Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

Un fonctionnaire en congé de longue maladie imputable au service doit-il renoncer à demander un congé de longue durée pour maladie contractée en service ?

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OUI : car le congé de longue maladie (CLM) imputable au service est plus protecteur que le congé de longue durée (CLD) pour maladie contractée dans l'exercice des fonctions.

Les trois congés de maladie « ordinaire », de longue maladie et de longue durée qui assurent des protections croissantes en cas de maladie non imputable  au service (Congé de maladie « ordinaire » - 3 mois à plein traitement et  9 mois à demi traitement, Congé de longue maladie - 1 an à plein traitement et 2 ans à demi traitement et congé de longue durée - 3 ans  à plein traitement et 2 ans à demi traitement),  rompent avec cette logique en cas de maladie contractée dans l'exercice des fonctions puisque le congé de longue durée est limité à huit ans (5 ans à plein traitement et 3 ans à demi traitement) tandis que les deux autres congés de maladie ordinaire et de longue maladie peuvent durer jusqu'à la mise à la retraite du fonctionnaire.

Il a été jugé à propos d’un fonctionnaire hospitalier que le maintien du plein traitement durant un congé de maladie ou de longue maladie en cas de cause exceptionnelle n'est pas limité à la durée totale du droit au congé.

Conseil d'Etat, 10/ 7 SSR, du 29 décembre 1997, 128851, mentionné aux tables du recueil Lebon
« Un agent hospitalier qui n'est plus apte à reprendre son service à la suite d'un accident de service et auquel aucune offre de poste adapté ou de reclassement n'a été faite a droit, en vertu de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, a droit à être maintenu en congé de maladie ordinaire avec le bénéfice de son plein traitement sans autre limitation que celles tenant à sa mise à la retraite ou au rétablissement de son aptitude au service. »

Congé ordinaire de maladie imputable

Intégralité du traitement jusqu'au rétablissement de son aptitude au service ou jusqu'à la mise à la retraite(Maladie non encore consolidée)

 

En cas de consolidation de l'état de santé du fonctionnaire,  l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires ou les articles 30 et 36 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003, permettent de mettre par anticipation l'intéressé à la retraite. Le plein traitement se prolonge alors uniquement dans cet intervalle.

Ce n'est qu'en cas d'incapacité de reprise du service avec une absence de consolidation de l’état du fonctionnaire toujours souffrant  que le congé de maladie ou de longue maladie se trouve prolongé.

Conseil d'État, Section du Contentieux, 18/12/2015, 374194, Publié au recueil Lebon

Les dispositions prévoyant le maintien du plein traitement pour le congé de maladie « ne font pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui en remplit les conditions soit placé en congé de longue maladie ou en congé de longue durée ».

 

Congé de longue maladie imputable

Congé de longue durée imputable

Intégralité du traitement jusqu'à la reprise du  service ou jusqu'à la mise à la retraite

(Maladie non encore consolidée) 

- 5 ans à plein traitement

- 3 ans à demi-traitement

(Maladie non encore consolidée)

 

1) Un fonctionnaire devant être placé en congé de longue durée peut y renoncer  pour rester en congé de longue maladie beaucoup plus rémunérateur en cas d’imputabilité au service.

Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 29/09/2010, 329073

En l’espèce, Mme A, agent de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, qui souffre de l'une des maladies énoncées au 4° de l'article 34 du statut lui donnant droit au bénéfice du congé de longue durée, a demandé en application de l'article 30 du décret du 14 mars 1986 à être maintenue en congé de longue maladie.

Le bénéfice de cette mesure lui a été accordé par le directeur général de cet établissement public.

Toutefois, celui-ci a, par décision du 5 juillet 2006, rejeté la demande d'imputabilité au service de sa maladie au motif que le maintien en congé de longue maladie dont bénéficie Mme A excluait que celle-ci puisse se prévaloir de l'imputabilité au service de sa maladie.

Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Dans son arrêt en date du 29 septembre 2010, le Conseil d’Etat a considéré que si l'article 30 du décret du 14 mars 1986 ouvre à un agent qui remplit les conditions du congé de longue durée la possibilité de demander à être maintenu en congé de longue maladie, sous réserve de ne pouvoir ultérieurement revenir sur ce choix, ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de priver celui-ci du droit, qu'il tient des dispositions législatives, citées plus haut, de l'article 34 du statut, de demander, quel que soit le régime de congé sous lequel il est placé, la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'affection dont il est atteint.

Ainsi, le tribunal administratif de Paris a pu, sans erreur de droit, juger qu'un fonctionnaire qui souffre d'une des maladies énoncées au 4° de cet article peut demander l'imputabilité de cette maladie au service, y compris dans le cas ou il n'a pas sollicité un congé de longue durée, et annuler pour ce motif la décision du 5 juillet 2006 du directeur général de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS . 

Article 30 :

« Toutefois le fonctionnaire atteint d'une des cinq affections énumérées à l'article 29 ci-dessus, qui est dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qui a épuisé, à quelque titre que ce soit, la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie, peut demander à être placé ou maintenu en congé de longue maladie.(…) »

2) Le fonctionnaire qui ne demande pas son maintien en congé de longue maladie imputable au service en lieu et place d’un  congé de longue durée pour maladie contractée dans l'exercice des fonctions ou qui ne l'obtient pas a droit au maintien du demi-traitement tant que l'administration ne l'a pas placé dans une nouvelle situation statutaire de reprise du service sur un poste adapté, de reclassement ou de mise à la retraite d'office.

Mais si l'état de santé du fonctionnaire rend impossible toute reprise d'un emploi à l'issue du congé de longue durée, en l’absence de consolidation de son état,  l'application de l'article 47 du décret du 14 mars 1986 conduit logiquement à un placement d'office en disponibilité sans indemnité de coordination ALD car la durée maximum d’indemnisation en IJSS de 3 ans fixée par le code de la sécurité sociale est dépassée dans ce type de congé (8 ans)

Article L.712-1 du code de la sécurité sociale :

« Les fonctionnaires en activité, soumis au statut général, et les magistrats de l'ordre judiciaire bénéficient, ainsi que leur famille, dans le cas de maladie, maternité, invalidité et décès, de prestations au moins égales à celles qui résultent de la législation relative au régime général de sécurité sociale. ».

Article 47

« Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme.

Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. »

Conseil d'État, Section du Contentieux, 18/12/2015, 374194, Publié au recueil Lebon

«Il résulte de la combinaison des articles 41 et 71 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 et de l'article 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service, d'une maladie contractée ou aggravée en service ou de l'une des autres causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du CPCMR, et qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé de maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation. L'administration a l'obligation de maintenir l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre le service ou jusqu'à sa mise à la retraite.

Toutefois, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui en remplit les conditions soit placé en congé de longue maladie ou en congé de longue durée, le cas échéant à l'initiative de l'administration. Il a alors droit, dans le premier cas, au maintien de son plein traitement pendant trois ans et, dans le second, au maintien de son plein traitement pendant cinq ans et à un demi-traitement pendant trois ans. En l'absence de reprise du service ou de reclassement dans les conditions mentionnées ci-dessus, il peut, s'il est dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison de la maladie, être mis d'office à la retraite par anticipation, à l'issue du délai de trois ans en cas de congé de longue maladie, ou de huit ans en cas de congé de longue durée. Il conserve alors, en cas de congé de longue maladie, son plein traitement, ou en cas de congé de longue durée, son demi traitement jusqu'à l'admission à la retraite. »

Sur le maintien du traitement en l'absence d'adaptation du poste ou de reclassement, CE, 29 décembre 1997, Centre hospitalier général de Voiron, n° 128851, T. p. 887. 

 

TEXTES APPLICABLES :

Article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat

« (…) Le fonctionnaire en activité a droit :

2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence.

Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ;

3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence.

Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie.

(…) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence.

Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. (…) »

Article L.27 du code des pensions civiles et militaires de retraite :

 « Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article.

L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code. Par dérogation à l'article L. 16 du même code, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. »

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