Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

L’administration doit-elle proposer au fonctionnaire inapte à l’exercice de ses fonctions un emploi compatible avec son état de santé ou à défaut l’inviter à présenter une demande de reclassement ?

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OUI : dans un arrêt en date du 22/09/2020, la Cour administrative d’appel de Versailles a rappelé que lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par cet agent ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé.

Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps.

Il n'en va autrement que si l'état de santé du fonctionnaire le rend totalement inapte à l'exercice de toute fonction.

Mme A... B..., agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) de première classe de la commune de Bagnolet, relève appel du jugement du 13 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2016 du maire de Bagnolet prononçant sa radiation des cadres en vue de son admission à la retraite pour invalidité à compter du 1er juin 2016.

Aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : «  Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ».

Aux termes de l'article 1er du décret du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions : «  Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade après avis de la commission administrative paritaire (...) ».

Enfin aux termes de l'article 2 de ce même décret : « Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. »

Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par cet agent ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé.

Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. Il n'en va autrement que si l'état de santé du fonctionnaire le rend totalement inapte à l'exercice de toute fonction.

Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été placée en disponibilité d'office à l'expiration de ses droits statutaires à congés de maladie, à compter du 21 octobre 2010, renouvelée pendant une durée de trois ans, puis a été reconnue définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions par deux avis rendus par le comité médical départemental les 18 décembre 2012 et 3 décembre 2013 ainsi que par un avis de la commission de réforme interdépartementale en date du 8 septembre 2014.

Il appartenait alors à la commune de Bagnolet de mettre l'intéressée à même de présenter une demande de reclassement.

La commune n'établit, ni même n'allègue, avoir invité la requérante à présenter une demande de reclassement avant de prononcer, par l'arrêté contesté du 14 juin 2016, sa radiation des cadres en vue de son admission à la retraite pour invalidité, alors même que ni les avis du comité médical départemental et de la commission de réforme interdépartementale, ni aucune pièce du dossier, notamment les certificats médicaux produits, n'établissent que l'état de santé de l'intéressée la rend définitivement inapte à tout reclassement sur un autre poste.

Dès lors, Mme B... est fondée à soutenir que l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité.

Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2016 par lequel le maire de Bagnolet l'a radiée des cadres en vue de son admission à la retraite pour invalidité.

Sur les conclusions à fin d'injonction :
Aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ».

L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la commune de Bagnolet soit invite la requérante à solliciter une affectation dans un autre emploi de son grade, soit lui propose une préparation au reclassement, soit l'invite à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois.

Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

SOURCE : CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 22/09/2020, 17VE03318, Inédit au recueil Lebon

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