Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

L'action en contestation de la validité d’un contrat administratif est-elle ouverte aux parties au contrat pendant toute la durée de son exécution ?

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OUI : ans un arrêt du 1er juillet 2019, le Conseil d’Etat précisant sa jurisprudence d’Assemblée « Béziers 1 » du 28 décembre 2009 considère que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui.

Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation.

Cette action est ouverte aux parties au contrat pendant toute la durée d'exécution de celui-ci.

Commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui rejette la demande, formée par une partie à un contrat administratif, contestant la validité de celui-ci au motif que cette action, présentée pendant la durée d'exécution du contrat, était prescrite par application de la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil, alors que cette prescription n'était pas applicable à l'action en contestation de validité du contrat introduite par cette partie.

 

SOURCE : Conseil d'État, Section, 01/07/2019, 412243, Publié au recueil Lebon

 

JURISPRUDENCE :

Conseil d'État, Assemblée, 28/12/2009, 304802, Publié au recueil Lebon (Béziers 1)

« Une partie à un contrat administratif peut saisir le juge du contrat d'un recours de plein contentieux pour en contester la validité. Il revient à ce juge de vérifier que les irrégularités dont se prévaut cette partie sont de celles qu'elle peut, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. S'il constate une irrégularité, il doit en apprécier l'importance et les conséquences. Après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, il peut soit décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation. Lorsqu'une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. »

Conseil d'Etat, Avis Section, du 10 juin 1996, 176873 176874 176875, publié au recueil Lebon (Préfet de la Côte d'Or)

« En vertu de l'article 2-I de la loi du 2 mars 1982, les actes des autorités communales visés au II du même article ne peuvent devenir exécutoires avant leur transmission au représentant de l'Etat dans le département. L'absence de transmission de la délibération autorisant le maire à signer un contrat avant la date à laquelle le maire procède à sa conclusion entraîne l'illégalité dudit contrat ou, s'agissant d'un contrat privé, de la décision de signer le contrat. »

 S'agissant de la prise en compte de l'intérêt général avant de décider d'une résiliation du contrat litigieux :

Conseil d'État, 7ème et 5ème sous-sections réunies, 10/12/2003, 248950, Publié au recueil Lebon (Institut de recherche pour le développement)

« L'annulation d'un acte détachable d'un contrat n'implique pas nécessairement la nullité dudit contrat. Il appartient au juge de l'exécution, saisi d'une demande d'un tiers d'enjoindre à une partie au contrat de saisir le juge compétent afin d'en constater la nullité, de prendre en compte la nature de l'acte annulé ainsi que le vice dont il est entaché et de vérifier que la nullité du contrat ne portera pas, si elle est constatée, une atteinte excessive à l'intérêt général »

S'agissant des différents pouvoirs dont le juge du contrat dispose :

Conseil d'État, Assemblée, 16/07/2007, 291545, Publié au recueil Lebon (Société Tropic Travaux Signalisation)

« Indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi.  A partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables. Saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat. Par ailleurs, une requête contestant la validité d'un contrat peut être accompagnée d'une demande tendant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de son exécution. Il appartient en principe au juge d'appliquer à l'ensemble des litiges, quelle que soit la date des faits qui leur ont donné naissance, les règles définies ci-dessus qui, prises dans leur ensemble, n'apportent pas de limitation au droit fondamental qu'est le droit au recours. Toutefois, eu égard à l'impératif de sécurité juridique tenant à ce qu'il ne soit pas porté une atteinte excessive aux relations contractuelles en cours, le Conseil d'Etat décide que le nouveau recours ainsi défini ne pourra être exercé, sous réserve des actions en justice ayant le même objet et déjà engagées avant la date de lecture de sa décision, qu'à l'encontre des contrats dont la procédure de passation a été engagée postérieurement à cette date. »


Pour l'obligation similaire incombant au juge des référés précontractuels :

Conseil d'État, Section du Contentieux, 03/10/2008, 305420, Publié au recueil Lebon ( Syndicat mixte intercommunal de réalisation et de gestion pour l'élimination des ordures ménagères du secteur Est de la Sarthe (Smirgeomes))

« En vertu des dispositions de l'article L. 551-1 CJA, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente. »

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