Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Quelles sont les règles d’indemnisation de l’agent contractuel et du fonctionnaire en cas de faute inexcusable de l’employeur ?

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EN BREF : pour les agents contractuels, la recherche de la faute inexcusable doit être réalisée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) et non devant les juridictions administratives à moins que l’accident ne soit dû à la faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés. Le délai de prescription est fixé à 2 ans à compter du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière. Pour le fonctionnaire une action de droit commun en responsabilité pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage peut être engagée contre l’administration dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci. Mais le délai de prescription est fixé à 4 ans à compter du 1er janvier de l’année suivant l’année de l’accident.

Article L.452-1 du code de la sécurité sociale

« Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. »

Article D.452-1 du code de la sécurité sociale 

« En cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, le capital représentatif des dépenses engagées par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la majoration mentionnée à l'article L. 452-2 est évalué dans les conditions prévues à l'article R. 454-1 et récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l'article L. 452-3. » 

1 – Définition jurisprudentielle de la faute inexcusable de l’employeur

1° L’employeur doit avoir conscience du danger

« Constitue une faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, toute faute d’une gravité exceptionnelle dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative mais ne comportant pas d’élément intentionnel. »

Cour de Cassation, Chambres réunies, du 15 juillet 1941, 00-26.836, Inédit

Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 18 juillet 1980, 78-12.570, Publié au bulletin

A contrario, en cas d'accident causé par un matériel ne présentant aucune anomalie apparente, l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, de sorte qu'aucune faute inexcusable ne sera retenue à son encontre. 

Cour de Cassation, Chambre sociale, du 31 octobre 2002, 01-20.445, Publié au bulletin

2° L’employeur est tenu à l’égard du salarié à une obligation de sécurité de résultat

Par deux arrêts des 11 avril et 23 mai 2002, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a donné une nouvelle définition de la faute inexcusable en matière d'accidents du travail, tout en modifiant la nature de l'obligation de sécurité qui pesait sur l'employeur en vertu de l'article L 230-2 du Code du Travail. 

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. 

Cour de Cassation, Chambre sociale, du 11 avril 2002, 00-16.535, Publié au bulletin

Cour de Cassation, Chambre sociale, du 23 mai 2002, 00-14.125, Publié au bulletin

Exemples :

  • Imposer au personnel des conditions de travail dangereuses,
  • Manquer à la plus élémentaire prudence,
  • Violer les règles de sécurité du travail ...

3° La faute inexcusable est par ailleurs présumée dans deux cas :

  • manque de formation à la sécurité renforcée prévue à l'article L. 4154-2 du code du travail
  • lorsque survient un accident dont le risque avait été signalé par les intéressés ou un membre du CHSCT à l'employeur.

2 - Première conséquence pour le salarié de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur : la majoration de sa rente

Article L.452-2 du code de la sécurité sociale 

« Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.

Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.

Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.

En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d'un ayant droit cesse d'être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu'il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l'article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit.

Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l'article L. 434-17.

La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret. » 

3 – Deuxième conséquence pour le salarié de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur : une indemnisation complémentaire versée par l’employeur

Article L.452-3 du code de la sécurité sociale

 « Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur. »

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur engendre la réparation intégrale des victimes d’accident du travail ou maladie professionnelle.

Indépendamment de la majoration de la rente versée par la Sécurité Sociale, l’agent non titulaire victime peut demander à l’employeur public devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS)  :

  • une majoration de la rente versée par la Sécurité Sociale,
  • la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales, par le déficit fonctionnel temporaire ou le préjudice sexuel,
  • la réparation du préjudice de perte d’emploi en cas de licenciement pour inaptitude physique,
  • la réparation des préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
  • des indemnités pour les frais d’aménagement du logement et d’un véhicule adapté en raison du handicap,
  • Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
  • en cas d’accident suivi de mort, la réparation du préjudice moral pour les ayants droit de la victime.

Les indemnités correspondantes sont versées directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur. 

