OUI : dans un arrêt en date du 21 mars 2016, le Conseil d’Etat considère que les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l'exercice des missions dont elles sont investies peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu'ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance.
Ces actes peuvent également faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, introduit par un requérant justifiant d'un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu'ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s'adressent.
Dans ce cas, il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité de ces actes en tenant compte de leur nature et de leurs caractéristiques, ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité de régulation. Il lui appartient également, si des conclusions lui sont présentées à cette fin, de faire usage des pouvoirs d'injonction qu'il tient du titre Ier du livre IX du code de justice administrative.
La prise de position attaquée, adoptée par l'Autorité de la concurrence dans le cadre de l'exécution d'une injonction figurant dans une autorisation de concentration, a pour effet, en reconnaissant à la société Groupe Canal Plus la possibilité d'acquérir des droits de distribution exclusive de chaînes de télévision sur la plateforme de Numéricâble, de permettre à la société Groupe Canal Plus de concurrencer la société NC Numéricâble sur sa plateforme.
Cette prise de position est de nature à avoir des effets économiques notables ; elle a, en outre, pour objet de modifier le comportement des opérateurs sur le marché de l'acquisition de droits de distribution de chaînes de télévision.
Dans ces conditions, la délibération attaquée doit être regardée comme faisant grief à la société NC Numéricâble.
L'Autorité de la concurrence tire de l'article L.430-7 du code de commerce la faculté de les modifier pour en réduire ou même en supprimer la portée en fonction de l'évolution de la situation des marchés pertinents et de l'utilité de la poursuite de l'exécution de ces engagements, injonctions ou prescriptions.
Il suit de là qu'elle peut également, dans les mêmes conditions, modifier la portée pratique de ces engagements, injonctions ou prescriptions.
La prise de position attaquée, adoptée par l'Autorité de la concurrence dans le cadre de l'exécution d'une injonction figurant dans une autorisation de concentration, a pour effet, en reconnaissant à la société Groupe Canal Plus la possibilité d'acquérir des droits de distribution exclusive de chaînes de télévision sur la plateforme de Numéricâble, de permettre à la société Groupe Canal Plus de concurrencer la société NC Numéricâble sur sa plateforme. Cette prise de position est de nature à avoir des effets économiques notables.
Elle a, en outre, pour objet de modifier le comportement des opérateurs sur le marché de l'acquisition de droits de distribution de chaînes de télévision. Dans ces conditions, la délibération attaquée doit être regardée comme faisant grief à la société NC Numéricâble.
Les moyens tirés de l'incompétence de l'Autorité de la concurrence, de la violation du principe général des droits de la défense et de la méconnaissance des règles de répartition des compétences à l'intérieur de l'Autorité de la concurrence sont opérants contre une telle prise de position.
SOURCE : Conseil d'État, Assemblée, 21/03/2016, 390023, Publié au recueil Lebon