BILLET D’HUMOUR : une terrible polémique enfle en ce moment dans les salons parisiens feutrés au sujet de l’opportunité du port des décorations sur une robe d'avocat pendant les audiences.
Un confrère parisien et un syndicat professionnel préconisent de bonne foi et certainement à juste titre de recommander à un avocat décoré de s'abstenir de porter ses décorations sur sa robe d'avocat pendant les audiences pour respecter un soi-disant principe d’égalité entre confrères décorés et non décorés.
Voilà un sujet d'une importance capitale pour l’avenir de la profession d’avocat en ces temps de grande prospérité économique et où tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes judiciaires.
C'est vrai qu’après la loi dite « Macron », notre profession définitivement sauvée et confortée dans la conservation et le renforcement de ses privilèges d'antan, doit bien faire émerger quelques sujets d'une importance capitale pour son avenir.
Le port des décorations sur le costume d'audience en est un, je le concède bien volontiers et humblement, j'ai moi même été souvent tétanisé à l’audience et perturbé dans ma plaidoirie, par l’aura d’un confrère adverse (souvent parisien d'ailleurs reconnaissable à son épitoge non herminée), qui arborait fièrement sur sa poitrine mise en valeur par une superbe robe noire de la Maison BOSC (l’étiquette présente sur le revers de l’épitoge l’attestait), une plaque de décorations multicolore digne d'un héros de la deuxième guerre mondiale ou d’un marine de l’armée américaine ayant fait toutes les guerres.
Si j'ai bien compris la polémique de nos prestigieux lanceurs d'alertes, il s'agit simplement de recommander à l'avocat décoré de s'abstenir de porter ses décorations sur sa robe en audience afin de ne pas complexer définitivement et de façon irréversible son contradicteur déjà professionnellement jaloux de sa réussite, de ne pas « l'inférioriser» plus dans son exercice et aussi afin de ne pas susciter inutilement la jalousie supplémentaire et superfétatoire de ceux qui n'ont pas eu le grand bonheur d'être décorés alors qu'ils rêvaient tout éveillés chaque jour (comme moi, certains confrères ou peut-être certains magistrats du siège et du parquet) de l'être. (décorés)
Ainsi, il reste possible de porter ses décorations sur sa robe en cabinet, pour ceux qui reçoivent leurs clients en robe (oui, j’en ai connu), pour à la fois les impressionner et les rassurer.
Dans ce cas, au nom de l’égalité des armes, pourquoi ne pas recommander aussi à l’avocat de cacher son doctorat de droit obtenu avec les félicitations du jury en 1978 à la faculté de droit d’AIX EN PROVENCE, en recommandant à l’impétrant de ne pas le mentionner sur sa plaque de porte, sur ses cartes de visite, sur son papier à entête et en lui recommandant surtout de ne pas porter l'épitoge à trois rangs d'hermine, pourquoi non plus ne pas lui recommander de masquer ses origines sociales aristocratiques en lui interdisant le port de la particule en audience, pourquoi ne pas lui recommander de dissimuler sa belle voiture allemande en lui interdisant de stationner sur le parking du tribunal, pourquoi ne pas lui recommander de recouvrir d'un drap blanc la belle cheminée en marbre de son cabinet situé dans un bel immeuble de la capitale, les tableaux de maîtres, les sculptures d’Honoré ICARD, les estampes japonaises et les lithographies de Salvador DALI, lors de la réception d'un petit confrère assigné par l'URSSAF en liquidation judiciaire le 12 octobre 2015 à 14 heures, lui-même dénommé ICARD, pourquoi ne pas lui recommander de cacher sa superbe femme, brune pulpeuse, au demeurant dotée d'une intelligence prodigieuse, pourquoi ne pas lui recommander de dissimuler son beau et grand mari bodybuildé et bronzé artificiellement aux UV, aux cheveux méthodiquement tirés en arrière et abondamment gominés, pourquoi ne pas lui recommander de signer un document présenté par un greffier ou un huissier audiencier avec un « Bic » plastique orange et non pas avec son stylo à plume « Mont Blanc » offert par ses riches parents lors sa prestation de serment à la Cour d'appel de Paris, pourquoi ne pas recommander aux femmes de ne pas mettre en audience de chaussures de marque « Lauboutin » à semelles rouges trop voyantes et d'éviter de se parfumer avec un Channel n° 5 millésimé 1998, année anniversaire de la marque, pourquoi ne pas recommander aux hommes de ne pas porter en audience sous leur robe d'avocat de costumes taillés sur mesure par le grand couturier « Francesco Smalto » et de montres « Rolex » ou « Cartier » au poignet droit, etc.
