Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Une période de disponibilité entre-t-elle dans la comparaison des durées d'emplois pour déterminer qui de l'employeur public ou de Pôle Emploi doit verser l'allocation chômage ?

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NON : Dans un arrêt en date du 26 avril 2017, le Conseil d’Etat a invalidé l'interprétation habituelle de Pôle Emploi en considérant que la période de disponibilité n’est pas à prendre en compte dans la comparaison puisqu’elle ne correspond pas à une durée effective de travail au sens du code du travail. L’indemnisation relève en conséquence de pôle emploi. Il faut savoir que le régime débiteur des allocations chômage versé à un fonctionnaire licencié dans un emploi privé, ayant été successivement placé en disponibilité puis radié des cadres, est celui auprès duquel l’intéressé a la plus longue durée d’emploi au cours des 28 ou 36 derniers mois . (L’employeur public ou Pôle emploi). Ces durées d’emploi sont pondérées lorsqu’elles sont inférieures au mi-temps. Pôle emploi, pour tenter d’échapper à son obligation d’indemnisation,  soutenait que la période de disponibilité devait être incluse dans la durée effective de travail dans la fonction publique et entrait dans la comparaison des emplois pour déterminer le régime débiteur des allocations. Cette interprétation conduisait tort à une prise en charge systématique des allocations d’assurance chômage par l’administration, même si l’intéressé avait travaillé dans le secteur privé durant toute sa disponibilité. 

Les dispositions du 1° de l'article L.5424-1 du code du travail étendent notamment aux agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, aux agents titulaires des collectivités territoriales et aux agents statutaires des autres établissements publics administratifs le bénéfice de l'allocation d'assurance instituée par l'article L. 5422-1 du code du travail au profit des « travailleurs involontairement privés d'emploi (...) aptes au travail et recherchant un emploi qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure ».

 L'article L.5422-2 du même code prévoit que : «  L'allocation d'assurance est accordée pour des durées limitées qui tiennent compte de l'âge des intéressés et de leurs conditions d'activité professionnelle antérieure (...) ».

Aux termes de l'article R.5424-2 du même code dans sa rédaction applicable au litige : «  Lorsque, au cours de la période retenue pour l'application de l'article L.5422-2, la durée totale d'emploi accomplie pour le compte d'un ou plusieurs employeurs affiliés au régime d'assurance a été plus longue que l'ensemble des périodes d'emploi accomplies pour le compte d'un ou plusieurs employeurs relevant de l'article L.5424-1, la charge de l'indemnisation incombe à [Pôle emploi] pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L. 5427-1. / Dans le cas contraire, cette charge incombe à l'employeur relevant de l'article L. 5424-1, ou à celui des employeurs relevant de cet article qui a employé l'intéressé durant la période la plus longue ».

Il résulte de l'article 3 du règlement général annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l'indemnisation du chômage, agréée par arrêté du 15 juin 2011, que la période retenue pour l'application de l'article L.5422-2 correspond aux vingt-huit ou trente-six mois précédant la fin du contrat de travail selon que, à cette date, le salarié est âgé de moins ou de plus de cinquante ans.

Enfin, selon l'article R.5424-4 : « Le calcul des périodes d'emploi s'effectue, le cas échéant, après application à chacune d'elles d'un coefficient égal au rapport entre la durée hebdomadaire de travail de l'intéressé, fixée par son contrat de travail ou engagement, pendant la période d'emploi et la durée légale de travail ou la durée de travail conventionnelle lorsque celle-ci est inférieure à la durée légale, applicable à l'employeur pendant cette période d'emploi. / Toutefois, ce correctif n'est appliqué que lorsque la durée hebdomadaire de travail de l'intéressé est inférieure à la moitié de la durée de travail légale ou conventionnelle précédemment mentionnée pendant la période d'emploi ».

Dans son arrêt en date du 26 avril 2017, le Conseil d’Etat considère qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que la charge de l'indemnisation, au titre de l'assurance chômage, d'un agent de la fonction publique hospitalière qui, après avoir volontairement quitté cet emploi, a retrouvé un autre emploi dont il se trouve involontairement privé, ne peut incomber à l'établissement hospitalier qui l'a employé que si, durant la période de référence, selon le cas, de vingt-huit ou de trente-six mois ayant précédé la perte involontaire de son emploi, l'intéressé n'a pas travaillé pendant une période plus longue pour le compte d'un ou plusieurs employeurs affiliés au régime d'assurance que pour le compte d'un ou plusieurs employeurs relevant de l'article L.5424-1 du code du travail, dont le centre hospitalier.

