Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

La mutation « disciplinaire » d’un fonctionnaire justifiée par une perte de confiance de sa hiérarchie est-elle légale ?

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OUI : dans un arrêt en date du 3 mai 2016, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que la mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier en amoindrissant sensiblement les responsabilités qui étaient les siennes auparavant, en le privant de toute fonction d'encadrement et d'animation d'équipe, et  provoquant une diminution de son salaire du fait de la disparition des indemnités d'astreintes afférentes à ses anciennes fonctions.

M. C..., agent de maîtrise territorial au service des ordures ménagères de la commune d'Arles, a été affecté, par une décision du 22 février 2012, à la régie des œuvres au sein du musée Réattu en qualité d'assistant technique avec une date d'effet fixée au 12 mars suivant.

Placé en arrêt de travail à compter du 2 avril 2012, il a sollicité auprès de ladite commune ce qui doit être regardé comme une demande d'imputabilité de sa maladie au service à laquelle, par une décision du 12 avril 2012, le maire de la commune d'Arles a refusé de faire droit.

Par un jugement du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces deux décisions.

Devant la Cour, dans un requête enregistrée sous le n° 14MA04758, la commune d'Arles demande l'annulation de ce jugement.

Dans l'instance enregistrée sous le n° 14MA04720, M. C... demande son annulation en tant seulement que le tribunal a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune d'Arles de procéder à sa réintégration dans ses fonctions au service des ordures ménagères.

Aux termes de l'article 52 de la loi visée du 26 janvier 1984 : « L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires (...) »

1°) La nouvelle affectation du fonctionnaire ne doit pas s’accompagner d’ un amoindrissement même sensible des responsabilités et une diminution de salaire.

En l’espèce,  si les nouvelles fonctions d'assistant technique confiées à M. C... au sein de la régie des œuvres du musée Réattu ne présentaient pas de lien avec celles qu'il exerçait auparavant au service des ordures ménagères de la commune, elles n'en demeurent  qu'il ressort néanmoins des pièces du dossier, en particulier de la fiche de poste en question, que son affectation au musée Réattu s'est notamment accompagnée d'un amoindrissement sensible des responsabilités qui étaient les siennes auparavant, en le privant de toute fonction d'encadrement et d'animation d'équipe, ainsi que d'une diminution de son salaire du fait de la disparition des indemnités d'astreintes afférentes à ses anciennes fonctions.

Que ce changement d'affectation présentait, par suite, non le caractère d'une mesure d'ordre intérieur, mais celui d'une mutation comportant une modification de la situation de l'intéressé susceptible, contrairement à ce que soutient la commune, de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. (ce n’est donc pas une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours).

2° l’intention disciplinaire de la mutation dans l'intérêt du service du fonctionnaire lui donne la qualification de sanction disciplinaire déguisée.

Il est clairement établi par les pièces du dossier que la commune d'Arles a manifesté, à plusieurs reprises, son intention de sanctionner M. C...  pour s'être autorisé à effectuer des heures supplémentaires sans autorisation préalable ou pour avoir fait de fausses déclarations d'heures supplémentaires.

Ce sujet a notamment été évoqué lors de réunions qui se sont déroulées les 13 et 23 janvier 2012, ainsi que lors d'une réunion du 8 février 2012 au cours de laquelle le directeur général des services par intérim avait alors expressément indiqué à l'intéressé que la perte de confiance de sa hiérarchie justifiait un changement de service et qui s'était conclue, selon son compte-rendu, de la manière suivante : «  (...) il est convenu de se revoir sous dix jours afin de fixer le niveau de sanction et d'officialiser le changement de service de M. C... »

Enfin, dans un courrier daté du 20 avril 2012 adressé au maire de la commune d'Arles, le premier adjoint indiquait que la mutation de M. C... avait eu lieu dans l'attente d'une commission disciplinaire.

Dans ces conditions, la décision d'affectation contestée du 22 février 2012 constituant en réalité une sanction disciplinaire déguisée, M. C..., qui n'a pu bénéficier des garanties préalables requises pour toute sanction, est fondé à soutenir qu'elle se trouve entachée d'un vice de procédure et, partant, à en demander l'annulation.

SOURCE : CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 03/05/2016, 14MA04720, Inédit au recueil Lebon

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