En fait, recommander à tous les avocats de ne porter aucun signe extérieur de richesse et d’avoir l’air le plus faussement modeste possible, de ne pas laisser transparaître le moindre indice de réussite professionnelle, de notoriété, de succès ou de reconnaissance sociale pour ne pas rendre jaloux et complexé le confrère contradicteur, qui l’est déjà un peu par nature, lui petit avocat de banlieue parisienne en difficulté, sans plus beaucoup de clients solvables, « accro » à l'aide juridictionnelle et à la commission d'office et obligé d'écrire des articles, souvent larmoyants sur le net pour ne pas crever seul !
C'est vrai, je l’avoue, je suis à chaque fois personnellement très impressionné par des confrères arborant fièrement en audience, sur leur robe, plus de décorations qu'un maréchal soviétique de l'ex-armée rouge et j'en perds très souvent une grande partie de mes (petits) moyens oratoires au point d'être obligé de demander une suspension d'audience pour aller à la buvette du Palais boire un grand verre d'eau pétillante de marque « Vichy Saint Yorre » bien fraîche et croquer un sucre imbibé d'un peu d'alcool de menthe !!!
Je reprends ainsi peu à peu mes esprits... et les mots de ma plaidoirie me reviennent tout doucement pour essayer de plaire, émouvoir et convaincre (Delectare, movere, probare - Les devoirs de l'orateur -Officia oratoris - Ciceron (un peu de culture générale ne fait jamais de mal au lecteur).
La fragilité des apparences quoi !
Mais sans vouloir être trop impertinent aux yeux de l'excellentissime confrère qui se croit légitime, à juste titre et en toute bonne foi, à s'investir dans une croisade professionnelle d'apparence égalitariste et si j'osais dire, sans vouloir trop froisser les nombreuses consœurs et les nombreux confrères parisiens qui me soutiennent, un peu « parisienne », je pense que dans ces conditions, il vaut mieux continuer comme avant. (« Désormais ce sera comme d'habitude » disait l’autre.)
En effet, l’alternative est simple : soit on interdit la concession de toute décoration à un avocat pendant le temps de son inscription au Barreau (mais ce n'est pas le sujet et en plus, on ne sait jamais si j’avais la chance d’en obtenir une, sur un malentendu ça peut marcher …), soit dans le cas contraire, on lui autorise le port de sa décoration largement méritée et légalement accordée, en toutes circonstances y compris sur sa robe d'avocats en audience.
Non mais …
Et puis, vous n’allez pas dire qu’un avocat décoré de l’Ordre National du Mérite n’en a pas plus que moi (du mérite) qui n’ai jamais été décoré ?
On marche sur la tête.
Enfin, je ne vois d'ailleurs pas sur quel fondement juridique on pourrait restreindre le port d'une légion d'honneur en recommandant à un avocat de « s'abstenir de porter ses décorations » sur sa robe d'avocat alors que les magistrats eux-mêmes les arborent fièrement en audience ...
Et puis, ils ne vont pas dissimuler le fait qu’ils sont les meilleurs tout de même !
Pas de fausse modestie …
Juridiquement, il coexisterait ainsi deux régimes différents et discriminatoires de port de décorations sur un costume d'audience dans une même enceinte judiciaire : la salle d'audience.
Quid de l'avocat qui ne s'abstient pas de porter ses breloques chèrement acquises ?
Faut-il le sermonner, l’admonester, le réprimander, le sensibiliser, le culpabiliser, le traiter de général « Tapioca » ou le sanctionner vraiment ?
Que peut-on faire dans ce cas ?
Voyons, soyons réalistes et surtout pas de fausse modestie consistant à se montrer à ses confrères (et aux autres) moins méritant et moins talentueux qu'on ne l'est en réalité afin de ne pas le complexer.
Ah, ce fameux principe d'égalité que ne fait-on et ne dit-on pas en son nom !
Redevenons maintenant un peu plus superficiel pour terminer ce billet d’humeur (pardon d’humour).
A titre infiniment subsidiaire, pour détendre l'atmosphère après un sujet de cette gravité et pour être un peu plus léger à côté de ce problème fondamental pour l'avenir de notre profession qu’est le port de décorations sur la robe , il y a aujourd'hui dans notre pays de petits avocats de banlieue parisienne ou d'ailleurs, (que des petits les grands ne souffrent pas), au surplus non décorés mais très gravement malades, ayant subi deux interventions chirurgicales en septembre 2015 et trois hospitalisation d'une semaine, au surplus poursuivis en RJ par l'URSSAF, par des ATD des impôts, interdits bancaires, lâchés par le LCL de Villejuif, victime d’une bureaucratie tatillonne, seuls dans leur souffrance, trop fatigués pour continuer d'exercer normalement leur activité, qui n'arrivent même plus à payer leurs médicaments pour se soigner dans l’indifférence générale, qui aimeraient peut-être que des lanceurs d’alertes « recommandent à leurs confrères (et aux autres) de s'abstenir »... de les regarder crever dans l'indifférence !
Mais ça c'est une autre polémique à lancer certainement beaucoup moins porteuse ... que la présence d'une décoration sur une robe d'avocat.
Et en plus, ils n’ont certainement pas le bon profil pour être aidé …