Le calcul des périodes d'emploi respectives s'effectue en principe en nombre de jours et ne peut prendre en compte la durée de travail effective de l'intéressé que dans les conditions et limites prévues par l'article R.5424-4 du code du travail, à savoir lorsque sa durée hebdomadaire de travail a, pendant la période considérée, été inférieure à la moitié de la durée de travail légale ou conventionnelle.

En l’espèce, Mme B..., aide-soignante titulaire employée par le centre hospitalier de Rumilly du 1er avril 2005 au 30 septembre 2011, a été placée à cette date, et à sa demande, en disponibilité pour une durée d'un an, puis a été radiée des cadres à compter du 1er octobre 2012 après avoir présenté sa démission. Mme B... a été employée par l'entreprise « L'Appel médical » du 1er octobre 2011 au 30 juin 2012 puis par la société Kelly du 1er juillet 2012 au 15 février 2013, date à laquelle elle a été involontairement privée d'emploi.

D'une part, alors même qu'elle aurait, au cours de ces vingt-huit mois, travaillé pour le compte du centre hospitalier pour un nombre d'heures supérieur à son temps de travail cumulé auprès des deux autres employeurs, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la durée de travail de Mme B...auprès de ses employeurs successifs n'a jamais, au cours de ces périodes, été inférieure à la moitié de la durée légale ou conventionnelle.

D'autre part, la circonstance qu'elle avait travaillé pour un employeur affilié au régime d'assurance avant sa démission de la fonction publique hospitalière ne faisait pas obstacle à ce que la période correspondante soit prise en compte dans le calcul de la durée d'emploi accomplie pour le compte d'employeurs affiliés à ce régime.

C'est, par suite, en se fondant sur une appréciation exempte de dénaturation que le tribunal administratif de Grenoble a retenu, pour juger que la charge de l'indemnisation à laquelle elle pouvait le cas échéant prétendre n'incombait pas au centre hospitalier de Rumilly, qu'au cours des vingt-huit mois ayant précédé la rupture de son contrat de travail, soit entre le 16 octobre 2010 et le 15 février 2013, Mme B..., âgée à cette date de moins de cinquante ans et ayant travaillé pendant onze mois et demi pour le centre hospitalier, avait été occupée pendant une période plus longue par des employeurs affiliés au régime d'assurance chômage.

Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

SOURCE : Conseil d'État, 1ère chambre, 26/04/2017, 397062, Inédit au recueil Lebon

JURISPRUDENCE :

Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, du 29 mars 1999, 97LY01979, mentionné aux tables du recueil Lebon

« Pour déterminer, en application des dispositions de l'article R.351-20 du code du travail, si la charge de l'indemnisation d'un demandeur d'emploi incombe soit aux institutions gestionnaires du régime d'assurance, soit à un employeur relevant de l'article L.351-12 du code du travail, un agent public placé en position de disponibilité n'est pas regardé comme ayant été occupé, au sens de ces dispositions, par son administration d'origine, alors même que la rupture définitive des liens avec son service n'a été réalisée que par l'acceptation de sa démission, présentée au terme d'une période de 18 mois de disponibilité au cours de laquelle il n'a exercé aucune activité professionnelle.

Conseil d'Etat, 9 SS, du 5 mai 1995, 149948, inédit au recueil Lebon

« Considérant que Mme X..., assistante sociale titulaire au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE FREJUS-SAINT-RAPHAEL, a été placée par ce dernier en position de disponibilité à l'expiration de son détachement auprès du ministère de la défense, faute d'emploi vacant ; que Mme X... doit être regardée, en raison de cette mise en disponibilité, comme ayant été involontairement privée d'emploi, au sens de l'article L.351-1 du code du travail ; que, par suite, elle avait droit, en vertu de l'article L.351-12 du même code, aux allocations d'assurance chômage à compter de sa mise en disponibilité ; que l'expiration de son détachement ayant eu pour effet de rompre ses liens avec le ministère de la défense, et sa situation d'agent privé d'emploi résultant de l'absence de poste vacant au centre hospitalier, il incombait à ce dernier, en qualité d'employeur de l'intéressée, de prendre en charge son indemnisation ; que le centre hospitalier n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 25 juillet 1988 par laquelle son directeur a refusé d'accorder à Mme X... des allocations d'assurance chômage ; »

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