NON : car tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade. Ainsi le Ministre de l’intérieur a le choix , entre « réaffecter » le fonctionnaire de police sur « un emploi administratif du ministère de l'intérieur », compatible avec l'interdiction prononcée par le juge d'instruction, par la voie du détachement ou de la mise à disposition, ou le suspendre sur le fondement de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, mais dans ce cas le traitement du fonctionnaire est maintenu pendant quatre mois et ensuite, en cas de procédure pénale en cours, le traitement pourra être réduit jusqu’à la moitié. Le ministre de l'intérieur ne peut donc plus le priver de traitement pour absence de service fait.
CONSEIL : faire une demande de réaffectation sur un emploi administratif compatible avec l'interdiction prononcée par le juge d'instruction.
En cas d’absence de réponse pendant 2 mois ou de réponse négative, saisir dans les 2 mois suivant le tribunal administratif compétent d’un recours en annulation pour excès de pouvoir (REP) assorti d’une requête en référé suspension pour obtenir la suspension de la décision et une injonction de réaffectation sur un emploi administratif du ministère.
Il faut savoir que le délai de prescription pour demander une indemnisation à l’administration est de 4 ans décomptés à partir du 1er janvier suivant l’année de la suspension du traitement.
Dans un arrêt en date du 27 novembre 2015, le Conseil d’Etat a considéré que sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade, a retenu comme étant de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise l'administration en estimant que les dispositions applicables lui interdisaient d'affecter M. A... sur un emploi en dehors de la police nationale.
Il n'a, ce faisant, eu égard à son office et alors même qu'une telle affectation n'aurait pu se faire que par la voie du détachement ou de la mise à disposition, pas commis d'erreur de droit ni entaché son ordonnance d'une contradiction de motifs.
En enjoignant au ministre de l'intérieur d'affecter M. A ... sur « un emploi administratif du ministère de l'intérieur », le juge des référés a entendu, conformément aux conclusions dont il était saisi et aux obligations résultant de l'ordonnance du juge d'instruction, prescrire que l'intéressé soit affecté sur un emploi du ministère ne relevant pas des services de la police nationale.
L'injonction qu'il a prononcée ne saurait s'entendre comme faisant obstacle à ce que le ministre décide de suspendre l'intéressé sur le fondement des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983.
Le moyen tiré de ce que le juge des référés, en prononçant cette injonction, aurait statué au-delà des conclusions dont il était saisi doit être écarté.
En l’espèce, M.A ..., major de police affecté au service de la protection du ministère de l'intérieur, a été mis en examen des chefs de viol et harcèlement sexuel par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions.
Par une ordonnance du 8 janvier 2015, le juge d'instruction l'a placé sous contrôle judiciaire en lui interdisant notamment d'exercer des fonctions au sein d'un service de police.
Par un arrêté du 11 février 2015, le ministre de l'intérieur l'a privé de traitement à compter du 8 janvier 2015 pour absence de service fait.
Par un courrier du 25 février 2015, M. A ... a exposé les graves difficultés financières auxquelles il faisait face et a demandé à être affecté sur un emploi compatible avec l'interdiction prononcée par le juge d'instruction.
Le silence gardé par le ministre a fait naître une décision implicite de rejet.
Par une ordonnance du 19 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi par l'intéressé, a suspendu cette décision sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative et a ordonné que M. A ...soit affecté dans un délai de quinze jours sur un emploi administratif du ministère de l'intérieur.
Par un recours et un pourvoi qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat de surseoir à l'exécution de cette ordonnance et d'en prononcer l'annulation.
SOURCE : Conseil d'État, 5ème SSJS, 27/11/2015, 390793, Inédit au recueil Lebon