4– La procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur public

1° Le cas des agents contractuels non titulaires des trois fonctions publiques

La réglementation du régime général de sécurité sociale ainsi que celle relative aux accidents du travail et aux maladies professionnelles sont applicables à ces agents non titulaires.

Pour les agents contractuels, la recherche de la faute inexcusable doit être réalisée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) et non devant les juridictions administratives à moins que l’accident ne soit dû à la faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés.

Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 22/06/2011, 320744

« En dehors des hypothèses dans lesquelles le législateur a entendu instituer un régime de responsabilité particulier, comme c'est le cas, notamment, pour les assistants maternels agréés, envers lesquels la responsabilité du département, dont relève le service d'aide sociale à l'enfance, est engagée, même sans faute, pour les dommages subis du fait d'un enfant dont l'accueil leur a été confié, un agent contractuel de droit public, dès lors qu'il ne se prévaut pas d'une faute intentionnelle de son employeur ou de l'un des préposés de celui-ci, ne peut exercer contre cet employeur une action en réparation devant les juridictions administratives, conformément aux règles du droit commun, à la suite d'un accident du travail dont il a été la victime. Il ne peut pas non plus, en particulier, lorsque cet accident est imputable à un mineur dont le juge des enfants avait confié la garde à son employeur dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative et avait ainsi transféré à ce dernier la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie de ce mineur, rechercher l'engagement de la responsabilité sans faute de son employeur en tant que personne responsable de ce mineur. » 

Pour un praticien hospitalier public :

Conseil d'Etat, 5ème et 7ème sous-sections réunies, du 10 octobre 2003, 197826, publié au recueil Lebon 

« Les dispositions de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale ne font pas obstacle à ce que les enfants d'un praticien hospitalier qui, faute d'être bénéficiaires de prestations de sécurité sociale du fait de l'accident, n'ont pas la qualité d'ayants droit de leur père, recherchent, dans les conditions du droit commun, la responsabilité sans faute du centre hospitalier au titre de l'obligation qui lui incombe de garantir ses agents contre les dommages corporels qu'ils peuvent subir dans l'accomplissement de leur service. »

Pour un ouvrier d’Etat :

Cour Administrative d'Appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 15/10/2009, 07NC01704, Inédit au recueil Lebon

« Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'action de M. A, soumis pour la couverture du risque accidents du travail aux dispositions du livre IV de la sécurité sociale, à l'encontre de l'Etat, ne ressortit pas à la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a partiellement rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 43.453,77 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des divers préjudices qu'il a subis consécutivement à l'accident du travail dont il a été victime le 17 février 1999 ; »

Pour un agent contractuel de a fonction publique territoriale :

Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 22/06/2011, 320744

« Un agent contractuel de droit public peut demander au juge administratif la réparation par son employeur du préjudice que lui a causé l'accident du travail dont il a été victime, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du code de la sécurité sociale, lorsque cet accident est dû à la faute intentionnelle de cet employeur ou de l'un de ses préposés. Il peut également exercer une action en réparation de l'ensemble des préjudices résultant de cet accident non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, contre son employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, en cas de faute inexcusable de ce dernier, ou contre une personne autre que l'employeur ou ses préposés, conformément aux règles du droit commun, lorsque la lésion dont il a été la victime est imputable à ce tiers. En revanche, en dehors des hypothèses dans lesquelles le législateur a entendu instituer un régime de responsabilité particulier, comme c'est le cas, notamment, pour les assistants maternels agréés, envers lesquels la responsabilité du département, dont relève le service d'aide sociale à l'enfance, est engagée, même sans faute, pour les dommages subis du fait d'un enfant dont l'accueil leur a été confié, un agent contractuel de droit public, dès lors qu'il ne se prévaut pas d'une faute intentionnelle de son employeur ou de l'un des préposés de celui-ci, ne peut exercer contre cet employeur une action en réparation devant les juridictions administratives, conformément aux règles du droit commun, à la suite d'un accident du travail dont il a été la victime. Il ne peut pas non plus, en particulier, lorsque cet accident est imputable à un mineur dont le juge des enfants avait confié la garde à son employeur dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative et avait ainsi transféré à ce dernier la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie de ce mineur, rechercher l'engagement de la responsabilité sans faute de son employeur en tant que personne responsable de ce mineur. »

a) La procédure de reconnaissance de la faute inexcusable et de son indemnisation

