Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

C'était il y a bien longtemps à Toulon deux "filles de joie" allaient contribuer sans le savoir à forger la jurisprudence du Conseil d'Etat ...

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J’ai eu déjà l’occasion sur www.jurisconsulte.net , en posant une question fondamentale pour la doctrine et la recherche, de m’interroger sur un problème juridique majeur pour l’ensemble de la communauté des juristes, consistant à me demander si des SMS d'amour adressés à une salariée par son supérieur hiérarchique et ex-amant pouvaient suffire à constituer un harcèlement sexuel.

Le commentaire d’un arrêt de principe de la Cour de cassation, qui a heureusement tranché négativement cette lancinante question, m’avait permis de faire un tour d’horizon cette fois ci très exhaustif et très documenté sur les relations hommes/femmes ou femmes/homme suivant nos genres respectifs.

Mais en ma qualité d'avocat publiciste de renommée départementale (Val de Marne et peut-être le Var et ses environs), je ne pouvais pas ne pas parler, de ces grandes « Dames » qui ont contribué à forger la jurisprudence du Conseil d’Etat.

Parmi ces personnalités dont le nom a été livré pour l’éternité à la postérité par le Conseil d'Etat, figurent bien sûr les Dames Dol et Laurent, figures bien connus ou cauchemar des étudiants en droit de deuxième année.

Je vais donc commencer par elles avant de vous raconter dans de probables futures chroniques l’histoire de la Dame Cachet (C.E. 3 nov. 1922, Dame Cachet, Rec. 790), de la Demoiselle Bobard (Conseil d'Etat, Assemblée, du 3 juillet 1936, 43239 43240, publié au recueil Lebon), de la Dame Mélinette, (T.C. 11 juill. 1933, Dame Mélinette, Rec. 1237, concl. Rouchon-Mazerat), de la Dame Veuve Trompier-Gravier (C.E. sect. 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, Rec. 133), de la Demoiselle Mimeur (elle n’était pas mariée elle) (C.E. ass. 18 nov. 1949, Demoiselle Mimeur, Rec. 492), de la Dame de la Murette (très chic n’est-ce pas) (T.C. 27 mars 1952, Dame De La Murette, Rec. 626), de la Veuve Renard (la pauvre) (C.E. ass. 27 nov. 1964,Veuve Renard, Rec.590, concl. Galmot), etc.

J’ai eu déjà l’occasion sur ce site, en posant une question fondamentale pour la doctrine et la recherche, de m’interroger sur un problème juridique majeur pour l’ensemble de la communauté des juristes, consistant à me demander si des SMS d'amour adressés à une salariée par son supérieur hiérarchique et ex-amant pouvaient suffire à constituer un harcèlement sexuel.

Le commentaire d’un arrêt de principe de la Cour de cassation, qui a heureusement tranché négativement cette lancinante question, m’avait permis de faire un tour d’horizon cette fois ci très exhaustif et très documenté sur les relations hommes/femmes ou femmes/homme suivant nos genres respectifs.

Mais en ma qualité d'avocat publiciste de renommée départementale (Val de Marne et peut-être le Var et ses environs), je ne pouvais pas ne pas parler, de ces grandes « Dames » qui ont contribué à forger la jurisprudence du Conseil d’Etat.

Parmi ces personnalités dont le nom a été livré pour l’éternité à la postérité par le Conseil d'Etat, figurent bien sûr les Dames Dol et Laurent, figures bien connus ou cauchemar des étudiants en droit de deuxième année.

Je vais donc commencer par elles avant de vous raconter dans de probables futures chroniques l’histoire de la Dame Cachet (C.E. 3 nov. 1922, Dame Cachet, Rec. 790), de la Demoiselle Bobard (Conseil d'Etat, Assemblée, du 3 juillet 1936, 43239 43240, publié au recueil Lebon), de la Dame Mélinette, (T.C. 11 juill. 1933, Dame Mélinette, Rec. 1237, concl. Rouchon-Mazerat), de la Dame Veuve Trompier-Gravier (C.E. sect. 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, Rec. 133), de la Demoiselle Mimeur (elle n’était pas mariée elle) (C.E. ass. 18 nov. 1949, Demoiselle Mimeur, Rec. 492), de la Dame de la Murette (très chic n’est-ce pas) (T.C. 27 mars 1952, Dame De La Murette, Rec. 626), de la Veuve Renard (la pauvre) (C.E. ass. 27 nov. 1964,Veuve Renard, Rec.590, concl. Galmot), etc.

