Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Un message électronique à caractère impératif de l’administration peut-il faire l’objet d’un recours contentieux ?

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OUI : dans un arrêt en date du 3 février 2016, le Conseil d’Etat considère qu’un message électronique émanant du directeur général de l'offre de soins du ministère de la santé, adressé aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) et présentant un caractère impératif a le caractère d'une circulaire, qui peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en application de la jurisprudence Duvignères.

En l’espèce, le 16 janvier 2014, la direction générale de l'offre de soins du ministère de la santé a fait envoyer, par l'équipe en charge de la gestion du réseau des agences régionales de santé (ARS), un message électronique aux directeurs généraux de ces agences relatif à l'inscription des infirmiers au tableau de leur ordre professionnel.

L'auteur de ce message rappelait qu'en vertu de la loi, l'inscription au tableau constituait une des conditions d'exercice de la profession et qu'il appartenait aux instances ordinales d'engager des poursuites contre les infirmiers qui ne respectaient pas cette obligation.

Il précisait toutefois qu'en raison de la réflexion en cours sur une évolution législative, à laquelle la ministre chargée de la santé s'était déclarée favorable, les instances ordinales avaient été invitées à " faire preuve de modération " dans leur rappel au respect de cette règle et qu'il n'était " pas demandé aux ARS de relayer sous une forme ou sous une autre ce rappel des règles ".

Il ajoutait que l'inscription au fichier, dénommé ADELI, de gestion de l'enregistrement et des listes départementales de certaines professions et usages de titres professionnels n'était " pas conditionnée par l'inscription ordinale " et qu'en conséquence les ARS pouvaient y procéder sans exiger au préalable la justification d'une inscription au tableau de l'ordre.

Le conseil national de l'ordre des infirmiers demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet acte ainsi que de la décision du 13 mai 2014 par laquelle le ministre en charge de la santé a implicitement rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit retiré.

SOURCE : Conseil d'État, 5ème / 4ème SSR, 03/02/2016, 381203

JURISPRUDENCE :

 Conseil d'Etat, Section du Contentieux, du 18 décembre 2002, 233618, publié au recueil Lebon (Duvignère)

« L'interprétation que l'autorité administrative donne, notamment par voie de circulaires ou d'instructions, des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en œuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief.

En revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction font grief, tout comme le refus de les abroger.

Le recours formé contre les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doit être accueilli :

a) Si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ;

b) Si l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entend expliciter

c) Si cette interprétation réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure

Il résulte des dispositions de l'article 5 de la loi du 10 juillet 1991 que le législateur a entendu, d'une part, exclure l'allocation de logement familiale des ressources à prendre en compte pour apprécier le droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'autre part, laisser au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités suivant lesquelles certaines prestations sociales à objet spécialisé doivent être retenues au même titre. Ainsi, la possibilité de traiter de manière différente les personnes demandant le bénéfice de l'aide juridictionnelle, suivant qu'elles perçoivent l'aide personnalisée au logement ou l'allocation de logement familiale, résulte, dans son principe, de la loi. Toutefois, l'aide personnalisée au logement et l'allocation de logement familiale, qui sont exclusives l'une de l'autre, poursuivent des finalités sociales similaires. En outre, l'attribution à une famille de la première ou de la seconde dépend essentiellement du régime de propriété du logement occupé et de l'existence ou non d'une convention entre le bailleur et l'Etat. Par suite, le décret du 19 décembre 1991 ne pouvait, sans créer une différence de traitement manifestement disproportionnée par rapport aux différences de situation séparant les demandeurs d'aide juridictionnelle suivant qu'ils sont titulaires de l'une ou de l'autre de ces prestations, inclure l'intégralité de l'aide personnalisée au logement dans les ressources à prendre en compte pour apprécier leur droit à l'aide juridictionnelle. Le décret méconnaît ainsi, sur ce point, le principe d'égalité. »

Conseil d’Etat, Assemblée, 29 janvier 1954, Institution Notre-Dame du Kreisker, p. 64.

« Considérant, d’autre part, que, par la circulaire du 11 janvier 1950, qui a pour objet l’application des dispositions de l’article 69 de la loi du 15 mars 1850 en ce qui concerne les demandes de subvention adressées à des départements ou à des communes par des établissements privés d’instruction secondaire, le ministre de l’Education nationale ne s’est pas borné à interpréter les textes en vigueur, mais a, dans les dispositions attaquées, fixé des règles nouvelles relatives à la constitution des dossiers de ces demandes de subventions ; que, par suite, ladite circulaire a, dans ces dispositions, un caractère réglementaire ; que, dès lors, l’institution Notre-Dame du Kreisker est recevable à déférer au Conseil d’Etat les prescriptions contestées de cette circulaire ; »

Conseil d'Etat, Assemblée, du 28 juin 2002, 220361, publié au recueil Lebon

« L'interprétation que l'autorité administrative donne au moyen de dispositions impératives à caractère général des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en œuvre n'est susceptible d'être directement déférée au juge de l'excès de pouvoir que si et dans la mesure où cette interprétation méconnaît le sens et la portée des prescriptions législatives ou réglementaires qu'elle se propose d'expliciter ou contrevient aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes juridiques. »

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