Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Un rappel à la loi permet-il de prolonger la durée de suspension d’un fonctionnaire ?

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NON : le rappel à la loi dont un fonctionnaire fait l'objet, qui constitue une alternative aux poursuites pénales, ne peut être assimilé à la mise en œuvre de l'action publique permettant de prolonger au-delà de quatre mois la mesure de suspension.

Au terme de  l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa version alors applicable : « En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. (...) Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. »

Le fonctionnaire est regardé comme faisant l'objet de poursuites pénales au sens de ces dispositions uniquement dans les cas où l'action publique est mise en œuvre à son encontre.

Contrairement à ce qui est soutenu par la commune appelante, le rappel à la loi dont Mme G... a fait l'objet le 9 septembre 2014, qui constitue une alternative aux poursuites pénales, ne peut être assimilé à la mise en œuvre de l'action publique.

Ainsi, et dès lors que l'intéressée n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale au sens des dispositions législatives rappelées au point précédent, la commune appelante, qui ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle n'a été informée du classement de la procédure par le procureur de la République que le 2 novembre 2015, n'est pas fondée à soutenir que son maire n'a commis aucune faute en ne rétablissant Mme G... dans ses fonctions que le 1er août 2016, soit bien après l'expiration du délai de quatre mois prévu par les dispositions citées ci-dessus de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983.

En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre.

Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité.

Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions.

Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

Du seul fait de la mesure de suspension du 5 mai 2014, Mme G... a été privée d'une chance sérieuse de percevoir la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et la prime de responsabilité, dont elle a été irrégulièrement privée à compter de la date à laquelle elle aurait dû être rétablie dans ses fonctions.

Compte-tenu du montant mensuel cumulé de ces compléments de rémunération, soit 370 euros, et de la durée de la période au cours de laquelle Mme G... a été irrégulièrement évincée du service, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation excessive du préjudice financier qui en résulté en le fixant à la somme de 8 600 euros.

Il résulte de l'instruction que Mme G... a subi un préjudice moral, résultant de l'impossibilité de reprendre son poste et de l'incertitude dans laquelle elle est demeurée compte-tenu de la prolongation illégale de sa mesure de suspension, que les premiers juges ont justement indemnisé en lui allouant à ce titre une somme de 3 000 euros.

Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Nîmes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser à Mme G... la somme de 11 600 euros.

SOURCE : CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 22/07/2020, 19MA02017, Inédit au recueil Lebon

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