Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Une demande d’aide juridictionnelle postérieure à la saisine du tribunal mais dans le délai de recours fait-elle échec à la jurisprudence « Intercopie » ?

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OUI : vous êtes un particulier et vous avez saisi le tribunal administratif sans soulever un moyen de légalité externe ou un moyen de légalité interne. Il faut savoir qu’après l'expiration du délai de recours contentieux contre un acte administratif, sont irrecevables, sauf s'ils sont d'ordre public, les moyens soulevés par le demandeur qui relèvent d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués dans sa demande avant l'expiration de ce délai. Fait vite (avant l'expiration du délai de recours) une demande d’aide juridictionnelle pour bénéficier de l’assistance d’un avocat car en cas de demande d'aide juridictionnelle formée avant l'expiration du délai de recours contentieux, un nouveau délai court dans les conditions prévues, devant les premiers juges, par l'article 38 du décret du 19 décembre 1991.

Après l'expiration du délai de recours contre un acte administratif, sont irrecevables, sauf s'ils sont d'ordre public, les moyens soulevés par le demandeur qui relèvent d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués dans sa demande avant l'expiration de ce délai.

Conseil d’Etat, Sect., 20 février 1953, Société Intercopie, rec. p. 88

« Considérant que la société Intercopie, dans sa requête sommaire et son mémoire ampliatif, s’est bornée à invoquer la prétendue irrégularité de la composition de la commission nationale; que si elle a contesté, dans son mémoire en réplique, la légalité de l’application qui lui a été faite des prescriptions de l’arrêté du 2 avril 1948, ces prétentions, fondées sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle; que le mémoire en réplique dont s’agit a été enregistré au secrétariat du contentieux le 3 décembre 1951, c’est-à-dire après l’expiration du délai de recours contre la décision attaquée, laquelle a été notifiée à la société requérante le 26 juin 1950; que, dès lors, la demande nouvelle contenue dans ce mémoire a été présentée tardivement et n’est, par suite, pas recevable; (…) »

Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 21/11/2012, 334726

 « Après l'expiration du délai de recours contre un acte administratif, sont irrecevables, sauf s'ils sont d'ordre public, les moyens présentés par l'appelant qui ne se rattachent pas à l'une ou l'autre des deux causes juridiques, tirées de la régularité de la décision attaquée et de son bien-fondé, invoquée dans la requête avant l'expiration de ce délai. Pour l'application de ce principe, ce délai de recours doit être regardé comme commençant à courir soit à compter de la publication ou de la notification complète et régulière de l'acte attaqué soit, au plus tard, à compter, pour ce qui concerne un requérant donné, de l'introduction de son recours contentieux contre cet acte. »

Ce délai de recours commence, en principe, à courir à compter de la publication ou de la notification complète et régulière de l'acte attaqué.

Toutefois, à défaut, il court, au plus tard, à compter, pour ce qui concerne un demandeur donné, de l'introduction de son recours contentieux contre cet acte.

En cas de demande d'aide juridictionnelle (AJ) formée avant l'expiration du délai de recours, un nouveau délai court dans les conditions prévues, devant les premiers juges, par l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991.

Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 31/03/2017, 399123

 

POUR MEMOIRE :

Les moyens de légalité externe et les moyens de légalité interne relèvent de causes juridiques distinctes. (Légalité externe: incompétence de l'auteur de l'acte, vices de formes et de procédure susceptibles d'en affecter la légalité et légalité interne: violation de la règle de droit [Traité, Constitution, loi, règlement, acte communautaire..., principe général du droit,...], de l'erreur de droit ou de fait et du détournement de pouvoir).

Ainsi, si lors de l'introduction de la requête le demandeur a soulevé un seul de ces moyens de légalité soit interne soit externe, il ne pourra plus après l'expiration du délai de recours contentieux soulever l'autre. (Conseil d'Etat Sect. 20 février 1953, Société Intercopie et Conseil d'Etat Assemblée 15 juillet 1954, Société des Aciérie et forges de Saint-François).

Si seuls des moyens de légalité externe ont été soulevés, il ne sera plus possible après l'expiration du délai de recours contentieux de soulever des moyens de légalité interne (Conseil d'Etat Sect. 23 mars 1956, Dame veuve Ginestet). Inversement, si seuls des moyens de légalité interne ont été soulevés, il ne sera plus possible après l'expiration du délai de recours contentieux de soulever des moyens de légalité externe (Conseil d'Etat Assemblée, 13 juillet 1965, Gauthier et Conseil d'Etat 23 septembre 1988, Dame Le Goff).

Dans ces cas l’administration soulèvera dans son mémoire en défense l'irrecevabilité de ces moyens qui constituent des causes juridiques nouvelles. 

 

RECOMMANDATIONS : il faut absolument que le requérant invoque à l'appui de sa requête introductive d’instance déposée dans le délai de recours contentieux de deux mois avant l’expiration du délai de recours, au moins un moyen de légalité externe et au moins un moyen de légalité interne.

Ainsi, tout autre moyen de légalité externe ou interne pourra être soulevé après l'expiration du délai de recours contentieux. 

(Conseil d'Etat 3 avril 1987, Capfort, requête n° 70741) . 

 

IMPORTANT: les moyens d'ordre public peuvent être soulevés à tout moment.

Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 21/11/2012, 334726

 

MODELE REQUETE (EXTRAIT)

 

(...) DISCUSSION DE LA VALIDITE DE L'ARRETE ATTAQUE

 

I) - L'arrêté est illégal en la forme : les moyens de légalité externe

1) - incompétente de l’auteur de l’acte : lorsque la décision a été prise par un agent de l'administration qui n'avait pas (ou plus) le pouvoir de prendre la décision.

L'incompétence peut être « rationae materie » en fonction de l'objet de l'acte, « rationae loci » en fonction du territoire ou « rationae temporis » en fonction du temps.

2) - vice de forme et de procédure : lorsque la décision a été prise en méconnaissance de l'accomplissement des formalités et procédures auxquelles était assujetti l'acte administratif. Le juge ne sanctionne que l'inobservation de formalités substantielles. (Défaut de consultation d'un organisme dont l'avis doit éclairer l'administration par exemple ou insuffisance ou défaut de motivation etc....).

II) - L'arrêté est illégal au fond : les moyens de légalité interne 

1) - le détournement de pouvoir : lorsque l'autorité administrative agit dans un but étranger à l'intérêt général ou tout en poursuivant l'intérêt général ne suit pas l'objectif assigné à la mesure litigieuse ou lorsqu'il y a détournement de procédure etc....

2) - la violation de la loi : lorsque l'autorité administrative viole non seulement la loi mais aussi la Constitution, les déclarations de droit, les préambules, un principe général du droit, une ordonnance, un décret ou un arrêté, la chose jugée, un traité ou un accord international etc....

3) - l'illégalité de l'objet : lorsque l'autorité administrative ne pouvait prendre la décision attaquée. (Par exemple un permis de construire ne peut autoriser en même temps l'occupation du domaine public).

4) - l'erreur de droit : lorsque l'autorité administrative a commis une erreur dans son raisonnement juridique.

5) - l'erreur de fait : lorsque l'autorité administrative a commis une erreur dans l'exactitude matérielle des faits et leur qualification juridique que le juge contrôle de façon exhaustive.

Lorsque l'autorité administrative dispose d'un pouvoir discrétionnaire, le juge ne contrôle dans la qualification juridique des faits que l'erreur manifeste d’appréciation. (...)

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