NON : car l’altercation n’est pas à l’origine des troubles ayant justifié le placement en congé maladie du fonctionnaire. Dans son arrêt en date du 19 juillet 2016, la Cour administrative de Nantes a jugé que si l’altercation avec la supérieure hiérarchique du fonctionnaire dépressif depuis de nombreuse années, a pu jouer un rôle dans la dégradation de son état de santé, compte tenu de la concomitance entre la dégradation de ses conditions de travail et celle de son état de santé, elle n'est pas à l'origine des troubles qui ont justifié son placement en congés de longue maladie. Ainsi, la preuve de l'imputabilité au service de la maladie de la requérante ne peut être regardée comme établie. Je profite de rappeller à cette occasion qu’un fonctionnaire en maladie non imputable au service peut tout de même obtenir une indemnisation complémentaire pour faute de son employeur si le lieu de travail, du fait de la carence de l’employeur public dans ses obligations, a contribué à la maladie du fonctionnaire, sans toutefois en être essentiellement et directement la cause, car il peut y avoir aussi des causes extra professionnelles à sa pathologie. Dans un arrêt en date du 31 décembre 2011, le Conseil d’Etat considère qu’un fonctionnaire peut faire une demande préalable d’indemnisation en invoquant la responsabilité de son employeur public pour manquement à ses obligations de sécurité et de protection des agents même si sa maladie n’a pas été prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles du fait qu’il n'est pas établi qu'elle serait essentiellement et directement causée par son travail habituel. Il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise, par exemple, l'article 2-1 introduit par le décret n° 2000-542 du 16 juin 2000 dans le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale.
Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 30/12/2011, 330959
Mme F... B ... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 24 octobre 2013 par laquelle le recteur de l'académie de Caen a refusé de reconnaître comme maladie professionnelle l'affection dont elle est atteinte ainsi que celle du 18 décembre 2013 portant rejet de son recours gracieux.
Mme B ..., professeure des écoles, a été nommée directrice de l'école de Montebourg à compter du 1er septembre 2010, à la suite de la fusion de cette école avec l'école élémentaire de Réville dont elle avait été la directrice de 2006 à 2010.
Elle a été placée en congé de longue maladie du 5 au 29 janvier 2010, puis du 30 mars au 11 avril 2010, ainsi que du 3 juin au 2 juillet 2010 et du 3 septembre 2010 au 2 septembre 2013.
Par un courrier du 31 juillet 2012, Mme B ... a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail qui lui ont été prescrits à compter du 11 avril 2010.
La commission de réforme, réunie le 11 octobre 2013, a émis un avis défavorable à l'imputabilité au service de ces arrêts de travail.
Par une décision du 24 octobre 2013, le recteur de l'académie de Caen a rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle et, ce faisant, refusé la requalification des congés de longue maladie.
Mme B ... a saisi le ministre de l'éducation nationale d'un recours hiérarchique le 14 novembre 2013, rejeté par une décision du 18 décembre 2013.
Mme B ... demande l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Caen, ainsi que de la décision du ministre de l'éducation nationale.
Mme B ... soutient que son état dépressif, apparu à la suite d'une altercation avec sa supérieure hiérarchique, inspectrice de l'éducation nationale du secteur, en 2007, serait imputable au service compte tenu de la concomitance entre la dégradation de ses conditions de travail et celle de son état de santé.
Figurent au dossier quatre certificats médicaux s'échelonnant de mai 2010 à juin 2014, émanant notamment du médecin généraliste suivant Mme B..., ainsi que trois rapports du Dr E..., expert psychiatre mandaté par le médecin secrétaire du comité médical départemental pour l'octroi, puis le renouvellement, d'un congé de longue maladie, établis les 28 septembre 2010, 4 mai 2011 et 9 janvier 2012, et deux rapports d'expertises du Dr A..., expert psychiatre mandaté par le rectorat de l'académie de Caen en vue de la détermination de l'origine de la maladie de Mme B ..., établis les 24 juin et 9 août 2013.
Ces derniers rapports concluent à ce que l'épisode dépressif majeur que connait Mme B ... depuis 2007 est imputable au service dans la mesure où si « la structure de personnalité de l'agent est névrotique à versant hystérique », « il n'existe pas de pathologie psychiatrique préexistante, indépendant de la maladie professionnelle ».
Toutefois, en raison de l'absence de précisions tenant à la date de guérison ou de stabilisation de la maladie et du taux d'incapacité permanente partielle arrêté à la date de stabilisation de l'état de santé de l'intéressée, le rectorat a demandé au Dr A ... de préciser son expertise.
Ce dernier a indiqué sans précision dans son second rapport que « la date de guérison ou de stabilisation de la maladie peut être déterminée en octobre 2012 » et que « le taux d'incapacité permanente partielle arrêté à la date de la stabilisation est de 25% ».
Ces indications, apportées sans justifications médicales, ne permettent pas de tenir pour établi que l'état dépressif dont souffre Mme B ... serait directement lié à la prétendue dégradation du contexte professionnel et, plus particulièrement, des relations avec l'inspectrice de l'éducation nationale.
Au surplus, les rapports d'expertises établis par le Dr E ..., lors de l'octroi puis du renouvellement des congés de longue maladie, font état de « symptômes déjà décrits en 1995 avec une rechute plutôt dans le domaine d'un trouble anxieux avec des somatisations importantes » et conseillent à Mme B ... « une prise en charge psychiatrique spécialisée ».
Malgré ces constatations, Mme B ... n'a fait l'objet d'aucun suivi spécialisé ni fait établir de diagnostic précis concernant son état clinique.
Le certificat établi le 5 mai 2010 par le Dr C ... mentionne que Mme B ... présenterait des « troubles nerveux » depuis 2005.
Le certificat médical établi par le Dr D ... le 14 décembre 2011 fait état d'un syndrome anxio-dépressif présent « depuis plusieurs années ».
Dans son arrêt en date du 19 juillet 2016, la Cour administrative de Nantes a jugé que dans ces conditions, si l'épisode professionnel de fin 2007 rapporté par Mme B ... a pu jouer un rôle dans la dégradation de son état de santé, il n'est pas à l'origine des troubles qui ont justifié son placement en congés de longue maladie. Ainsi, la preuve de l'imputabilité au service de la maladie de la requérante ne peut être regardée comme établie. Dès lors, l'administration pouvait légalement refuser de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de Mme B ... et, ce faisant, refuser de prendre en compte les arrêts de travail au titre de la maladie professionnelle.
Il résulte de tout ce qui précède que Mme B ... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation des décisions contestées.
SOURCE : Cour Administrative d'Appel de Nantes, 4ème chambre, 19/07/2016, 14NT01620, Inédit au recueil Lebon