Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Un décret du 17 juillet 2018 durcit les codes de justice administrative et de l’urbanisme au détriment du justiciable !

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Les rôles des juridictions administratives sont encombrés et les décisions sont souvent rendus quelques années après l’introduction de la requête initiale. Qu’à cela ne tienne, il est beaucoup plus simple de durcir les procédures pour essayer de dissuader le justiciable de former un recours. Certes, tarir la source des dossiers revient moins cher qu’embaucher des magistrats et des greffiers pour les traiter. Dans la continuité du mouvement jurisprudentiel de plus en plus restrictif entrepris depuis 2016 par le Conseil d’Etat,  le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 modifie la partie réglementaire du code de justice administrative pour ce qui concerne le désistement d'office et la procédure d'appel et la partie réglementaire du code de l'urbanisme en ce qui concerne le contentieux de l'urbanisme. Je vous en livre ci-après avec tristesse et amertume les principales dispositions.

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I – LES MODIFICATIONS DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE

  • Création d’un nouvel article 612-5-2 du code de justice administrative applicable aux requêtes enregistrées à compter du 1er octobre 2018 : créé une obligation de confirmation du maintien de la requête au fond après le rejet d'un référé-suspension pour défaut de moyen sérieux sous peine de désistement d’office.

Le nouvel article R.612-5-2 du code de justice administrative dispose qu’ « En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté. »

  • Modification de l’article 811-1-1 du code de justice administrative : prolonge le délai durant lequel les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir. (Expérimentation prolongée du 1er décembre 2018 au 31 décembre 2022)

« Les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du code général des impôts et son décret d'application.

Les dispositions du présent article s'appliquent aux recours introduits entre le 1er décembre 2013 et le 31 décembre 2022. »

 

II – LES MODIFICATIONS DU CODE DE L'URBANISME


- Modification de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme applicable aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018 : extension de l’obligation de notification de recours à toute les décisions relatives à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le code de l’urbanisme.

« En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif.

La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours.

La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. »

  • Modification de l’article R.600-3 du code de l’urbanisme applicable aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018 : réduction de 6 mois du délai d’annulation d'un permis de construire.

« Aucune action en vue de l'annulation d'un permis de construire ou d'aménager ou d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable n'est recevable à l'expiration d'un délai de six mois à compter de l'achèvement de la construction ou de l'aménagement.

Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d'achèvement mentionnée à l'article R. 462-1. »

  • Création d’un nouvel article 600-4 du code de l’urbanisme applicable aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018 : la requête introductive doit être accompagnée à peine à peine d'irrecevabilité du titre de propriété ou de la promesse de vente.

 « Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant.

Lorsqu'elles sont introduites par une association, ces mêmes requêtes doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées des statuts de celle-ci, ainsi que du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture.

Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. »

 

  • Création d’un nouvel article 600-5 du code de l’urbanisme applicable aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018 : plus aucune possibilité d’invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense.

« Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative.


Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu'il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l'affaire le justifie.

Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. »

 

  • Création d’un nouvel article 600-6 du code de l’urbanisme applicable aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018 : le juge statue désormais dans un délai de dix mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements.

 

« Le juge statue dans un délai de dix mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d'aménager un lotissement.

La cour administrative d'appel statue dans le même délai sur les jugements rendus sur les requêtes mentionnées au premier alinéa. »

 

  • Modification de l’article 424-5 du code de l’urbanisme : en cas d’autorisation ou de non opposition, la décision doit mentionner la date d'affichage en mairie de l'avis de dépôt.

 

« En cas d'autorisation ou de non-opposition à déclaration préalable, la décision mentionne la date d'affichage en mairie de l'avis de dépôt prévu à l'article R. * 423-6.

Si la décision comporte rejet de la demande, si elle est assortie de prescriptions ou s'il s'agit d'un sursis à statuer, elle doit être motivée.

Il en est de même lorsqu'une dérogation ou une adaptation mineure est accordée »

Article R.423-6  du code de l’urbanisme : « Dans les quinze jours qui suivent le dépôt de la demande ou de la déclaration et pendant la durée d'instruction de celle-ci, le maire procède à l'affichage en mairie d'un avis de dépôt de demande de permis ou de déclaration préalable précisant les caractéristiques essentielles du projet, dans des conditions prévues par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme. »

 

  • Modification de l’article 424-13 du code de l’urbanisme : en cas permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, la décision doit mentionner la date d'affichage en mairie de l'avis de dépôt.

« En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit.

Ce certificat mentionne la date d'affichage en mairie de l'avis de dépôt prévu à l'article R.* 423-6.

En cas de permis tacite, ce certificat indique la date à laquelle le dossier a été transmis au préfet ou à son délégué dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales »

 

SOURCE : décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l'urbanisme (parties réglementaires)

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