NON : dans un arrêt en date du 21 octobre 2019, le Conseil d’Etat précise que dès lors que la part du déficit d'exploitation qui était directement imputable à des circonstances imprévisibles et extérieures ne suffisait pas à caractériser un bouleversement de l'économie du contrat, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que la société n'était pas fondée à solliciter le versement d'une indemnité d'imprévision.
Une indemnité d'imprévision suppose un déficit d'exploitation qui soit la conséquence directe d'un évènement imprévisible, indépendant de l'action du cocontractant de l'administration, et ayant entraîné un bouleversement de l'économie du contrat.
Le concessionnaire est alors en droit de réclamer au concédant une indemnité représentant la part de la charge extracontractuelle que l'interprétation raisonnable du contrat permet de lui faire supporter.
Cette indemnité est calculée en tenant compte, le cas échéant, des autres facteurs qui ont contribué au bouleversement de l'économie du contrat, l'indemnité d'imprévision ne pouvant venir qu'en compensation de la part de déficit liée aux circonstances imprévisibles.
En l’espèce, une société chargée de la gestion d'un service de desserte maritime réclamait une indemnité d'imprévision.
La Cour administrative d'appel avait relevé que la diminution du fret de 16 % par rapport aux prévisions de trafic réalisées lors de l'élaboration du contrat n'est pas principalement à l'origine des déficits d'exploitation dont la société requérante faisait état, lesquels devaient être regardés comme étant largement la conséquence de l'état de fragilité financière initiale de la société, qui n'était ni imprévisible ni extérieur à l'action du cocontractant, et des conditions dans lesquelles avaient été définis les termes de la délégation, qui n'étaient pas davantage imprévisibles.
Dès lors que la part du déficit d'exploitation qui était directement imputable à des circonstances imprévisibles et extérieures ne suffisait pas à caractériser un bouleversement de l'économie du contrat, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que la société n'était pas fondée à solliciter le versement d'une indemnité d'imprévision.
SOURCE : Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 21/10/2019, 419155
JURISPRUDENCE :
Conseil d'Etat, du 30 mars 1916, 59928, publié au recueil Lebon (Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux)
« En principe, le contrat de concession règle, d'une façon définitive, jusqu'à son expiration les obligations respectives du concessionnaire et du concédant, le concessionnaire est tenu d'exécuter le service prévu dans les conditions précisées au traité et se trouve rémunéré par la perception sur les usagers des taxes qui y sont stipulées et la variation du prix des matières premières à raison des circonstances économiques constitue un aléa du marché, qui peut, suivant le cas, être favorable ou défavorable au concessionnaire et demeure à ses risques et périls, chaque partie étant réputée avoir tenu compte de cet aléa dans les calculs et prévisions qu'elle a faits avant de s'engager. Toutefois, la hausse survenue au cours de la guerre de 1914, dans le prix du charbon, matière première de la fabrication du gaz, par suite de l'occupation par l'ennemi de la plus grande partie des régions productrices de charbon dans l'Europe continentale et de la difficulté de plus en plus considérable des transports par mer, a atteint une proportion telle que non seulement elle a un caractère exceptionnel dans le sens habituellement donné à ce terme, mais qu'elle entraîne dans le coût de la fabrication du gaz une augmentation qui, dans une mesure déjouant tous les calculs, dépasse certainement les limites extrêmes des majorations ayant pu être envisagées par les parties lors de la passation du contrat de concession. En conséquence, l'économie du contrat se trouve bouleversée et le concessionnaire de l'éclairage au gaz d'une ville est fondé à soutenir qu'il ne peut être tenu d'assurer aux seules conditions prévues à l'origine le fonctionnement du service, tant que durera la situation anormale ci-dessus indiquée. Le concessionnaire est tenu d'assurer le service concédé, avec tous ses moyens de production, mais le concédant doit lui venir en aide. Le concessionnaire ne peut d'ailleurs prétendre que le marché ayant prévu un certain prix pour la tonne de charbon, qui aurait correspondu au prix maximum du gaz fixé au contrat, toute augmentation du prix du charbon au-delà de celui indiqué au marché doit être mise exclusivement à la charge du concédant ; elle doit supporter au cours de cette période transitoire, résultant des circonstances indiquées, la part des conséquences onéreuses de la situation de force majeure ci-dessus rappelée, que l'interprétation raisonnable du contrat permet de mettre à sa charge. Dans ces conditions, il y a lieu de renvoyer les parties devant le conseil de préfecture, auquel il appartiendra, si elles ne se mettent point d'accord sur les conditions spéciales dans lesquelles le concessionnaire pourra continuer le service, de déterminer, en tenant compte de tous les faits de la cause, le montant de l'indemnité à laquelle le concessionnaire a droit à raison des circonstances extracontractuelles dans lesquelles il aura à assurer le service pendant la période envisagée. »