Et puis, que de souvenir émus pour mes révisions d’alors et la lecture interminable et assidue, aux beaux jours d’avril sur le cour Mirabeau à Aix en Provence, de ce magnifique GAJA (aujourd’hui Les grands arrêts de la jurisprudence administrative - 18e éd. Broché – 31 août 2011 de Marceau Long (Auteur), Prosper Weil (Auteur), Guy Braibant (Auteur), Pierre Delvolvé (Auteur), Bruno Genevois (Auteur) , alors que les filles étaient si belles, avec leur jolie tenue printanière, laissant entrevoir plein de belles promesses sous de haut platanes centenaires et sous le regard ahuri de quelques consommateurs avachis dans des fauteuils de bar en osier.

Et puis, quelle « tachycardie » en pensant à cette jolie blonde, assise dans l’amphi à deux rang à peine de moi, dégageant les effluves discrètes et suaves d’un parfum Chanel dont j’ai oublié le quantième, qui m’avait incité à choisir le droit public, pour être dans le même TD qu’elle, plus près d’elle, mais ayant découvert plus tard qu’elle était uniquement intéressée, l’ingrate, par ma passion naissante du droit administratif, alors que je croyais naïvement que c’était par admiration pour mon corps de rêve de jeune adulte fraîchement déniaisé.

Il est vrai que les femmes ne savent pas toujours reconnaître les hommes de grande classe et très modestes de surcroit. (Toute ressemblance avec une personne existante ou ayant existé ne serait que pure coïncidence).

Mais venant en maintenant aux faits de la cause qui nous préoccupe.

Les faits se sont déroulés en 1916, en pleine guerre de 1914-1918 à Toulon où la Dame Dol se disant fille publique, inscrite sur le registre de la police des mœurs, à Toulon Var , et sa collègue de « bitume », la Dame Laurent, inscrite sur le même registre, toutes deux demeurant dans la même ville, ont saisi le Conseil d'Etat le 31 juillet 1916 d’une requête tendant à ce qu'il lui plaise d’annuler, pour excès de pouvoir, trois arrêtés, en date des 9 avril, 13 mai et 24 juin 1916, par lesquels le vice-amiral préfet maritime, gouverneur de Toulon avait réglementé, dans cette ville, la police des mœurs.

Ces « petites alliés » au trop grand cœur, qui « soulageaient contre rétribution » les militaires qui partaient pour le front d'Orient ou qui en revenaient, considéraient que par ses arrêtés en date des 9 avril, 13 mai et 24 juin 1916, le préfet maritime, gouverneur du camp retranché de Toulon, avait interdit, d'une part, à tous propriétaires de cafés, bars et débits de boissons, de servir à boire à des filles, tant isolées qu'accompagnées et de les recevoir dans leurs établissements , et qu’ainsi il avait outrepassé les pouvoirs qui lui avaient été conférés.

D’autre part, à toute fille isolée de racoler en dehors du quartier réservé (appelé dans les années 80 Chicago) et à toute femme ou fille de tenir un débit de boissons ou d'y être employée à un titre quelconque.

Ce très chaste marin de très haut rang avait prévu comme sanctions à ces arrêtés le dépôt au « violon », également appelé « gnouf » ou « trou » ou « taule » ou « cabane » ou « mitard », des filles par voie disciplinaire ainsi que leur expulsion du camp retranché de Toulon en cas de récidive et la fermeture au public des établissements où seraient constatées des infractions auxdits arrêtés.

Mais si les Dames Dol et Laurent avaient la « cuisse hospitalière », elle n’en avait pas moins de très fines connaissances de droit public et de contentieux administratif, car se disant filles galantes, elles ont formé un recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir, des mesures énumérées ci-dessus comme prises en dehors des pouvoirs qui appartenaient au préfet maritime.

Elle avaient déjà, certainement entre deux passes ou peut-être pendant qu’elles effectuaient une petite « gâterie tarifée » à un marin ou à un soldat de l’infanterie coloniale en goguette, tous les deux en manque cruel d’affection, réfléchissait et construisait la règle relative aux pouvoirs de police dont l'autorité publique dispose pour le maintien de l'ordre et de la sécurité, tant en vertu de la législation municipale, que de la loi du 9 août 1849, en en déduisant que ceux-ci ne sauraient être les mêmes dans le temps de paix et pendant la période de guerre où les intérêts de la défense nationale donnent au principe de l'ordre public une extension plus grande et exigent pour la sécurité publique des mesures plus rigoureuses.

