Il est bien trop risqué pour la carrière du haut fonctionnaire ou du militaire de haut rang de faire usage de l’obligation de dénonciation pourtant prévue à l’article 40 du code de procédure pénale.
Cette obligation légale de dénonciation de crimes et délits se heurte à l’obligation d’obéissance hiérarchique et même pour certain agent au secret professionnel sans parler de l’obligation de réserve.
Et encore, je ne parle pas du risque pénal de dénonciation calomnieuse auquel s’expose le fonctionnaire qui s’est trompé de bonne foi.
En plus, dénoncer ou signaler au Procureur est bien trop risqué pour la carrière de l’agent.
Il faut se souvenir de ce modeste inspecteur des impôts qui avait dénoncé bien avant l’heure la fraude fiscale supposée d’un ministre de l’économie et des finances et qui avait connu les affres du harcèlement moral et de la mise au placard.
La brillante carrière d’un fonctionnaire « délateur légal » risque d’être sacrifiée et stoppée net sur l’autel de son intégrité et de son inconsciente témérité.
Vous imaginez la suite de la carrière d’un Directeur général des services (emploi fonctionnel à la discrétion) qui dénoncerait son Maire ou son Président de fraude au code des marchés publics ou de gestion de fait par exemple…
Plus modestement, je dédie ma chronique à cette agente de service hospitalière qui avait dénoncé des malversation financières dans son service et qui avait été mutée d’office au ménage.
Alors, vous imaginez la suite de la carrière d’un Préfet qui a évité soigneusement tous les ennuis, sans aucun accroc jusque-là, qui se risquerait subitement à quelques encablures d’une retraite qui s’annonce paisible et reposante, à mettre en œuvre l’article 40 pour dénoncer le comportement délictuel révélé dans la presse d’un adjoint au chef de cabinet de la Présidence de la République …
Allez, revenons sur terre, le haut fonctionnaire qui se risquerait à signaler un délit au Procureur de la République n’est pas protégé de « représailles subtiles » de la part de sa hiérarchie et en plus pourquoi un haut fonctionnaire risquerait-il une carrière jusque-là sans accroc et qui au demeurant s’annonce encore prometteuse, qui au surplus relève du grand choix (pouvoir discrétionnaire de l’administration), alors qu’aucune sanction pénale n’assortit l’abstention de dénonciation … (La nature humaine adore le vide juridique)
Voir en ce sens : Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 13 octobre 1992, 91-82.456, Publié au bulletin
Enfin, il est important de rappeler que les promotions d’officiers supérieurs et généraux des militaires s’effectuent exclusivement au choix et leurs affectations restent toujours à la discrétion du Ministre.
Alors, comme dit César à Marius dans sa lettre rédigée par Fanny : « Quand tu vas commencer a mesurer le fond de la mer, fais bien attention de ne pas trop te pencher, et de ne pas tomber par dessus bord et la ou ca sera trop profond, laisse un peu mesurer les autres. » Marcel PAGNOL
Comme César, je conseillerais aux fonctionnaires « de laisser un peu dénoncer les autres ».