Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Le juge administratif peut-il être tenu de faire droit à une demande de délai supplémentaire pour la production d’un mémoire en défense ?

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OUI : mais seulement dans le cas où des motifs tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient. Ainsi, une demande de délai motivée par la technicité du dossier justifiant le recours à un avocat et le délai de six mois dont l'administration avait bénéficié pour la production de son mémoire en défense ne peut suffire à obtenir un report de délai. Il est important de noter que le dépassement du délai fixé aux parties par une juridiction administrative pour la production d’un mémoire au moment de la notification des écritures adverses n’est pas automatiquement sanctionné.

L’article R.611-10 du code de justice administrative dispose que : « Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige. Le président de la formation de jugement peut déléguer au rapporteur les pouvoirs qui lui sont conférés par les articles R. 611-7R. 611-8-1R. 611-8-5R. 611-11, R. 612-3R. 612-5R. 613-1 et R. 613-4. » 

Le dépassement du délai fixé aux parties pour la production d’un mémoire au moment de la notification des écritures adverses, délai que l’on peut consulter sur le site http://sagace.juradm.fr  au moyen du code d’accès confidentiel mentionné sur l’accusé de réception de la requête ou sur l'avis de notification du mémoire, n’est pas automatiquement sanctionné sous réserve bien sûr de l’application de l’article R. 612-3 du code de justice administrative qui précise que : « Lorsqu'une des parties appelées à produire un mémoire n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti en exécution des articles R. 611-10, R. 611-17 et R. 611-26, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, le président de la chambre chargée de l'instruction peut lui adresser une mise en demeure.

En cas de force majeure, un nouveau et dernier délai peut être accordé.

Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la mise en demeure peut être assortie de l'indication de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience. Elle reproduit alors les dispositions du dernier alinéa de l'article R. 613-1 et du dernier alinéa de l'article R. 613-2. Les autres parties en sont informées.

Cette information ne tient pas lieu de l'avertissement prévu à l'article R. 711-2. » 

Dans un arrêt en date du 19 septembre 2016, le Conseil d’Etat rappelle que le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation de faire droit à une demande de délai supplémentaire formulée par une partie pour produire un mémoire et peut, malgré cette demande, mettre au rôle l'affaire, hormis le cas où des motifs tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient. Il n'a pas davantage à motiver le refus qu'il oppose à une telle demande. Aucune disposition du code de justice administrative ne lui impose de viser cette demande de délai supplémentaire.

En l’espèce, l'administration fiscale a produit un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2014 au greffe du tribunal administratif de Montreuil, communiqué le même jour au requérant avec un délai de vingt jours pour y répondre.

Par un courrier enregistré le 5 mai 2014, ce dernier a demandé à bénéficier d'un délai supplémentaire de trois mois en se prévalant de la technicité du dossier justifiant le recours à un avocat et du délai de six mois dont l'administration avait bénéficié pour la production de son mémoire en défense.

Il n'a ainsi fait état d'aucune circonstance constituant un motif tiré des exigences du débat contradictoire qui aurait imposé au tribunal de faire droit à la demande et de reporter l'audience fixée le 7 mai 2014 au 5 juin suivant.

Dès lors, le tribunal, qui n'était pas tenu de viser cette demande, en refusant de lui donner un délai supplémentaire pour produire son mémoire en réplique et en enrôlant l'affaire, n'a méconnu ni le caractère contradictoire de la procédure contentieuse, ni les droits de la défense ni, en tout état de cause, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SOURCE : Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 19/09/2016, 383781

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