Une mobilisation exceptionnelle de milliers d’avocats sur HUB AVOCAT s’est mise en place pour aider un confrère de banlieue parisienne gravement malade. Celui-ci, qui ne peut malheureusement plus les remercier individuellement, leur dédit cet article pour exprimer sa gratitude. Dans une précédente chronique, j’expliquais qu’un petit avocat de banlieue parisienne n’avait plus envie de se lever un matin, qu’il était terrassé par une maladie implacable et contraignante et de plus harcelé par les différentes institutions sensées l’aider. Son but n’était pas de se plaindre, de susciter la moindre pitié, ni de solliciter une aide financière, mais c’était plutôt un appel au secours. Il se sentait tellement seul dans sa souffrance physique et morale et dans ses doutes qu’il avait lancés cet ultime appel au secours, une bouteille à la mer. Alors bien sûr les institutionnels n’ont jamais réagis, mais il fallait s’en douter, sans doute n’est-il pas assez représentatif ou digne d’intérêt, lui le modeste avocat de banlieue parisienne qui a toute sa vie, comme nombre de ces merveilleux confrères anonymes,essayé de soulager au mieux la souffrance de ses clients, prostrés dans leurs doutes et leurs interrogations.
C’est vrai qu’il n’a pas toujours été bon gestionnaire de son cabinet, ni bon financier, mais l’essentiel n’était-il pas de remplir au mieux sa mission pour laquelle un joli moi de mai dans l’Est de la France, il avait juré devant la Cour d’appel de Nancy, d’exercer ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. Alors il écoutait beaucoup, partageant ses modestes connaissances sur Internet, toujours prêt à aider les gens et ses confrères dans un domaine assez hermétique et peu prisé : le droit public. Tous les jours on l’appelait de la France entière pour lui demander des « conseils gratuits ».
Le petit avocat de banlieue parisienne entendait souvent au téléphone : « Bonjour Monsieur, j’ai lu vos articles sur Internet et j’ai une question à vous poser. Je suis agent de la fonction publique territoriale et j’ai été licencié il y a trois ans. Je n’ai plus de couverture sociale et de revenus. Pouvez-vous me dire si j’ai droit au chômage ? Je suis sans ressources et j’ai trois enfants. Aidez-moi s’il vous plait, vous êtes mon dernier recours … aidez-moi, je suis au bout … J’ai envie d’en finir… »
Alors le petit avocat de banlieue parisienne répondait, répondait, répondait inexorablement, répétait des dizaines de fois, rassurait, écoutait, réconfortait, écrivait bénévolement des modèle de lettres, saisissait le tribunal pour conserver les délais, intervenait en « pro bono », c’est pour cela qu’il avait voulu être avocat, lui le petit avocat de banlieue qui avait grandi à Toulon (83) dans un quartier populaire. Ce fils d’ouvrier et de paysan savait qu’il ne deviendrait jamais un « grand avocat médiatique », un « ténor du barreau » çà il le savait car on n’échappe pas à sa condition. Mais il pensait très fort à ses parents ouvriers qui s’étaient sacrifiés pour qu’il fasse des études. Ils pensaient à ses grands parents qui s’étaient usées dans les travaux des champs, sous un soleil de plomb ou sous un mistral glacée d’hiver. Il pensait à sa belle mère, veuve à trente ans avec trois enfants à charge, qui s’est épuisée à faire des ménages pour les élever, quand tout le monde dort encore et que les pâleurs de l’aube commencent à peine à blanchir la banlieue seynoise endormie. (La Seyne Sur Mer – 83)
Le petit avocat de banlieue parisienne en avait fait la promesse : « Il n’oublierait jamais ses origines, et comme il avait eu la chance de s’en sortir, il aiderait ceux qui sont dans le besoin et dans la peine »
Mais il savait bien qu’un jour il paierait l’addition de ses erreurs comptables et de son manque de rigueur financière, mais il s’en moquait car il avait l’impression d’être avant tout utile et de servir à quelque chose. Et de plus, les honoraires ne doivent-il pas être appliquée avec délicatesse pensait-il pour se donner bonne conscience. Tant pis et en plus je ne suis pas un commerçant martelait-il dans son cerveau pour se justifier de ses erreurs, quant une fois les charges et les rétrocessions d’honoraires des collaborateurs payées, il ne lui restait plus rien pour lui.