Le bénéfice du régime d’indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable de l'employeur est parfois de droit en cas de signalement du risque  pour les agents non titulaires de la fonction publique de l’Etat (Décret n° 82-453 du 28 mai 1982 -article 5-9) qu’ils relèvent de la fonction publique territoriale (Décret n° 85-603 du 10 juin 1985 -article 5.4) ou hospitalière (Code du travail - article. L.41111-1).

L’agent contractuel concerné doit envoyer un courrier en recommandé avec accusé de réception à la caisse de sécurité sociale dont il dépend, en indiquant qu’il invoque la faute inexcusable de son employeur public.

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) invite l’employeur et le salarié à une réunion de conciliation

Dès la réception de l’invitation de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) , l’employeur doit déclarer le sinistre auprès de son assureur sous peine de ne pas pouvoir bénéficier de la couverture de son contrat d’assurance et d’assumer seul les conséquences pécuniaires de la réparation.

Trois solutions peuvent être dégagées :

  • aucune des parties ne se déplace à la réunion, la caisse établira un procès-verbal de carence ;
  • toutes les parties sont présentes mais aucun accord ne se dégage, la caisse établira un procès-verbal de non conciliation ;
  • toutes les parties sont présentes, l’employeur reconnaît le principe de la faute inexcusable, la caisse établira un procès-verbal de conciliation et les parties se retrouveront devant le juge pour la liquidation des préjudices.

Dans tous les cas, la procédure de conciliation n’est pas obligatoire et la victime peut saisir directement le tribunal des affaires de Sécurité sociale.

Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), du 15 mars 2005, 03DA00327, inédit au recueil Lebon

Cour Administrative d'Appel de Versailles, 5ème chambre, 19/11/2007, 06VE01148, Inédit au recueil Lebon

b) Le délai de prescription de l’action en reconnaissance

Le délai de prescription est fixé à 2 ans à compter du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière.

Article L.431-2 du code de la sécurité sociale

« Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater :

1°) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;

2°) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l'article L. 443-1 et à l'article L. 443-2, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute ;

3°) du jour du décès de la victime en ce qui concerne la demande en révision prévue au troisième alinéa de l'article L. 443-1 ;

4°) de la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure pour un détenu exécutant un travail pénal ou un pupille de l'éducation surveillée dans le cas où la victime n'a pas droit aux indemnités journalières.

L'action des praticiens, pharmaciens, auxiliaires médicaux, fournisseurs et établissements pour les prestations mentionnées à l'article L. 431-1 se prescrit par deux ans à compter soit de l'exécution de l'acte, soit de la délivrance de la fourniture, soit de la date à laquelle la victime a quitté l'établissement.

Cette prescription est également applicable, à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire, à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

Les prescriptions prévues aux trois alinéas précédents sont soumises aux règles de droit commun.

Toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident. »

c) La saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS)

Si la conciliation échoue, l’agent contractuel devra saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale

  • La première audience du TASS

A la première audience, le tribunal va statuer sur l’existence ou l’inexistence de la faute inexcusable. 

  • La deuxième audience du TASS

Lors de la deuxième audience, le tribunal statuera sur la liquidation des préjudices, c’est-à-dire sur le montant de l’indemnisation à verser au salarié ou à ses ayants-droits.

2° Le cas des fonctionnaires et des stagiaires

Pour les fonctionnaires et les stagiaires, il faut saisir les juridictions de l’ordre  administratif après avoir formé une demande préalable auprès de l’administration par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il faut savoir que de longue date, la  jurisprudence administrative a dégagé le principe de la responsabilité de l'employeur public pour risque professionnel.

