NON : ce délai est applicable en matière d’annulation pour excès de pouvoir mais pas en matière indemnitaire dit de plein contentieux (voir exception ci-dessous). Dans un arrêt en date du 18 mars 2019, le Conseil d’Etat précise que les règles relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision.
La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande.
Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision.
Le demandeur, s'il n'a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par l'article 19 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et l'article R.112-11-1 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) dispose alors, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de la décision.
SOURCE : Conseil d'État, 5ème et 6ème chambres réunies, 18/03/2019, 417270, Publié au recueil Lebon
JURISPRUDENCE :
S'agissant des décisions expresses :
Conseil d'État, Assemblée, 13/07/2016, 387763, Publié au recueil Lebon
« Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. »
S'agissant des rejets implicites de réclamations présentées sur le fondement de l'article R.199-1 du livre des procédure fiscales :
Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 08/02/2019, 406555
« Il résulte des articles R.198-10 et R. 199-1 du livre des procédures fiscales (LPF) qu'en cas de silence gardé par l'administration fiscale sur la réclamation pendant six mois, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif. Le délai de recours contentieux ne peut par ailleurs courir à l'encontre du contribuable tant qu'une décision expresse de rejet de sa réclamation, laquelle doit être motivée et, conformément aux prévisions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative (CJA), comporter la mention des voies et délais de recours, ne lui a pas été régulièrement notifiée. »
EXCEPTION : la règle du délai d’un an n’est plus applicable (elle l'a été et le funeste décret "JADE" est passé par là) dans le cas d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé pendant deux mois par l'administration suite à une demande indemnitaire préalable obligatoire avant un recours juridictionnel de plein contentieux avec avocat obligatoire.
En effet, l'article R.421-2 du code de justice administrative dispose que : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours ».
Ainsi, en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande préalable en indemnisation, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite de rejet court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions de l'article L.112-2 du code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics. Ce n'est qu'au cas où, dans le délai de deux mois ainsi décompté, l'auteur de la demande adressée à l'administration reçoit notification d'une décision expresse de rejet qu'il dispose alors, à compter de cette notification, d'un nouveau délai pour se pourvoir.
Voir par exemple : Conseil d'État, 1ère chambre, 03/12/2018, 417292, Inédit au recueil Lebon
De plus, un agent public ne peut pas invoquer les dispositions de l'article L.112-11 du code des relations entre le public dans la mesure où l’obligation d’accuser réception de la demande n’est pas applicable aux relations entre l’administration et ses agents.
Conseil d'État, 4ème et 1ère chambres réunies, 13/02/2019, 406606, Inédit au recueil Lebon
CONSEIL : dans le cas où vous avez dépassé le délai, Maître ICARD , avocat, vous conseille de faire une nouvelle demande préalable en indemnisation fondée sur une cause juridique différente de la première pour laquelle, n’ayant pas saisi le tribunal d’un recours de plein contentieux dans les deux mois de l’acquisition d’un rejet tacite (deux mois de silence de l’administration), vous êtes forclos.
Pour mémoire en plein contentieux, les causes juridiques sont, entre autres, la responsabilité pour faute, la responsabilité sans faute ou la responsabilité pour risque ou pour rupture d’égalité devant les charges publiques....
Voir en ce sens : Conseil d'Etat, du 7 novembre 1969, 73378, publié au recueil Lebon
« Piéton victime d'une chute sur la chaussée et n'ayant invoqué en première instance que le défaut d'entretien normal de la chaussée. Le moyen tiré de ce que le maire aurait commis une faute en ne prenant pas les mesures de police nécessaires pour faciliter la circulation des piétons est fondé sur une cause juridique distincte de celle soumise aux premiers juges et constitue une demande nouvelle qui, présentée pour la première fois en appel, n'est pas recevable. »