Il continuait inexorablement sa route et même les interdictions bancaires du Crédit lyonnais (LCL) de Villejuif pour un chèque impayé de quelques euros, la réception des avis à tiers détenteurs des impôts des entreprises de Villejuif et les contraintes implacables de cet URSSAF de Montreuil qui le poursuit aujourd’hui en liquidation judicaire, n’arrivaient pas à le faire dévier de sa route guidée par « l’humanité » de son serment d’avocat.
Et puis, ce maudit 4 mars 2015 à 10 heures, le petit avocat de banlieue parisienne est tombé dans son cabinet de Villejuif avant de partir à une audience et n’a pas pu se relever. Il vous a déjà raconté dans ses précédentes chroniques toutes les tracasseries administratives qui lui sont arrivées par la suite, dont il ne pouvait pas se douter, se sentant protégé par les institutions sociales pour lesquelles il avait largement cotisé sans discontinuité depuis le 6 janvier 1970.
Le SMUR, les urgences, la réanimation, la néphrologie et les dialyses ont émaillé son parcours hospitalier au sein du CHU du Kremlin Bicêtre (94) où des équipes soignantes merveilleuses l’ont pris en charge et continuent de le faire admirablement aujourd’hui.
Mais les visites à l’hôpital ont été rares et à part la famille proche, une collaboratrice, deux anciennes collaboratrices, une stagiaire et une ancienne stagiaire, personne d’autre n’est venu le voir ni n’à demandé de ses nouvelles pendant son mois et demi d’hospitalisation.
Pire que la maladie et les traitements chirurgicaux douloureux, c’est cette douleur morale qui est la pire à supporter pour l’humaniste, l’hypersensible à fleur de peau qu’est le petit avocat de banlieue parisienne.
Il était bien triste et bien seul le petit avocat de banlieue parisienne et il se sentait abandonné de tous. Et puis dans ses moment de déprime, il se disait que s’il mourrait, il n’y aurait peut-être personne à son enterrement, comme à l’enterrement du père Goriot dans le roman de Balzac.
Il pensait aussi à son cher père décédé qui lui manque tant…
Et puis un jour, plus de 10 000 confrères de la France entière se sont levés ensemble pour le soutenir, ils se sont intéressés à sa situation, certains lui ont écrit, lui témoignant leur soutien, leur affection, leur amitié, leurs encouragements, lui proposant leur aide bénévole sous toutes les formes, une consœur du Val de Marne lui proposant même de lui mettre à disposition gratuitement un bureau.
Il ne s’attendait pas à çà le petit avocat de banlieue parisienne, il ne s’attendait tellement pas à çà qu’il en a pleuré silencieusement dans le crépuscule de son cabinet désormais désert.
Pourquoi tout çà disait-il, elles sont jeunes, ils sont jeunes, elles sont belles, ils sont beaux, elles sont talentueuses, ils sont talentueux, pourquoi s’intéressent-ils à moi qui suit en bout de course, malades et petit avocat de banlieue parisienne qui n’a qu’à partir à la retraite au lieu d’ennuyer le microcosme avec ses état d’âme. Pourquoi ne me frapperaient-ils pas de transparence comme le font si bien les institutionnels de ma profession et dont l’indifférence glaciale me blesse gravement.
Oui, vous l’avez compris, pire que la maladie, l’indifférence.
Mes chères consœurs, mes chers confrères, vos commentaires de soutien sont tels qu’ils l’ont ému aux larmes le petit avocat de banlieue parisienne. Vous écrivez toutes et tous des phrases magiques avec un talent de grand écrivain, et figurez-vous que vos phrases magiques le font parfois pleurer … de joie.
Il essayait jusqu’à présent de vous réponde individuellement, mais compte tenu du nombre de messages reçus il n’y arrive plus. Mais soyez persuadé qu’il lit absolument tous vos messages de soutien et qu’il vous contactera tous ultérieurement au fil du temps.
Merci mes chères et chers confrères de lui avoir sauvé la vie. Il m’a demandé de vous embrasser toutes et tous. Il est très admiratif et très fier de vous tous et après vous avoir lu vos messages et consulté vos profils sur HUB AVOCAT, il m’a dit de vous dire que vous êtes toutes les qualités de très grands avocats parisiens, de banlieue ou de province.
Mais vous l’avez peut-être compris, mais surtout ne le répétez à personne, surtout pas aux institutions représentatives et aux syndicats de la profession, le petit avocat de banlieue parisienne, c’est moi André ICARD de Villejuif (94). Je suis très fier d'être des votres et aussi d'être un petit avocat de banlieue parisienne encore debout grâce à vous toutes et à vous tous.
Mille mercis.
Affectueusement
ICARD