Par l’arrêt Cames du 21 juin 1895, le Conseil d'Etat a considéré que l'administration était tenue, même en l'absence de faute de sa part, de réparer les dommages corporels subis par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions.

Conseil d'Etat, du 21 juin 1895, 82490, publié au recueil Lebon

« Décidé qu'aucune faute ne pouvant être reprochée à l'ouvrier et que l'accident ne pouvant être imputé, ni à son imprudence, ni à sa négligence, l'Etat devait, dans les circonstances où l'événement s'était produit, être déclaré responsable de cet accident et qu'il y avait lieu de le condamner à payer une rente viagère à l'ouvrier blessé. »

Toutefois, pour les fonctionnaires d’Etat, territoriaux et hospitaliers, les lois statutaires et leurs décrets d’application  déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l’administration de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. (Voir mes articles relatifs au traitement perçu en maladie professionnelle ou accident de service, à l’allocation temporaire d’invalidité, à la rente  invalidité, à la règle de Balthazar sur le présent site)

a) Les dispositions statutaires applicables fonctionnaires ne font cependant pas obstacle à ce qu’une indemnisation complémentaire soit versée par l’employeur public

  • Sans faute de l’administration : le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique.
  •  
  •  
  • Conseil d’Etat, Assemblée, n° 211106, 4 juillet 2003, Mme Moya-Caville 

              Conseil d’Etat, n° 224276, 15 juillet 2004

  • Pour faute inexcusable de l’administration : une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci. 

              Conseil d'État, N° 353798, 16 décembre 2013 

              Conseil d'État, N° 357999, 14 novembre 2014

d)  Le délai de prescription de l’action en indemnisation complémentaire

Le délai de prescription est fixé à 4 ans à compter du 1er janvier de l’année suivant l’année de l’accident.

« Sont prescrites, … toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. »

Article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics)

Le fonctionnaire ne peut pas saisir directement le tribunal administratif d'un recours en indemnisation. Il doit au préalablement adresser une demande à l'administration lui faisant part de ses prétentions.

C'est la décision expresse de rejet ou implicite de rejet (silence gardé par l’administration pendant deux mois) préalable à la phase contentieuse de l'administration qui devra faire l'objet du recours contentieux en indemnisation.

Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, 16 mars 1979, Commune de Mireval, requête n° 06177, publié aux Tables du Recueil Lebon 

La décision préalable est ainsi indispensable pour « lier le contentieux » 

Conseil d'Etat, 4 / 1 SSR, 11 février 1983, Syndicat autonome des enseignants de médecines et autres, requête n° 43412, publié aux Tables du Recueil Lebon, mais toutefois par exception dans certaines matières, le tribunal administratif peut être saisi directement (travaux publics, contentieux électoral et également lorsque le juge administratif est saisi après une instance devant un tribunal de l'ordre judiciaire).

Le recours en indemnisation qui sera introduit devant le tribunal administratif devra inclure les mêmes parties que celles de la demande préalable et devra tendre au même objet en se fondant sur la même « cause juridique ». ( Conclusions du Commissaire du Gouvernement Kahn sous l'arrêt Conseil d'état, 23 mars 1956, Dame veuve Ginestet, A.J.D.A 1956.164 ).

Le Professeur René Chapus définit la notion de cause juridique dans la responsabilité extra contractuelle comme : « statut juridique sous la protection duquel la victime entend se placer pour engager la responsabilité de la puissance publique et obtenir réparation du préjudice souffert » René Chapus, mélanges Stassinopoulos,1974, page 77.

L'absence de décision préalable lorsqu'elle est obligatoire rend irrecevable le recours directement adressé au tribunal administratif.

De plus, l'absence de preuve d'envoi de la demande préalable rendant le recours irrecevable, il est prudent d'envoyer cette dernière au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par une remise au guichet de l'administration contre délivrance d'un récépissé.

Mais le défaut de décision préalable n'a pas un caractère d'ordre public et n'a donc pas à être soulevé d'office par le juge administratif.

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