Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Un appel du supérieur indiquant à une candidate enceinte absente à l’entretien que de toute façon elle n’aurait pas été recrutée du fait de sa grossesse suffit-il à laisser présumer une discrimination ?

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NON : dans un arrêt en date du 23 juillet 2019, la Cour administrative d’appel de Nancy, après avoir rappelé que les articles L.1225-1 à L.1225-5 du code du travail qui protègent les femmes enceintes ou des articles L.1132-1 et L.1142-1 de ce code, qui prohibent toute discrimination, notamment en raison de l'état de grossesse n’étaient pas  applicables aux agents contractuels publics, considère qu’il ne ressort nullement de la retranscription de l'appel litigieux du supérieur ( « c'est pas trop important, puisqu'il en résulte qu'il t'aurait pas pris sur un poste à temps complet puisque tu es enceinte ») ou d'une autre pièce du dossier que le directeur membre du jury, dont il n'est pas établi qu'il avait connaissance de l'état de grossesse de la candidate, aurait tenu des propos similaires à ceux prononcés par le supérieur direct de l’agente enceinte. Ce dernier n'était de plus pas membre du jury et a été sanctionné pour ses propos. La requérante n'apporte aucun autre élément de nature à faire présumer qu'elle aurait été victime de discrimination en raison de son état de grossesse. En outre, si Mme A...avait déjà travaillé en qualité de contractuelle pour la communauté urbaine du Grand Nancy, elle ne bénéficiait pas, pour ce motif, d'un droit de priorité par rapport au cinq autres candidats.

Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 : «  Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ».

Aux termes de l'article 2 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : « (...) 3° Toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité. Ce principe ne fait pas obstacle aux mesures prises en faveur des femmes pour ces mêmes motifs (...) ».

Aux termes de l'article 4 de cette même loi : « Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ».

En l’espèce, six personnes se sont portées candidates aux postes de maîtres-nageurs proposés par la communauté urbaine du Grand Nancy. Mme A...a été convoquée à un entretien avec le jury chargé d'examiner ces six candidatures le 17 novembre 2014 à 9 heures 40.

Il est constant que ledit à jour à 9 heures 27, soit quelques minutes avant cet entretien, elle a reçu un appel téléphonique de son supérieur hiérarchique direct lui demandant de confirmer sa présence à ce rendez-vous et concluant en indiquant, ainsi que cela ressort d'un constat d'huissier, « c'est pas trop important, puisqu'il en résulte qu'il t'aurait pas pris sur un poste à temps complet puisque tu es enceinte ».

Il ressort des pièces du dossier que Mme A...n'avait pas confirmé sa présence à cet entretien et que le directeur du service des sports, par ailleurs membre du jury de recrutement, avait contacté le supérieur hiérarchique direct de l'intéressée pour savoir si elle serait bien présente.

En revanche, il ne ressort nullement de la retranscription de l'appel litigieux ou d'une autre pièce du dossier que ce directeur, dont il n'est pas établi qu'il avait connaissance de l'état de grossesse de Mme A..., aurait tenu des propos similaires à ceux prononcés par le supérieur direct de Mme A....

Ce dernier n'était de plus pas membre du jury et a été sanctionné pour ses propos. Mme A... n'apporte aucun autre élément de nature à faire présumer qu'elle aurait été victime de discrimination en raison de son état de grossesse.

En outre, si Mme A...avait déjà travaillé en qualité de contractuelle pour la communauté urbaine du Grand Nancy, elle ne bénéficiait pas, pour ce motif, d'un droit de priorité par rapport au cinq autres candidats.

Il ressort au demeurant des pièces du dossier et notamment des fiches établies par la communauté urbaine du Grand Nancy lors du recrutement pour chaque candidat, que deux de ces candidats se trouvaient également dans cette situation.

Enfin, il ressort des fiches des six candidats et notamment des quatre retenus que ces derniers remplissaient la condition de diplôme requise et justifiaient tant d'une expérience en la matière que de nombreux « points forts ».

Aucun « point faible » n'est indiqué dans la rubrique « analyse » s'agissant de ces candidats, alors que le jury a relevé à propos de Mme A..., un manque de dynamisme et un manque d'aisance relationnelle.

Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... aurait fait l'objet d'une discrimination en raison de son état de grossesse.

Le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été prise en méconnaissance des dispositions législatives précitées doit ainsi être écarté.

En second lieu, Mme A...ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles L.1225-1 à L.1225-5 du code du travail qui protègent les femmes enceintes ou des articles L.1132-1 et L.1142-1 de ce code, qui prohibent toute discrimination, notamment en raison de l'état de grossesse, ces dispositions n'étant pas applicables en l'espèce.

Mme A... n'est ainsi pas fondée à solliciter l'annulation de la décision litigieuse du 22 décembre 2014.

L'illégalité de cette décision n'étant pas établie, les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... ne peuvent pas davantage être accueillies.

Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.

Ses conclusions tendant au remboursement des dépens et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

 

SOURCE : CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 23/07/2019, 17NC01126, Inédit au recueil Lebon

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