OUI : en assortissant les conclusions à fin d’annulation de conclusions à fin d’injonction ou en hiérarchisant dans sa requête en annulation pour excès de pouvoir, avant l’expiration du délai de recours, ses prétentions. Tout en rappelant le principe dit « de l’économie de moyens », suivant lequel, « sauf dispositions législatives contraires, le juge de l’excès de pouvoir n’est en principe pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d’annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d’autres moyens que celui qu’il retient explicitement comme étant fondé », le Conseil d’Etat, dans son arrêt n° 409678 du 21 décembre 2018, apporte des tempéraments au principe « de l’économie de moyens » lorsque les conclusions à fin d’annulation sont assorties de conclusions à fin d’injonction et lorsque les prétentions du requérant sont hiérarchisées.
Le motif par lequel le juge de l'excès de pouvoir juge fondé l'un quelconque des moyens de légalité soulevés devant lui ou des moyens d'ordre public qu'il relève d'office suffit à justifier l'annulation de la décision administrative contestée.
Il s'ensuit que, sauf dispositions législatives contraires, le juge de l'excès de pouvoir n'est en principe pas tenu, pour faire droit aux conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, de se prononcer sur d'autres moyens que celui qu'il retient explicitement comme étant fondé.
La portée de la chose jugée et les conséquences qui s'attachent à l'annulation prononcée par le juge de l'excès de pouvoir diffèrent toutefois selon la substance du motif qui est le support nécessaire de l'annulation.
C'est en particulier le cas selon que le motif retenu implique ou non que l'autorité administrative prenne, en exécution de la chose jugée et sous réserve d'un changement des circonstances, une décision dans un sens déterminé.
Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée.
Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L.911-1 du code de justice administrative (CJA) et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L.911-2.
Lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant
Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale.
SOURCE : Conseil d'État, Section, 21/12/2018, 409678, Publié au recueil Lebon
JURISPRUDENCE :
CE, Section, 20 février 1953, Société Intercopie, n° 9772, p. 88.
CE, Section, 8 janvier 1966, Société La Purfina France, p. 68.