Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Le critère « valeur technique » d’un marché public de formation peut-il représenter 90% de la note globale ?

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NON : dans un arrêt en date du 29 mars 2019, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé que la pondération particulièrement disproportionnée des deux critères (valeur technique 90 % et prix  10 %) n’était pas justifiée au regard de l’objet du marché et neutralisait effectivement le critère financier, de sorte que les offres ne pouvaient être différenciées de manière significative qu’au regard de leur valeur technique. Dès lors, une telle pondération des critères est de nature à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie pour chaque lot. Ainsi, et alors même que le marché était fractionné à bons de commandes avec un maximum annuel de 10 000 euros TTC par lot, le ministre de la défense doit être regardé comme ayant, pour les lots de formation «  achats publics » en litige, méconnu les règles de la concurrence et le principe d'égalité entre les candidats.

Le ministère de la défense a lancé, le 6 février 2014, par avis d'appel public à la concurrence publié le 11 février 2014 sur le site internet « plateforme des marchés publics de l'Etat », selon la procédure adaptée prévue par les articles 28 et 30 du code des marchés publics, un marché à bons de commande, reconductible sur trois ans, en vue de la réalisation de prestations de formation au profit du personnel militaire et civil du service du commissariat des armées (SCA) et des commissaires affectés hors SCA, scindé en quatorze lots, d'un montant maximum de 10 000 euros par lot, destinées aux sept plateformes géographiques du SCA (Saint-Germain-en-Laye, Metz, Lyon, Toulon, Bordeaux, Rennes, Brest), les lots impairs correspondant aux formations « achats publics » envisagées pour chacune de ces plateformes et les lots pairs aux formations «  finances ».

Le groupement constitué de la société Erics associés et de la société Altaris a présenté sa candidature et son offre pour l'attribution de l'ensemble des sept lots impairs «  formations achats »" du marché.

Après négociation, ces sociétés ont obtenu une note technique pondérée de 76,50 points sur 90 et une note financière de 9,94 points sur 10.

Leur offre a été rejetée pour chacun des lots par décisions du pouvoir adjudicateur notifiées le 14 mai 2014, le ministre de la défense ayant attribué l'intégralité de ces lots à la société ACP Formation qui a obtenu 85,50 points au titre de la valeur technique et 7,90 points au titre de la valeur financière.

La société Erics et Associés et la société Altaris relèvent appel du jugement du 20 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 218 400 euros en réparation du préjudice causé par leur éviction, qu'elles estiment irrégulière, du marché à bons de commande conclu le 24 juin 2014 entre le ministre de la défense et la société AFC Formation.

Le règlement de la consultation prévoyait que les offres devaient être appréciées, d'une part, au regard d'un critère de valeur technique noté sur 100 points, représentant 90 % de la note totale, et comprenant les sous-critères suivants : « Clarté, précision et facilité d'exploitation du dossier technique » (15 points), «  Qualité du support de cours remis à l'apprenant » (20 points), « Qualifications et expériences des intervenants » (35 points), «  Nombre d'intervenants » (15 points), comportant l'obligation de « préciser le nombre d'intervenants susceptibles de couvrir trois sessions en simultané pour les formations achats », «  Lieux de formations en inter-entreprises et seuil de rentabilité » (10 points) et «  Moyens matériels et pédagogiques » (5 points), d'autre part, selon un «  critère financier » noté sur 10 points et représentant 10 % de la note totale, correspondant au prix.

Il résulte de l'instruction que la pondération particulièrement disproportionnée entre le critère technique et le critère financier, dont le ministre de la défense n'établit pas la nécessité au regard de l'objet du marché de prestations de formation, a pour effet en pratique de contrecarrer la portée du critère du prix dans l'appréciation globale des offres.

Ainsi, l'attribution d'une note technique supérieure de 10 points à un candidat par rapport à celles des autres, sur la base de plusieurs sous-critères dont le poids même pondéré est supérieur dans l'appréciation de l'offre globale de chaque candidat, neutralise manifestement le critère financier de sorte que les offres ne pouvaient être différenciées de manière significative qu'au regard de leur valeur technique.

Dès lors, une telle pondération des critères est de nature à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie pour chaque lot.

Ainsi, et alors même que le marché était fractionné à bons de commandes avec un maximum annuel de 10 000 euros TTC par lot, le ministre de la défense doit être regardé comme ayant, pour les lots de formation «  achats publics » en litige, méconnu les règles de la concurrence et le principe d'égalité entre les candidats.


SOURCE : CAA de NANTES, 4ème chambre, 29/03/2019, 17NT01869, Inédit au recueil Lebon

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