), 19/11/2018, 16BX03822, Inédit au recueil Lebon

« Le ministre de l'intérieur a entendu exécuter l'arrêt de la cour du 28 août 2009 en versant au fonctionnaire les rémunérations dont il avait été privé entre le 26 juillet 2006 et le 28 août 2009 à la suite d'un arrêté du 26 juillet 2006... ,,Le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt de la cour, et réglant l'affaire au fond, a confirmé la légalité de l'arrêté ministériel du 26 juillet 2006.,,,Le ministre de l'intérieur a entendu obtenir le reversement des rémunérations indûment versées à M. C=== en exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 28 août 2009, par l'émission de deux titres de perception le 27 février 2014 portant sur des sommes de 30 764,0 euros et 50 993,53 euros.L'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 dispose que : « Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. » . Cette prescription biennale constitue une règle spéciale au regard de la prescription décennale de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, qui dispose que « l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans », cet article L. 111-3 énonçant que les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, lorsqu'elles ont force exécutoire constituent des titres exécutoires.,,,En vertu de la règle selon laquelle la règle spéciale doit toujours prévaloir sur la règle générale plus ancienne, la prescription biennale issue de la loi du 28 décembre 2011 prévaut sur la prescription générale résultant du code des procédures civiles d'exécution. »

L’article 2219 du code civil définit la prescription extinctive comme « un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps ». Elle a donc pour effet d’éteindre la dette du débiteur, le créancier ne pouvant plus lui en réclamer le versement.

L’article 2224 du code civil dispose que : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Il en résulte alors, qu’en l’absence de texte contraire, les actions en répétition de l’indu en ce qui concerne les créances résultant de paiements effectués à tort par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents sont soumises à la prescription de droit commun du code civil, en l’occurrence la prescription quinquennale.

Ce principe a d’ailleurs été reconnu par le Conseil d’Etat :

Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 12/03/2010, 309118

« Il résulte des articles 2227 et 2277 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, que la prescription quinquennale prévue à l'article 2277 s'applique à toutes les actions relatives aux rémunérations des agents publics, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'une action en paiement ou en restitution de ce paiement. Par conséquent, elle s'applique, notamment, aux actions en répétition de l'indu exercées par les communes contre les agents publics à raison de rémunérations versées en l'absence de service fait. »

Point de départ du délai franc de prescription quinquennale

La prescription court à partir du 1er jour du moins suivant la date du paiement erroné qui n’est pas forcément la date du mois de rattachement de la créance.

Exemple :

Créance sur la rémunération de janvier 2014

Date du paiement erroné → 30/01/14 (30/M/N)

Point de départ du délai → 1/02/14 (01/M+1/N)

Fin du délai de prescription → 31/01/19

Date de prescription = extinction de la créance à compter du 01/02/19

13 - Le délai de prescription d'un indu de rémunération ne court pas si l’agent public transmet de fausses informations lui permettant d’obtenir un avantage financier indu.

Il n’y a pas de délai de prescription puisque les décisions obtenues par fraude établie dans le respect de la procédure contradictoire, peuvent être retirées à tout moment et qu’il incombe à l’administration d’en tirer toutes les conséquences légales.

Voir en ce sens : Conseil d'Etat, Section du Contentieux, du 29 novembre 2002, 223027, publié au recueil Lebon

« Un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits. L'autorité compétente pour le prendre peut en conséquence le retirer ou l'abroger alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Il incombe toutefois à l'ensemble des autorités administratives de tirer les conséquences légales de cet acte aussi longtemps qu'il n'y a pas été mis fin. Une cour administrative d'appel ne commet donc pas d'erreur de droit en jugeant qu'une autorité administrative ne peut utilement se prévaloir d'une éventuelle fraude entachant la nomination d'un agent pour lui refuser le bénéfice de congés de longue durée. »

SOURCE : Circulaire du 11 avril 2013 relative au délai de la prescription extinctive concernant les créances résultant de paiements indus effectués par les services de l’Etat en matière de rémunération de leurs agents

ATTENTION : lorsque c’est l’employeur public qui est débiteur à l’égard de son agent lorsque celui-ci n’a pas perçu une somme ou toutes les sommes qu’il aurait dû percevoir, c’est la prescription quadriennale qui s’appliquera.

 Loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics

Les sommes dues par l’employeur public sont prescrites si elles n’ont pas été payées dans un délai de 4 ans décompté à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.

II - La prescription spéciale 4 ans de l'action en recouvrement du titre de perception.

Le comptable public dispose d’un délai de quatre années à partir de la date de l’envoi du titre de perception exécutoire à l'agent public pour en assurer le recouvrement forcé.

L’article L.274 du livre des procédures fiscales dispose que : « Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable.

Le délai de prescription de l'action en recouvrement prévu au premier alinéa est augmenté de deux années pour les redevables établis dans un Etat non membre de l'Union européenne avec lequel la France ne dispose d'aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures. »

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