Désormais, grâce à deux « péripatéticiennes éminentes juristes de droit public », il appartient désormais au juge, sous le contrôle duquel s'exercent ces pouvoirs de police, de tenir compte, dans son appréciation, des nécessités provenant de l'état de guerre, selon les circonstances de temps et de lieu, la catégorie des individus visés et la nature des périls qu'il importe de prévenir.

Cette jurisprudence vieille de 99 ans est terriblement moderne et d’actualité si on la transpose aujourd’hui au terrorisme.

Mais attendez un peu, en réfléchissant, je me demande si le client qui m’a traité il y a quelques mois de « fils de p…. » parce que je lui réclamais un impayé d’honoraires, n’était pas aussi un publiciste … et connaissait bien la jurisprudence Dame Dol et Laurent…

Les juges du Palais Royal, lieu également prédestiné (les jardins du palais royal où de 1800 à 1807, des filles publiques venaient y exercer leur commerce et on disait « faire leur palais »), ont considéré qu'au cours de l'année 1916, les conditions dans lesquelles les agissements des filles publiques se sont multipliés à Toulon ont, à raison tant de la situation militaire de cette place forte que du passage incessant des troupes à destination ou en provenance de l'Orient, présentait un caractère tout particulier de gravité dont l'autorité publique avait le devoir de se préoccuper au point de vue tout à la fois du maintien de l'ordre, de l'hygiène et de la salubrité et aussi de la nécessité de prévenir le danger que présentaient pour la défense nationale la fréquentation d'un personnel suspect et les divulgations qui pouvaient en résulter.

Il leurs est donc apparu que les mesures faisant l'objet du présent pourvoi s'imposaient pour sauvegarder d'une manière efficace tout à la fois la troupe et l'intérêt national.

Il est vrai qu’à cette époque, la galanterie vénale sévissait avec une ampleur inquiétante dans la ville de Toulon et l’autorité maritime se devait de protéger les militaires contre la tentation d'acheter des plaisirs qui risquaient d'avoir de fâcheuses conséquences pour leur santé (syphilis, chaude pisse, chancre mou, blennorragie, chancre syphilitique…), mais encore de les transformer en agents inconscients de l'espionnage ennemi, car c’est bien connu, les hommes se confient beaucoup sur le théâtre de leurs ébats amoureux, après bien sûr avoir atteint égoïstement le septième ciel en oubliant malheureusement trop souvent leur partenaire.

En conséquence, si dans ce but certaines restrictions ont dû être apportées à la liberté individuelle en ce qui concerne les filles et à la liberté du commerce en ce qui concerne les débitants qui les reçoivent, ces restrictions, dans les termes où elles sont formulées, n'excèdent pas la limite de celles que, dans les circonstances relatées, il appartenait au préfet maritime de prescrire.

Ainsi, en les édictant, le préfet maritime a fait un usage légitime des pouvoirs à lui conférés par la loi.

La requête des dames Dol et Laurent a donc été malheureusement rejetée du fait de la situation de guerre du moment qui justifiait les mesures du Préfet maritime de Toulon.

SOURCE : Conseil d'Etat, du 28 février 1919, 61593, publié au recueil Lebon :« Ne sont pas entachés d'excès de pouvoir, comme portant atteinte à la liberté du commerce et à la liberté individuelle, les arrêtés par lesquels, en temps de guerre, le préfet maritime, agissant en vertu de la loi du 9 août 1849, sur l'état de siège, a réglementé la police des mœurs à Toulon en interdisant aux débitants de boissons de recevoir dans leurs établissements des filles accompagnées ou non et de leur servir à boire, - en défendant aux filles de tenir un débit de boissons, et en ordonnant en cas de contravention la fermeture des débits, et l'internement des filles dans le violon municipal par voie de mesure disciplinaire : il appartient à l'autorité, eu égard aux circonstances particulières de l'époque, et à l'importance de la place forte, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le maintien de l'ordre, de l'hygiène et de la salubrité publique et prévenir le danger que présentaient pour la défense nationale la fréquentation d'un personnel suspect et les divulgations qui pouvaient en résulter. »

Désarroi ...

C'est vrai, l'esprit est prompt mais la chair est faible.

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