Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Un détournement de fonds commis par un salarié au détriment de son employeur est-il toujours fiscalement déductible ?

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NON : si le comportement délibéré des dirigeants, associés ou investis de la qualité de mandataire social, ou leur carence manifeste dans l'organisation de la société et la mise en œuvre des dispositifs de contrôle, contraires à l'intérêt de la société, ont été à l'origine, directe ou indirecte, de ces détournements. Ainsi, dans un arrêt en date du 5 octobre 2007 dit « SOCIETE ALCATEL CIT », le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser que les détournements de fonds commis par des salariés au détriment d'une société ne sont pas déductibles en pertes si le comportement délibéré des dirigeants, associés ou investis de la qualité de mandataire social, ou leur carence manifeste dans l'organisation de la société et la mise en œuvre des dispositifs de contrôle, contraires à l'intérêt de la société, ont été à l'origine, directe ou indirecte, de ces détournements.

Si ces détournements ont été rendus possibles par les conditions dans lesquelles s'est opérée la réorganisation du département au sein duquel travaillaient ces salariés, par la délégation alors maintenue à l'un d'entre eux en dépit de l'opacité de fonctionnement de ce département et par la défaillance du contrôle interne de la société à repérer les anomalies et irrégularités comptables révélatrices des détournements, ces circonstances ne révèlent pas un comportement délibéré ou une carence manifeste des dirigeants de la société dans l'organisation de ce département ou dans la mise en œuvre des dispositifs de contrôle qui serait à l'origine, directe ou indirecte, des détournements.

Dans ces conditions, les détournements doivent être réputés avoir été commis à l'insu de la société.

Par suite, c'est à tort que l'administration a regardé la perte résultant de ces détournements comme causée par un acte anormal de gestion et en a refusé la déduction.
  • La notion de risque excessif :

 Conseil d'Etat, 7 / 8 SSR, du 17 octobre 1990, 83310, publié au recueil Lebon

« Le contribuable, qui exerçait la profession de remisier en bourse, a versé à ses clients au cours des années 1977 à 1980 pour les garantir des pertes résultant de la gestion de leur portefeuille des sommes d'un montant plusieurs fois supérieur à ses recettes professionnelles sans y être tenu par contrat. Dans ces conditions, s'il a pu, dans l'intérêt de son entreprise, accorder cette garantie pendant les années 1977 et 1978, en revanche, et eu égard tant à l'expérience qu'il avait progressivement acquise dans l'exercice de son activité qu'à l'importance des pertes déjà effectuées, il a, en persistant à offrir cette garantie de bonne fin, au cours des deux années suivantes, excédé manifestement les risques qu'un chef d'entreprise peut être conduit à prendre pour améliorer les résultats de son exploitation. Ainsi l'administration établit que, pour les années 1979 et 1980, les remboursements auxquels le contribuable a procédé constituent des actes étrangers à une gestion commerciale normale. »

Conseil d'Etat, Plénière, du 27 juillet 1988, 54510, publié au recueil Lebon

« Un redressement ayant été fondé sur le refus par l'administration de déduire certaines charges correspondant à des factures fictives ou à des commissions d'un montant exagéré versées à des tiers, la société fait valoir que les écritures correspondantes ont été passées à son insu par un salarié pour masquer des détournements frauduleux que celui-ci aurait commis au préjudice de la société. Ce salarié avait été désigné comme directeur général de la société par le conseil d'administration. En vertu des articles 115 et 117 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, cette désignation a conféré à l'intéressé la qualité de mandataire social. Par suite, en admettant même que ces écritures doivent être toutes imputées à ce mandataire, le moyen tiré de ce qu'elles ont été passées à l'insu de la société ne peut en tout état de cause être accueilli. Maintien du redressement et des pénalités pour manœuvres frauduleuses auxquels la société a été assujettie, l'administration établissant que, eu égard à la nature-même de ces écritures, qui impliquent une démarche délibérée, la société s'est rendue coupable de telles manœuvres. »

SOURCE : Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 05/10/2007, 291049, Publié au recueil Lebon

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