Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Le seul écart de 45% sur le critère prix entre les deux offres suffit-il à caractériser le caractère anormalement bas de l'offre ?

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NON : le seul écart de 45% sur le critère prix entre les deux offres en vue de l’attribution d’un marché public ne suffit pas à caractériser le caractère anormalement bas de l'offre de l'attributaire.

Le 20 mai 2015, le syndicat mixte de traitement des déchets des microrégions sud et ouest de La Réunion (SMTD) dénommé " ILEVA " a lancé un avis d'appel public à la concurrence en vue de la conclusion d'un marché de prestations régulières de gardiennage en continu de la plate-forme de la Plaine des Cafres, dans le cadre de la procédure d'appel d'offres ouvert prévue par les articles 26-1 I°, 33, 57 à 59 du code des marchés publics.

La société Idea sécurité s'est portée candidate et a été informée par un courrier du 10 août 2015 du rejet de son offre, classée en 9ème position.

 Le marché a ensuite été conclu avec la société Ouest surveillance sécurité privée (SOSP), par contrat du 26 août 2015 dont l'avis d'attribution a été publié le 14 septembre 2015 dans les petites annonces du journal Le Quotidien de La Réunion.

La société Idea sécurité a alors saisi le Tribunal administratif de la Réunion d'une demande tendant à l'annulation de ce marché. Elle relève appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande.

Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public.

Il résulte des dispositions citées ci-dessus que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé et, si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et susceptible de rendre difficile l'exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre.

En l'espèce, le règlement de la consultation prévoit, en son article 6.2, que la sélection des offres intervient par application, d'une part, d'un critère de valeur économique pris en compte pour 70 % et apprécié selon le montant indiqué dans l'acte d'engagement, et d'autre part, d'un critère de valeur technique pondéré à 30 % et apprécié sur la base du mémoire technique.

Il résulte de l'instruction que la société Idea sécurité et la SOSP ont obtenu la même note de 30/30 sur le critère de la valeur technique les classant en première position ex aequo sur ce critère, mais que la société Idea sécurité a obtenu une note de 38,42/70 sur le critère de la valeur économique la classant en 11ème position alors que la SOSP a obtenu la note maximale de 70/70.

La société Idea sécurité fait grief au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir rejeté l'offre de la SOSP qu'elle estime anormalement basse, dans la mesure où cette offre est près de deux fois moins chère que la sienne, où elle inférieure de 15% au montant estimé par le pouvoir adjudicateur, et où elle est également inférieure aux prix pratiqués dans le secteur ce qui ne peut résulter que de bas coûts salariaux.

Toutefois, le seul écart de 45% sur le critère prix entre les deux offres ne suffit pas à caractériser le caractère anormalement bas de l'offre de l'attributaire. Si le pouvoir adjudicateur a estimé le montant annuel prévisible du marché à 100 000 euros HT, cette estimation n'était qu'indicative.

D'ailleurs, le précédent titulaire du marché, la société Gardiennage privé du sud (GPS), facturait un montant mensuel de 7 628,81 euros HT, correspondant à un montant annuel de 91 545,72 euros HT également inférieur à l'estimation du SMTD " ILEVA ".

Ainsi, en proposant une offre d'un montant mensuel de 7 081,11 euros HT, soit un montant annuel de 84 973,32 euros HT, la SOSP ne se démarque que très peu de ce qui était pratiqué jusqu'alors.

En outre, il résulte de l'instruction que la SOSP emploie moins de 11 salariés, ce qui lui permet de bénéficier d'exonérations substantielles de cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales au titre de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

Or, le SMTD " ILEVA " justifie que le prix proposé par la SOSP correspond pour 75 % au coût de la production (masse salariale), pour 11 % aux charges patronales, pour 10 % aux congés payés et pour 4 % aux bénéfices de la société attributaire.

Enfin, le SMTD " ILEVA " justifie que le marché litigieux a été entièrement exécuté du 1er septembre 2015 jusqu'à son terme le 31 août 2017 sans que la SOSP ne rencontre de difficultés financières en dépit de la hausse des coûts sociaux.

Dans ces conditions, le prix proposé par la SOSP n'apparaît pas en lui-même manifestement sous-évalué et susceptible de compromettre la bonne exécution du marché.

Par suite, le SMTD " ILEVA " n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne rejetant pas l'offre de la SOSP comme étant anormalement basse.

SOURCE : CAA de PARIS, 6ème chambre, 20/10/2020, 18PA20001, Inédit au recueil Lebon

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