OUI : dans un arrêt en date du 1er juillet 2015, le Conseil d’Etat considère qu’un sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit au paiement direct pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l'économie générale du marché. Pour apprécier si des sujétions imprévues apparues pendant l'exécution d'une partie sous-traitée d'un marché ont entraîné un bouleversement de l'économie générale de ce marché, il convient de comparer le montant des dépenses résultant de ces sujétions au montant total du marché et non au montant de la partie sous-traitée.
1° La notion de sujétions techniques imprévues est précisée par le Conseil d’Etat dans un arrêt ville de Lens du 30 juillet 2003.
Il doit s’agir de difficultés matérielles rencontrées lors de l'exécution d'un marché, présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties.
« Ne peuvent être regardées comme des sujétions techniques imprévues au sens des dispositions de l'article 19 du code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret du 7 mars 2001 que des difficultés matérielles rencontrées lors de l'exécution d'un marché, présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties.
En l'absence de dénaturation, l'appréciation à laquelle se livrent les juges du fond pour estimer que les difficultés invoquées satisfont ou non à ces trois critères n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation. Il appartient toutefois au juge de cassation de contrôler, sous l'angle de l'erreur de droit, le respect de ces trois critères par les juges du fond. Une cour administrative qui, pour juger que des travaux complémentaires ne présentaient pas le caractère de sujétions techniques imprévues sans faire usage de ces critères commet une erreur de droit.
Pendant le cours des travaux de réaménagement d'un stade devant accueillir une grande compétition sportive internationale, les exigences nouvelles posées, d'une part, par les organisateurs de la compétition et relatives à la sécurité et au confort des joueurs, des spectateurs et des journalistes dans l'enceinte du stade et, d'autre part, par certains financeurs, subordonnant le versement d'une subvention à la réalisation d'un projet d'études destiné à permettre l'organisation dans le même stade, mais pour une discipline sportive différente, d'une grande compétition internationale, ne peuvent être regardées comme des difficultés techniques rencontrées dans l'exécution des travaux même si elles ont nécessité, pour être satisfaites, la modification des marchés de maîtrise d'œuvre et de contrôle technique. A supposer même qu'elles soient regardées comme telles, leur cause, dès lors que le maître de l'ouvrage avait volontairement accepté de reprendre à son compte les exigences, n'était pas extérieure aux parties. »
2° En l’espèce, par un marché à forfait d'un montant de 695 940 euros HT conclu le 7 mars 2006, le syndicat intercommunal des cinq communes de l'eau et de l'assainissement a confié à la société Degrémont la construction d'une unité de séchage solaire des boues de la station d'épuration de Peymeinade.
Aux fins d'effectuer des travaux de terrassement, la société Dégrémont a conclu un contrat de sous-traitance d'un montant de 156 000 euros HT avec la société Sud terrassement .
Le maître d'ouvrage a agréé ce sous-traitant et accepté ses conditions de paiement.
La société Sud terrassement a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à la condamnation de la communauté de communes des terres de Siagne, venue aux droits du syndicat intercommunal des cinq communes de l'eau et de l'assainissement, à lui payer la somme de 94 034,30 euros correspondant au surcoût des travaux qu'elle a supporté, les sols s'étant révélés d'une nature différente de celle qu'avait analysée l'étude des sols qui avait été réalisée préalablement à la conclusion du marché.
Par un jugement du 16 décembre 2011, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande ; que la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 10 juin 2014, annulé ce jugement et condamné la communauté de communes des terres de Siagne à payer à la société Sud terrassement la somme de 94 034,30 euros TTC au titre des sujétions imprévues.
La régie des eaux du canal de Belletrud (RECB), venue aux droits de la communauté de communes des terres de Siagne, se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
Pour accorder la somme de 94 034,30 euros TTC à la société Sud terrassement, sous-traitante de la société Degrémont, titulaire du marché en cause, la cour s'est fondée sur la circonstance qu'elle avait dû faire face à des sujétions imprévues qui avaient eu pour effet de bouleverser l'économie générale du marché.
Toutefois, pour apprécier si des sujétions imprévues apparues pendant l'exécution d'une partie sous-traitée d'un marché ont entraîné un bouleversement de l'économie générale de ce marché, il convient de comparer le montant des dépenses résultant de ces sujétions au montant total du marché et non au montant de la partie sous-traitée.
La cour administrative d’appel de Marseille a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que les dépenses occasionnées en l'espèce, d'un montant estimé par elle à 78 624 euros HT et 94 034 euros TTC, soit 11,3 % du montant total de 695 940 euros HT, avaient bouleversé l'économie générale du marché.
Par suite, son arrêt doit être annulé ;
Même si un marché public a été conclu à prix forfaitaire, son titulaire a droit à être indemnisé pour les dépenses exposées en raison de sujétions imprévues, c'est-à-dire de sujétions présentant un caractère exceptionnel et imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties, si ces sujétions ont eu pour effet de bouleverser l'économie générale du marché.
Un sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit à ce paiement direct pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l'économie générale du marché.
Pour apprécier si des sujétions imprévues apparues pendant l'exécution d'une partie sous-traitée d'un marché ont entraîné un bouleversement de l'économie générale de ce marché, il convient de comparer le montant des dépenses résultant de ces sujétions au montant total du marché et non au montant de la partie sous-traitée.
SOURCE : Conseil d'État, 7ème / 2ème SSR, 01/07/2015, 383613