Maître André ICARD
Avocat au Barreau du Val de Marne

L'Etat peut-il être toujours tenu pour responsable du départ en Syrie d'un enfant mineur ?

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NON : dans un jugement du 23 juin 2015, n° 1426180/3-1 , le Tribunal administratif de Paris vient de préciser qu'en l'absence de faute des services de police, du fait que le mineur remplissait les conditions légales de sortie du territoire et que ses parents n'avait pas encore signalé aux services de police la disparition de leur fils du foyer familial et son projet de départ pour la Syrie, les parents d'un enfant mineur parti en Syrie ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité de l'Etat. En l'espèce, les documents de voyage de M. B. A., qui était en possession de sa carte d'identité et d'un billet d'avion à son nom, ont fait l'objet d'une vérification par les services de police chargés de la surveillance des frontières, conformément aux stipulations précitées du règlement européen n°562/2006 du 15 mars 2006. Pour soutenir que les agent chargés de la surveillance des frontières à l'aéroport de Nice ont commis une faute en manquant à leur obligation de discernement, Mmes A. font valoir qu'ils se sont abstenus de contacter la mère de M. B. A. pour vérifier qu'elle autorisait son fils à quitter le territoire, alors que la Turquie est notoirement un pays de transit à destination de la Syrie et que son fils était un mineur non accompagné. Le tribunal administratif de Paris a jugé que ces circonstances ne suffisent pas à révéler l'existence d'une faute des services de police dans l'exercice de leur mission de contrôle dès lors que M. B. A. remplissait, ainsi qu'il a été dit, les conditions légales de sortie du territoire à destination de la Turquie et que Mme N. A. n'avait pas encore signalé aux services de police la disparition de son fils du foyer familial et son projet de départ pour la Syrie.

M. B. A., né le 26 janvier 1997, a embarqué, le 27 décembre 2013 à 14 heures, sur un vol reliant Nice à Istanbul. Il est constant qu'il s'est ensuite rendu en Syrie pour rejoindre un groupe armé participant à des activités terroristes. Mme N. A., mère de l'intéressé, considérant que les services de la police des frontières avaient commis une faute en le laissant sortir du territoire national, a demandé au ministre de l'intérieur l'indemnisation du préjudice moral subi par elle-même et ses enfants. Par une décision du 5 septembre 2014, le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande indemnitaire. 

D'une part, aux termes de l'article 7 du règlement n°562/2006 du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne du 15 mars 2006, relatif aux « vérifications aux frontières portant sur les personnes » : « 1. Les mouvements transfrontaliers aux frontières extérieures font l'objet de vérifications de la part des garde-frontières. (...) 2. Toutes les personnes font l'objet d'une vérification minimale visant à établir leur identité sur production ou sur présentation de leurs documents de voyage (...). » Aux termes du point 6 de l'annexe VII audit règlement : « 6.1. Les garde-frontières accordent une attention particulière aux mineurs, que ces derniers voyagent accompagnés ou non. Les mineurs franchissant la frontière extérieure sont soumis aux mêmes contrôles à l'entrée et à la sortie que les adultes, conformément aux dispositions du présent règlement (...) 6.3. Dans le cas de mineurs qui voyagent non accompagnés, les garde-frontières s'assurent, par une vérification approfondie des documents de voyage et des autres documents, que les mineurs ne quittent pas le territoire contre la volonté de la ou des personne(s) investie(s) de l'autorité parentale à leur égard. » 

D'autre part, aux termes de l'article 8 du décret n°86-592 du 18 mars 1986 susvisé alors en vigueur : « Le fonctionnaire de la police nationale est tenu (...) d'intervenir de sa propre initiative pour porter assistance à toute personne en danger, pour prévenir ou réprimer tout acte de nature à troubler l'ordre public et protéger l'individu et la collectivité contre les atteintes aux personnes et aux biens. » 

En l'espèce, il n'est pas contesté que les documents de voyage de M. B. A., qui était en possession de sa carte d'identité et d'un billet d'avion à son nom, ont fait l'objet d'une vérification par les services de police chargés de la surveillance des frontières, conformément aux stipulations précitées du règlement européen n°562/2006 du 15 mars 2006.

 Pour soutenir que les agent chargés de la surveillance des frontières à l'aéroport de Nice ont commis une faute en manquant à leur obligation de discernement, Mmes A. font valoir qu'ils se sont abstenus de contacter la mère de M. B. A. pour vérifier qu'elle autorisait son fils à quitter le territoire, alors que la Turquie est notoirement un pays de transit à destination de la Syrie et que son fils était un mineur non accompagné. 

Toutefois, ces circonstances ne suffisent pas à révéler l'existence d'une faute des services de police dans l'exercice de leur mission de contrôle dès lors que M. B. A. remplissait, ainsi qu'il a été dit, les conditions légales de sortie du territoire à destination de la Turquie et que Mme N. A. n'avait pas encore signalé aux services de police la disparition de son fils du foyer familial et son projet de départ pour la Syrie. 

En effet, il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal dressé par les services de police que même si Mme N. A. a, très rapidement après avoir eu connaissance du départ de son fils, procédé à un tel signalement auprès des services de police le 28 décembre 2013 à 4h30, son fils avait alors déjà quitté le territoire français. Enfin, si les requérantes font valoir, sans au demeurant l'établir, que M. B. A. voyageait sans bagage et avec un simple billet aller, il ne ressort pas des pièces du dossier que les agents de police mis en cause par Mmes A. pouvaient avoir connaissance de ces circonstances. 

Enfin, les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article R.434-10 du code de la sécurité intérieure qui ne sont entrées en vigueur que le 1er  janvier 2014. 

En l'absence de faute des services de police, les requérantes ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité de l'Etat. Dès lors et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir partielle opposée par le ministre de l'intérieur, leurs conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. 

SOURCE Dalloz Actualités : Tribunal administratif de Paris, 23 juin 2015, n°1426180/3-1

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