Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Le juge administratif doit-il demander à l’administration de produire la décision querellée si le requérant en dépit de ses diligences n’a pas pu l’obtenir ?

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OUI : dans un arrêt en date du 03 octobre 2018, le Conseil d’Etat précise qu’en l’absence de production de la décision attaquée par l’administration en dépit des diligences du requérant, le juge administratif doit faire usage de ses pouvoirs inquisitoriaux en demandant à l’administration la production de ladite décision ou de tout élément de nature à lui permettre de former sa conviction.

Aux termes de l'article R.412-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : « La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée [...] ».

Il résulte de ces dispositions qu'une requête est irrecevable et doit être rejetée comme telle lorsque son auteur n'a pas, en dépit d'une invitation à régulariser, produit la décision attaquée ou, en cas d'impossibilité, tout document apportant la preuve des diligences qu'il a accomplies pour en obtenir la communication.

D'autre part, il revient au juge de l'excès de pouvoir, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

En l’espèce, l'association requérante a accompli toutes les diligences qu'elle pouvait effectuer afin de se procurer la décision fixant le régime des fouilles des détenus à l'issue des parloirs du centre pénitentiaire de Maubeuge et que, en gardant le silence sur les demandes dont elle était saisie ou en interceptant les courriers adressés aux détenus de l'établissement pénitentiaire, l'administration n'a pas mis la section française de l’Observatoire international des prisons (SFOIP) à même de satisfaire à l'exigence de production de la décision qu'elle attaquait.

Dès lors, eu égard aux éléments produits devant elle par l'association requérante et aux diligences que celle-ci a effectuées pour se procurer la décision qu'elle attaquait, la cour administrative d'appel de Douai a méconnu son office et commis une erreur de droit en confirmant l'irrecevabilité des conclusions dont elle était saisie, sans avoir préalablement fait usage de ses pouvoirs inquisitoriaux en demandant à l'administration pénitentiaire de produire la note de service définissant le régime des fouilles des détenus à la sortie des parloirs au centre pénitentiaire de Maubeuge ou, à défaut de l'existence d'une telle note, tous éléments de nature à révéler le régime de fouilles contesté, notamment le registre de consignation des fouilles mises en œuvre sur les détenus.

Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la section française de l’Observatoire international des prisons (SFOIP) est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

SOURCE : Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 03/10/2018, 413989, Publié au recueil Lebon

 

JURISPRUDENCE :

Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 26/11/2012, 354108, Publié au recueil Lebon

« Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur. »

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